Comptes rendus

SAGER, Eric W. et Peter BASKERVILLE, dir., Household Counts : Canadian Households and Families in 1901 (Toronto, University of Toronto Press, 2007), 486 p.[Notice]

  • Richard Marcoux

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  • Richard Marcoux
    Département de sociologie, Université Laval

L’ouvrage collectif que dirigent deux historiens de l’Université de Victoria est des plus intéressants. Il regroupe les efforts de chercheurs qui, depuis le milieu des années 1990, sont associés au Canadian Families Project ; un vaste programme de recherche qui permi la création d’une base de données issue des informations individuelles disponibles à partir des fiches manuscrites qui ont été complétées par les énumérateurs lors du recensement de 1901. Avec des informations détaillées sur plus de 265 000 personnes, représentant 5% des 5,3 millions résidants du Canada au début du xxe siècle, il est ainsi permis aux chercheurs de poser un regard nouveau sur la société canadienne. Cet ouvrage devrait notamment être fort intéressant pour les chercheurs qui s’intéressent à l’histoire du Québec dans une perspective comparative. Trop souvent en effet, les transformations sociales observées au Québec depuis le milieu du xixe siècle sont examinées uniquement par rapport au Haut-Canada ou à la province de l’Ontario. Ici, l’analyse « coast to coast » de certaines des contributions révèle des réalités fort variées sur le territoire canadien. Par exemple, deux des chapitres laissent penser que c’est peut-être davantage la Colombie-Britannique qui fait figure de « société distincte ». Danielle Gauvreau et Peter Gossage nous montrent en effet que des variables telles que d’être de confession catholique, d’habiter en zone rurale et d’avoir un faible niveau d’éducation, sont associées à une forte fécondité partout au Canada sauf en Colombie-Britannique. Partant de l’observation que plus du tiers des habitants de la province de l’ouest se déclarent athées en 2001 (comparativement à 1 sur 7 pour l’ensemble du Canada), Lynne Marks fait remonter à plus d’un siècle cette prise de distance envers les dogmes protestants et catholiques de la part des résidants de la Colombie-Britannique. Soulignons par ailleurs que la dédicace à Tamara Hareven, au début du livre, s’avère particulièrement pertinente puisque l’ensemble des contributions de la quinzaine de collaborateurs reflète bien la démarche scientifique et les questions qui ont animé la pensée de cette grande spécialiste de l’histoire de la famille. Décédée en 2002, Tamara Hareven a en effet inspiré les chercheurs de nombreuses disciplines qui se retrouvent représentées dans cet ouvrage : histoire, géographie, sociologie, anthropologie et démographie. La démarche interdisciplinaire est d’ailleurs l’une des caractéristiques de cet ouvrage d’histoire et elle semble avoir permis d’examiner certaines caractéristiques associées à différents comportements en ne se contentant pas de simples analyses descriptives mais en ayant recours aux méthodes d’analyse dites multivariées ; une démarche de traitement des informations statistiques peu utilisée chez les historiens et davantage répandue chez les démographes et sociologues. Plusieurs auteurs ont ainsi recours à des approches nettement performantes de traitement des données statistiques : Stacie Burke qui s’intéresse aux structures des ménages et des familles, Danielle Gauvreau et Peter Gossage qui s’interrogent sur les différentiels de fécondité, Ken Sylvester qui examine les migrations vers les villes canadiennes, Gordon Darroch qui analyse les pratiques d’hébergements d’enfants et de jeunes adultes dans les familles canadiennes, Eric Sager qui scrute les inégalités de revenus chez les travailleurs canadiens en 1901. C’est également le cas de la contribution de Lisa Dillon qui se penche sur les « frontières » de l’entrée en vieillesse et qui examine, à partir d’un modèle de régression logistique, les « effets nets » de différentes variables sur la probabilité d’être chef de ménage. Soulignons que ce texte de Lisa Dillon complète admirablement bien celui de Bettina Bradbury, qui le précède et qui porte sur les familles monoparentales, un phénomène assez répandu en 1901 puisqu’il représentait la réalité familiale de plus d’un enfant sur dix âgés de …