Comptes rendus

THIERRY, Éric, La France de Henri IV en Amérique du Nord. De la création de l’Acadie à la fondation de Québec (Paris, Éditions Honoré Champion, 2008), 502 p.[Notice]

  • Gervais Carpin

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  • Gervais Carpin
    Célat, Université Laval

Ce livre raconte l’histoire de la mise en place de la colonie française en Amérique du Nord de 1598 à 1613. L’auteur, Éric Thierry, a fait le choix d’un récit chronologique et, dans le développement de la partie événementielle de cette chronologie, de coller totalement à ses sources. La composition de l’ouvrage est classique. Une courte introduction qui aurait pu s’appeler avant-propos. Il y présente très brièvement les sources et les principaux travaux portant sur la période, fait connaître qu’il va mettre à profit les documents mis au jour après la parution de la grande synthèse de Marcel Trudel et y va de quelques remerciements. Il découpe son récit en six chapitres. Le premier chapitre est l’inévitable rappel de ce qui s’est passé entre la fin du xve siècle et 1598. Suit la période qui porte sur les années 1599 à 1603. Deux autres chapitres, les 3 et 4 nous font suivre la mise en place de la colonie acadienne de Dugua de Mons. À partir de là, comme l’histoire se poursuit dans deux aires géographiques différentes et avec des protagonistes également différents, la chronologie se poursuit en Y, une branche nous faisant suivre la fondation de Québec, pour l’autre, le chapitre 6 et dernier nous ramène à Port-Royal. Évidemment, sur le plan logique, cette histoire, de par son titre, aurait pu s’arrêter en 1610, mais pour la partie acadienne, c’eût été couper un récit au milieu de son déroulement. La césure de 1613, avec l’échec de la colonie de Saint-Sauveur, l’incendie de Port-Royal par les Anglais et le retour des embarquements avec les commerçants de La Rochelle, allait de soi. Et du côté de la vallée laurentienne, cette date était aussi celle du retour du monopole de la traite obtenue par Champlain notamment. Qu’apporte cet ouvrage à notre connaissance des débuts de la Nouvelle-France ? L’historiographie canadienne, avec les travaux de Trudel et de Campeau, a presque tout dit sur ce qu’on peut connaître de la période, et ce n’est pas parce qu’ils datent que ces travaux sont devenus caducs. L’historien que cela intéresse a depuis longtemps accès aux écrits de Champlain, de Lescarbot, de Biard, aux pièces rassemblées dans Les nouveaux documents sur Champlain, aux documents des archives des jésuites publiés dans Monumenta Novae Franciae, ou encore dans les documents des frères Bréard. Les sources retrouvées depuis et utilisées par Éric Thierry n’ajoutent rien aux événements eux-mêmes, mais elles permettent une compréhension plus fine du comportement de certains des personnages principaux de cette colonisation et donnent parfois un éclairage plus subtil de quelques questions controversées. Je citerai particulièrement le conflit entre le jésuite Biard et Charles de Biencourt. Si les pièces au dossier sont connues, l’interprétation qui en était faite partait d’un parti pris de Lucien Campeau pour le camp des jésuites. La présentation du conflit par Éric Thierry est beaucoup plus pondérée. Peut-on aussi reprocher à ce dernier de donner une place égale aux écrits de Lescarbot et à ceux de Champlain ? Le premier, hormis son séjour personnel de quelques mois dans la colonie, est à Champlain ce que Thevet était à Cartier, une source seconde, un historien en cabinet qui va chercher ses renseignements auprès des témoins de première main. Mais peut-être est-ce un reproche de trop, même si Éric Thierry a vécu longtemps avec les écrits de Lescarbot, ceux-ci restent indispensables pour compléter des informations absentes chez Champlain. L’auteur utilise ses sources avec précision, s’avançant avec rigueur dans l’interprétation, et il est tellement en phase avec les documents qu’il analyse qu’il est capable de mettre à profit tous les indices qui …