Comptes rendus

Legendre, Camille, Le travailleur forestier québécois. Transformations technologiques, socio-économiques et organisationnelles (Québec, Presses de l’Université du Québec, 2005), 397 p.[Notice]

  • Geneviève Brisson

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  • Geneviève Brisson
    Unité Santé et Environnement, Institut national de santé publique

L’ouvrage de Camille Legendre entend présenter la foresterie québécoise et les diverses transformations qu’elle a connues depuis le début du xxe siècle. Professeur de sociologie à l’Université de Montréal depuis de nombreuses années, l’auteur aborde les divers aspects du travail forestier au Québec à travers les cadres de la socio-économie et de la sociologie des organisations. Des aspects très diversifiés du travail forestier au Québec sont examinés à travers ces grilles théoriques et conceptuelles. En effet, neuf chapitres présentent, de façon distincte, les entrepreneurs forestiers, les travailleurs en forêt, le régime contractuel de l’exploitation forestière, la rémunération de la main-d’oeuvre forestière, la syndicalisation et l’innovation technologique des entreprises forestières. Ce contenu varié se construit autour d’une approche théorique dite « du développement et de l’évolution du capitalisme » (p. xxxi) ; curieusement, elle est présentée en annexe. L’auteur puise de façon importante aux travaux mis en oeuvre par Innis (1930) sur les produits régénérateurs (théorie des staples). Il postule que l’activité économique du Québec a été façonnée autour d’un rôle de pourvoyeur de ressources au service de métropoles tels la Grande-Bretagne et les États-Unis. Cette dynamique freinerait le développement et poserait des limites structurelles, lisibles notamment dans l’organisation et le travail forestiers. Le livre s’organise autour de cette théorie. Bien que ce ne soit pas le seul employé par Legendre, le postulat des produits régénérateurs traverse l’ouvrage et devient le principe directeur des recherches empiriques de l’auteur. Ce faisant, il procède d’un paradigme tout autre que ceux de l’ethnographie ou de la théorie ancrée. Son approche diffère par exemple des recherches récentes sur le développement régional, et des travaux ayant jadis fait école au sujet des transformations du monde rural par la transition vers l’exploitation forestière, comme ceux de Marc-Adélard Tremblay, Gérald Fortin et Louis-Marie Tremblay. Camille Legendre se penche particulièrement sur le cas des entrepreneurs forestiers entre 1900 et 1960, sujet auquel il consacre trois chapitres de son volume. Le rôle qu’ils ont joué au cours de la première moitié du XXe siècle est analysé comme celui d’acteurs sociaux ne pouvant devenir des moteurs de développement local en raison d’une position mitoyenne. Ils sont ainsi soumis aux contraintes structurales du marché puis aux transformations du travail forestier. Les études de cas réalisées par l’auteur au Saguenay et au Lac-Saint-Jean au cours des années 1970 étayent en partie ce propos, tout en suggérant que ces entrepreneurs bénéficiaient néanmoins d’une certaine reconnaissance sociale. Trois autres chapitres présentent de nouveau la situation de ces entrepreneurs et répètent certains éléments de leur condition. L’analyse s’attarde cette fois à la nature de la relation de travail des entrepreneurs : le contrat, l’organisation du travail et la rémunération. Ces sections sont les plus réussies du volume. En misant davantage sur une approche comparative, elles illustrent les modifications apportées par le virage technologique et économique des années 1960, subordonnées aux visées des grandes entreprises. Les autres chapitres de l’ouvrage puisent autant à la psychologie sociale qu’à la socio-économie. Dans le chapitre consacré aux travailleurs forestiers, Camille Legendre s’attarde à brosser leurs aspirations et leur implication dans une société en pleine mutation, celle de l’après-Révolution tranquille. La variété des désirs et des perspectives d’avenir y est formulée, quoique classée par catégories d’idéaux-types. Deux chapitres traitent de la syndicalisation des travailleurs forestiers, attribuée en partie à un déterminisme individuel et collectif : elle est présentée comme « une propension » (p. 281). Cependant, la description de la grève de Rouyn met aussi en lumière l’influence du contexte socio-économique lors de l’apparition du mouvement syndical en forêt. Cet ouvrage représente la somme des recherches accomplies par …