Note critique

En guise de (provisoire) conclusion[Notice]

  • Jean-Marie Fecteau

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  • Jean-Marie Fecteau
    Département d’histoire, Université du Québec à Montréal

La réponse de Donald Fyson à ma note critique est, ceux qui le connaissent s’en étonneront peu, à la fois claire et précise, tout en allant, en peu de mots, au fond des choses. L’espace qui m’est imparti dans le texte qui clôt cet échange étant encore plus restreint, je me contenterai de remarques finales qui ne doivent surtout par être conçues comme le « dernier mot » d’un débat qui, je le crois sincèrement, mérite de continuer. Je laisserai de côté la question de la place laissée aux « facteurs structurels », et notamment à la dimension « ethnique » dans notre histoire. Certains textes publiés récemment dans cette revue me laissent croire que le débat sur cette dimension de notre histoire est loin d’être terminé et je traiterai ailleurs plus au long de cette question. J’écarterai de même ici la question de l’histoire « par le bas ». Je me contenterai de signaler, en passant, que la connaissance « théorique » des grands systèmes judiciaires est une voie tout aussi valide pour déceler les ressemblances, similarités, voire identités logiques entre des institutions juridiques se donnant à l’observation sommaire comme radicalement différentes, que la connaissance de leur fonctionnement au quotidien, ou par le bas. Je crois avoir montré il y a longtemps que malgré justement des différences de formes importantes, les systèmes judiciaires français et anglais relevaient fondamentalement de la même logique. Il s’agit, ici, encore, d’une question d’interprétation où le constat de la pratique ne jouit d’aucune préséance interprétative en soi. Je voudrais simplement centrer ces ultimes remarques sur la question de l’interprétation du changement historique, et des philosophies fondamentalement différentes qui nous séparent, Fyson et moi. S’agit-il simplement de la « vieille question sur l’opposition entre la continuité et le changement », tel que l’exprime mon collègue ? Oui, si on considère comme « vieille » la question centrale de l’interprétation historienne des rapports dialectiques entre synchronie et diachronie. Le fait est que cette question a relativement peu à voir avec les « faits empiriques » dont se réclame sans cesse Fyson, et tout avec la lecture interprétative que l’on fait des phénomènes révolus sujets à notre quête de sens. Dans un texte célèbre, Bourdieu dénonçait l’« illusion rétrospective », la « regressio ad infinitum du surpassement érudit » à la base de la pratique historienne de tous les jours. L’histoire devient ainsi une sorte de « fuite en arrière », où la lecture des choses dans les catégories de l’origine (ou de la succession…) grève et, à mon sens, fausse l’analyse du mode d’inscription de l’objet de recherche dans la logique d’ensemble qui lui donne ultimement sens. Et, quoiqu’en dise mon collègue, ce problème n’a strictement rien à voir avec de soi-disant « preuves empiriques ». La volonté de saisir le sens d’une réforme, de mesurer son importance dans le processus temporel, de jauger en quoi elle modifie la logique d’opération d’un mode de régulation quelconque, peut toujours être ramenée à un entêtement agaçant, mais elle ne peut, comme le pense Donald Fyson dans un spasme empirique exactement du type que je dénonce, être « démentie par les faits ». Et ce, tout simplement parce qu’on parle ici d’interprétation ou de lecture du réel, parce qu’il ne s’agit pas d’« établir » le fait, mais d’en mesurer la portée. Et cela implique une opération conceptuelle qui n’a rien à voir avec la réalité d’un fait ou d’un autre. La police du Bas-Canada a connu, très partiellement, un processus impliquant l’usage du salariat et une relative spécialisation des tâches. Ces faits, personne ne les nie et …

Parties annexes