Prix de l’Institut d’histoire de l’Amérique française (édition 2008)[Notice]

Le Prix Lionel-Groulx – Fondation Yves-Saint-Germain a été décerné à Martin Petitclerc pour son ouvrage « Nous protégeons l’infortune ». Les origines populaires de l’économie sociale au Québec, publié chez VLB éditeur, en 2007. Ce prix veut primer le meilleur ouvrage portant sur un aspect de l’histoire de l’Amérique française et s’imposant par son caractère scientifique. Il est d’une valeur de 5000 $. L’ouvrage de Martin Petitclerc renouvelle la compréhension d’une des grandes questions de notre historiographie du xixe siècle, soit la formation de la classe ouvrière. Il démontre avec minutie que la mutualité telle que vécue à travers l’Union Saint-Joseph et d’autres associations semblables a été le vecteur de la construction d’une culture associative qui a nécessité un long apprentissage et a transformé profondément les classes populaires au xixe siècle. Cette culture d’entraide devint un acquis indispensable pour développer le syndicalisme. C’est sous cet angle que l’ouvrage fournit une contribution essentielle à l’histoire du mouvement ouvrier. Il éclaire également l’histoire de l’assurance-vie avec laquelle Martin Petitclerc compare les sociétés de secours mutuel. Celles-ci apparaissent sous leur vrai jour comme une forme d’entraide collective alors que la première, qui absorbe la plupart des sociétés de secours mutuel au début du xxe siècle, se présente comme «  une forme d’épargne individuelle  » en adéquation avec les valeurs libérales de l’époque. Tout autant que par l’originalité de sa thèse et l’importance de son apport historiographique, Martin Petitclerc se distingue par son habileté à conjuguer dans son analyse les dimensions économiques, culturelles et sociales, par la maîtrise des subtilités des concepts qui balisent son questionnement et par une connaissance approfondie de l’historiographie occidentale qui lui permet de comparer et de mettre en évidence les singularités de son objet d’étude. Le Prix Guy et Lilianne-Frégault a été décerné à Alain Beaulieu pour son article intitulé, « “L’on n’a point d’ennemis plus grands que ces sauvages”. L’alliance franco-innue revisitée », RHAF, 61,3-4 (hiver-printemps 2008). Doté d’une bourse de 1 000 $, le prix Guy et Lilianne Frégault prime le meilleur article paru dans le volume 61 (2007-2008) de la Revue d’histoire de l’Amérique française. Dans un texte à la fois dense et concis, Alain Beaulieu relate les péripéties des relations entre les Innus et les Français au cours des cinquante premières années du xviie siècle. Il réinterprète le sens pour les Innus de leurs alliances commerciales et guerrières et de leurs relations parfois tendues avec les Français pour montrer que si elles répondent à des impératifs commerciaux, elles s’inscrivent aussi et surtout dans leur volonté de préserver la souveraineté sur leur territoire et d’en contrôler l’accès. C’est pour préserver cette souveraineté que les Innus se refusent avant 1640 à guider les missionnaires sur leur territoire et qu’ils contraignent les traiteurs à se servir d’eux comme intermédiaire pour établir des relations avec les peuples qui vivent au-delà. Puis, au début des années 1640, ils doivent se résigner à abandonner graduellement leur souveraineté territoriale, affaiblis qu’ils sont par les attaques des guerriers des Cinq Nations, affaiblis aussi et surtout par les épidémies qui déciment leur population et restreignent leur capacité d’exercer la surveillance sur leur territoire. Par un étrange retournement de l’histoire, de conclure Alain Beaulieu, les Innus qui avaient accueilli les Français sur leur territoire en 1603, devenaient moins d’un demi-siècle plus tard dépendants de leurs décisions politiques. Et c’est ainsi qu’en portant une attention particulière aux aspects politiques et diplomatiques des relations entre les Innus et les Français, en décryptant les subtilités de leurs significations concrètes et symboliques, cette analyse d’Alain Beaulieu constitue un apport important à la …