Cet ouvrage ambitieux de Pierre Pagé, Histoire de la Radio au Québec. Information, éducation, culture, constitue une contribution de taille à l’histoire culturelle du Canada. Pagé relate le développement de la radio au Québec depuis son tout début (la télégraphie sans fil) jusqu’aux années 1980 (le triomphe du FM). Il défend de manière aussi convaincante que très étayée la thèse qui fait de la radio un élément constitutif du développement socioculturel du Québec. La structure du livre permet une étude très fouillée de la radio. Au lieu de s’en tenir à une approche strictement chronologique, Pagé organise sa recherche selon cinq thèmes majeurs. Il commence par expliquer la genèse du média et la culture scientifique au Québec ; puis les rapports du journalisme et de l’information ; le rôle éducatif et culturel de la radio au service de la démocratie ; la radio comme médium musical ; et la radio comme médium dramatique. Ces grands thèmes lui procurent un cadre propice à l’analyse du rôle fondamental de la radio dans la formation de la culture québécoise. Pagé met en évidence les liens que crée la radio, par-dessus le temps et l’espace, et qui confortent l’argument voulant que la radio soit essentielle à la vie au Québec. L’auteur reconstitue soigneusement les rapports unissant les réalisateurs de radio, les personnalités, les vedettes et les stations. Si on perd souvent de vue ces liens, le style narratif permet de suivre le développement des rapports de nombreux individus clés qui ont influencé l’évolution de la radio. Pagé met à contribution sa connaissance étendue de la radio et des recherches à ce sujet depuis plus de trente ans pour réunir dans son livre plusieurs thématiques abordées par ces recherches. L’inclusion de toutes ces dimensions aurait été autrefois impossible en raison de la rareté de publications sur la radio. La plupart des monographies s’étaient auparavant concentrées, à juste titre, sur une station spécifique, un lieu, une politique ou une période. L’ouvrage consacre beaucoup d’attention à CKAC et à Radio-Canada, avec raison. Pagé démontre dès les premiers chapitres que les premières stations largement écoutées, notamment CKAC et celles du réseau de Radio-Canada, ont déterminé la croissance de la radio au Québec. Nous aurions quand même voulu en savoir plus sur la situation dans les régions comme la Montérégie, le Saguenay-Lac-Saint-Jean et l’Abitibi-Témiscamingue et sur les stations de langue anglaise. Pagé critique l’adoption par CKAC d’une programmation en anglais ; il y voit le signe d’une culture en crise et un bilinguisme imposé. Ce thème revient souvent dans le livre, qui documente en détail l’influence des formats et des programmations en provenance des États-Unis au cours des dernières décennies. Les stations de langue anglaise sont presque exclusivement décrites comme des courroies de transmissions de l’influence américaine. Le développement des stations françaises au Québec est fort bien documenté, notamment le rôle de Radio-Canada à l’échelle de la province. Pagé décrit les débuts de la radio et ses origines à Nicolet et au Séminaire de Saint-Hyacinthe. Il souligne l’importance des licences expérimentales, dix-huit en tout au Québec, des institutions scolaires et des universités détenant plusieurs d’entre elles. Le livre met en relief des personnages clés comme Jacques-Narcisse Cartier, qui fonde la station CKAC en 1922 après avoir fait carrière comme technicien expert et journaliste. Pagé soutient que le journalisme est demeuré en marge du monde de la radio, dominé par la diffusion de musique, jusqu’en 1938 quand les restrictions obtenues par la presse ont été levées à la demande du public dans le contexte de l’invasion allemande. Contrairement aux analyses antérieures, Pagé n’insère pas les évolutions de la radio …
PAGÉ, Pierre, Histoire de la radio au Québec. Information, éducation, culture (Montréal, Fides, 2007), 496 p.[Notice]
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Anne F. MacLennan
Département de communication, Université York