Comptes rendus

LEPAGE, Françoise, Histoire de la littérature pour la jeunesse (Québec et francophonies du Canada) suivie d’un Dictionnaire des auteurs et des illustrateurs (Orléans, Éditions David, 2000), 826 p.[Notice]

  • Lucie Guillemette

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  • Lucie Guillemette
    Département de français
    Université du Québec à Trois-Rivières

Constitués en domaine de recherche à partir des années 1970 avec la parution de Pleins feux sur la littérature de jeunesse au Canada français (1972) de Louise Lemieux et La littérature de jeunesse au Canada français (1972) de Claude Morin, les écrits pour la jeunesse représentent aujourd’hui sans contredit un volet prometteur des études littéraires. Comme en témoigne l’ensemble de ses travaux, l’apport de Françoise Lepage au champ de la littérature québécoise pour la jeunesse est majeur. Au moyen d’une étude comptant plus de 800 pages, Lepage livre un ouvrage fort bien documenté au sein duquel elle examine l’ensemble de la production littéraire pour la jeunesse depuis les origines — qu’elle situe en 1920, au moment du lancement de la revue L’Oiseau bleu — jusqu’à aujourd’hui. Compte tenu d’une dénomination qui prête parfois à confusion, l’auteure prend soin de définir dès l’introduction ce qu’elle entend par « littérature pour la jeunesse ». Il s’agit à la fois de « livres édités dans des collections pour la jeunesse mais écrits pour un vaste public, [d’oeuvres] écrites spécifiquement à l’intention des jeunes et [d’oeuvres] littéraires qu’on fait lire aux jeunes dans les établissements d’enseignement » (p. 24-25). Suivant cette définition, on comprend pourquoi les textes pour la jeunesse sont si souvent associés au champ de grande production de la littérature dite populaire. Tel que le précise l’auteure, l’objectif est de réaliser une analyse historique tissant des liens étroits et significatifs entre les oeuvres littéraires et leur contexte de production, entendu ici dans le sens de phénomènes sociaux et culturels. L’ouvrage est composé de neuf chapitres parmi lesquels les deux premiers effectuent en quelque sorte la préhistoire de la littérature pour la jeunesse. Lepage identifie en effet les premières lectures à caractère religieux prescrites aux enfants au début de la colonisation, les livres européens importés pour les jeunes à partir de la Conquête, les manuels scolaires imprimés au pays au xviiie siècle, les oeuvres canadiennes pour adultes distribuées sous forme de prix scolaire dès la fin du xixe siècle sans oublier les produits de la tradition orale (conte, légende, chanson, comptine) ayant contribué à définir l’imaginaire enfantin. Autant de manifestations culturelles qui démontrent l’évolution des perceptions de l’enfance et qui illustrent surtout la richesse du sujet examiné par l’historienne. Les autres sections explorent à divers degrés les contenus des oeuvres littéraires pour la jeunesse. On y traite notamment des premiers romans historiques parus dans L’Oiseau bleu, puis des biographies et des hagiographies, de la littérature pour adolescentes, des romans policiers et de science-fiction, des romans du scoutisme, du documentaire, de la bande dessinée, des albums, etc. Une partie de l’étude est consacrée à la production contemporaine composée de mini-romans et de romans parus depuis les vingt dernières années. Mentionnons qu’un chapitre porte spécifiquement sur la production que la francophonie hors Québec destine à la jeunesse. Reste qu’aux yeux du spécialiste, la partie la plus représentative de la recherche demeure celle où on s’attarde à la production littéraire destinée au jeune lecteur entre 1920 et 1998. Faut-il le rappeler, les débuts du livre pour la jeunesse coïncide avec la création de la revue L’Oiseau bleu par la Société Saint-Jean-Baptiste en 1920. Comme l’indique l’auteure, les premières publications de la revue sont des romans parus sous forme de feuilleton. Les textes, dont le but est d’inculquer les valeurs collectives nationalistes et religieuses véhiculées par l’élite dirigeante, reflètent un contexte idéologique particulier. Que l’on songe au cycle de Perrine et Charlot, de Marie-Claire Daveluy, posé à bien des égards comme une oeuvre fondatrice. Force est de reconnaître que le roman inaugural, Les aventures …