Comptes rendus

GAGNÉ, Gilles, dir., Le Canada français. Son temps, sa nature, son héritage (Québec, Éditions Nota Bene, coll. « Les séminaires Fernand-Dumont », 2006), 324 p.[Notice]

  • Pascale Ryan

…plus d’informations

  • Pascale Ryan
    Chercheure autonome

C’est un vaste programme que proposaient à leurs invités Gilles Gagné, Jean-Jacques Simard et Simon Langlois, en organisant le deuxième séminaire Fernand-Dumont en 2003. Notant que, durant les années précédentes, de nombreux essais et débats avaient porté sur la question du « Canada français, de ses gloires et de ses misères », ils ont invité plusieurs chercheurs à réfléchir et discuter ensemble durant deux journées d’études. Tenter de cerner la nature du Canada français est une entreprise d’envergure. Quatre thèmes ont été choisis pour tenter d’y parvenir : naissance et essor du Canada français ; le Canada français : entre messianisme et Grande Noirceur ; la Francophonie canadienne et le multiculturalisme ; le Canada français aujourd’hui : mort, résurrection, continuité ou héritage ? Quelques idées centrales traversent ces séances d’étude et donnent son unité au livre. Il apparaît dès les premières pages que la religion catholique, à travers ses diverses manifestations, est l’un des principaux marqueurs identitaires du Canada français, au point que, comme le souligne Jean-Philippe Warren, celui-ci ne serait pas concevable en dehors de l’Église (p. 147). Mais pour Louis Rousseau, la place de la religion dans la construction identitaire du Canada français ne se réduit pas à l’organisation cléricale. Il affirme que la construction religieuse de la nation canadienne-française se fait grâce à un travail de mythologisation [sic] et de ritualisation qui donne sens à la destinée collective, ce qui donne lieu à une véritable religion civile au sens utilisé par Robert Bellah (p. 25) : une mythologie (notamment celle de Dollard), avec ses rituels festifs occasionnels ou récurrents et ses injonctions normatives appuyées sur des modèles héroïques. Pour la plupart des participants au séminaire, si cette hypothèse d’une religion civile au Canada français apparaît opérationnelle, elle demande à être nuancée ou, à tout le moins, précisée. Pour Raymond Lemieux, par exemple, cette religion civile ne renvoie plus au courant intégrateur des religiosités propres à un système pluriel comme celui des États-Unis, mais à la réalité d’une religion hégémonique sur le terrain de l’imaginaire identitaire canadien-français, par sa capacité même d’assumer la confrontation à l’autre imaginaire que constitue l’étranger. Pour Fernande Roy, la religion civile serait le produit de l’idéologie cléricale, puisque ce sont des membres du clergé et des laïques inféodés qui fusionnent le social et le religieux. L’hypothèse lancée par Rousseau aura donné lieu aux discussions les plus fertiles de ces deux journées d’études, sans pour autant que les intervenants aient fait le tour du sujet. On attend avec impatience d’autres travaux sur la question. Lors de la deuxième séance, Lucia Ferretti a elle aussi rappelé l’importance de l’Église catholique au Canada français dans un texte qui, comme le souligne Martin Meunier, fait preuve d’une interprétation nuancée et émancipée de l’orthodoxie et qui, à ce titre, compte parmi les plus intéressants et les mieux articulés du recueil. Si l’Église s’est maintenue jusqu’aux années 1960, souligne Ferretti, c’est aussi parce qu’elle a longtemps rempli ses fonctions symboliques et sociales d’une manière que, dans son ensemble, les Canadiens français ont jugée appropriée. Certes, ses impératifs de conformité et son cléricalisme excessif ont représenté des contraintes. Mais cette Église a eu une insertion réelle et profonde dans la nation. Elle a promu un modèle de société moderne à sa façon, fondée sur la communauté, issue du milieu et favorable aux Canadiens français. Ce sont ces mêmes valeurs, mais laïcisées qui marqueront la Révolution tranquille. Ces deux communications, en explorant les liens entre identité canadienne-française et religion catholique, ont su déborder du cadre des études institutionnelles pour montrer l’importance culturelle et sociologique de l’Église canadienne-française. Deuxième …