Comptes rendus

HEAP, Ruby, Wyn MILLAR et Elizabeth SMYTHE, dir., Learning to Practice. Professional Education in Historical and Contemporary Perspective (Ottawa, University of Ottawa Press, 2005), 311 p.[Notice]

  • Micheline Dumont

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  • Micheline Dumont
    Professeure émérite
    Université de Sherbrooke

En continuité avec l’ouvrage publié en 1999, Challenging Professions : Historical and Contemporary Perspectives on Women’s Professional Work (UTP), par Elizabeth Smythe, Sandra Acker, Paula Bourne et Alison Prentice, cet ouvrage continue d’explorer les multiples facettes de l’accès des femmes au travail professionnel, et notamment à une profession sanctionnée par des études universitaires. Ce premier livre se caractérisait surtout par des articles autonomes (biographies collectives, récits personnels, analyses de groupes professionnels) et on avait souligné justement que s’il avait révélé les principaux aspects de la problématique, une synthèse vraiment éclairante sur les plans conceptuel et historique se faisait encore attendre. Ce nouvel ouvrage cependant ne s’intéresse pas uniquement au genre et élargit la question au développement même de la formation professionnelle au niveau universitaire. L’introduction des directrices cible sept questions qui rassemblent les articles proposés, dans la problématique globale d’examiner les processus qui ont implanté dans les universités les principaux cheminements professionnels. Après quoi ? Quand ? Pourquoi ? Comment ? Par qui ? Pour qui ? Contrôlé par qui ? Les différents programmes professionnels ont-ils fini par être administrés dans les universités ? Toutes ces questions ne sont pas traitées également et dans tous les chapitres, mais un chapitre théorique éclairant, de Bob Gidney, permet de saisir la complexité de cet ensemble d’études particulières. Gidney démontre que le passage de la formation traditionnelle (on the job training) à la formation universitaire, quelque part au tournant du xxe siècle pour les principales professions, a discrédité en quelque sorte les modèles de formation en usage auparavant, et que ce discrédit s’est trouvé nourri par le rôle des professeurs d’université dans la recherche historique, qu’elle ait été effectuée par les professionnels eux-mêmes ou par les « experts » des sciences de l’éducation. Accessoirement, il démontre que la grande quantité de recherche effectuée en éducation, notamment sur les processus d’apprentissage, a eu peu d’effets sur la formation professionnelle universitaire et qu’on a continué à valoriser, aux dépens de la formation pratique, les savoirs théoriques qui sous-tendent l’exercice des professions. La re-conceptualisation de la formation professionnelle, en préférant la « science » à la « technique », a suscité de nouvelles tensions entre les deux types de savoir, tensions qui ne sont pas encore résolues au début du xxie siècle. Les « faits » qui sous-tendent cette interprétation sont choisis principalement dans l’histoire de la formation professionnelle des universités ontariennes, mais les notes infrapaginales font état des études principales qui ont été faites au Québec. Toutefois, il semble que ce chapitre stimulant l’aurait été davantage si l’auteur avait pu pousser l’analyse plus loin en démontrant par exemple que cet envahissement de l’université par les multiples programmes professionnels avait contribué à la transformation globale des universités qui ont adopté de plus en plus le modèle historique développé par les universités américaines et a lancé les universités canadiennes vers le statut d’entreprise. Elles deviennent, selon la terminologie de Michel Freitag, des « universités fonctionnelles », diminuant de ce fait le rôle de la connaissance, comme réalité transcendantale, importante en dehors de toute application, et par conséquent l’influence des facultés des Arts et des Sciences traditionnelles. Malgré ce bémol, la lecture de ce chapitre est passionnante ! Les chapitres subséquents proposent des aperçus éclairants sur les clientèles et les formations de plusieurs programmes professionnels de niveau universitaire. Le premier de ces chapitres n’aborde pas du tout la question du genre puisqu’il concerne l’établissement de la première faculté de théologie en Ontario, sous l’angle de la formation pratique qui était exigée des futurs pasteurs anglicans, profession alors rigoureusement masculine. William Westhall démontre que dans …