Comptes rendus

PERRON, Dominique, Le nouveau roman de l’énergie nationale : analyse des discours promotionnels d’Hydro-Québec de 1964 à 1997 (Calgary, University of Calgary Press, 2006), 306 p.[Notice]

  • Stéphane Savard

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  • Stéphane Savard
    Département d’histoire
    Université Laval

Dans Le nouveau roman de l’énergie nationale, Dominique Perron analyse les discours promotionnels présentés par Hydro-Québec – campagnes publicitaires, série télévisée, discours d’inauguration – afin de mettre à jour le « processus de consolidation discursive » (p. 2) entre les représentations symboliques de l’entreprise publique et celles de la nation québécoise. Elle dévoile ainsi la structure d’un « Grand Récit de l’Exploit d’Hydro-Québec » (p. 6), récit qui se veut d’abord et avant tout consensuel et qui se confond au récit national et hégémonique mettant en scène le Canadien français misérable et traditionnel devenu le Québécois « performant » (p. 251) et moderne grâce, entre autres, aux bienfaits de la Révolution tranquille. Mentionnons que l’approche littéraire choisie s’inscrit dans un courant historiographique québécois qui utilise comme principal objet d’étude les représentations symboliques entourant directement ou indirectement Hydro-Québec, comme c’est le cas des récents travaux de Caroline Desbiens. Parmi les campagnes promotionnelles décortiquées par D. Perron, trois retiennent particulièrement l’attention. Avec On est Hydro-Québécois (1973), l’auteure se penche sur la signification du vocable « Hydro-Québécois » en traçant les premiers traits de l’« homo hydroquebecensis » (p. 250). Selon elle, la « nationalisation symbolique » (p. 261) de l’hydroélectricité devient officielle avec la publicité de 1973, permettant ainsi le développement d’un sentiment identitaire centré sur le territoire du Québec – lieu où la ressource naturelle est puisée et transformée en énergie électrique. Celui-ci prendrait forme à l’intérieur d’un réseau de communication dont les citoyens-consommateurs sont les principaux récepteurs et Hydro-Québec un important émetteur. La symbiose entre les représentations identitaires de l’entreprise et celles de la nation québécoise atteint sa perfection avec les campagnes publicitaires Père et fille. L’énergie qui voit loin (1995) et Une énergie nouvelle (1997). En effet, l’auteure montre que le passé glorieux et consensuel de l’entreprise publique des années 1960 – « l’âge d’or » – se voit pleinement intégré, dans la publicité de 1995, au récit identitaire québécois. Par conséquent, la publicité promeut une fierté nationale auprès des citoyens-consommateurs et inculque à un présent et à un futur possible les valeurs centrées sur le progrès, la technologie, le consensus et l’exploit. Selon la littéraire, la fusion officielle entre le Nous de l’entreprise et le Nous du collectif national survient dans la campagne de 1997, les désirs de la société d’État se voyant entremêlés d’une habile façon avec les représentations hégémoniques de l’avenir de la nation. Hydro-Québec représenterait alors les aspirations du Québec tout entier. Outre les discours promotionnels tirés de campagnes publicitaires, D. Perron examine les discours et représentations véhiculés par la télésérie Les Bâtisseurs d’eau, produite et financée en totalité par Hydro-Québec. Grâce aux représentations véhiculées par les personnages de la série, la société d’État prend soin de relier d’un trait indélébile les réalisations de l’entreprise à la mémoire de la Révolution tranquille et de son nationalisme centré sur le territoire du Québec. La chercheure en littérature étudie aussi la charge symbolique imposée au barrage Manic 5 dans deux discours politiques, soit celui que Daniel Johnson devait présenter le 26 septembre 1968 pour l’inauguration du barrage Manic 5, ainsi que le discours de René Lévesque du 22 septembre 1978 prononcé en l’honneur de l’inauguration de la centrale Outardes 2. De par ce choix de nouvelles sources, il est intéressant de spécifier que D. Perron glisse d’une analyse de fictions – publicités, télésérie – vers une analyse de discours élaborés par des acteurs politiques. Or, la problématique principale de l’ouvrage visant à analyser le « corpus promotionnel » de la société d’État, ce choix et ce glissement procurent un certain malaise au lecteur. En effet, …