Comptes rendus

PAUL, Josianne, Exilés au nom du roi. Les fils de famille et les faux-sauniers en Nouvelle-France, 1723-1749 (Sillery, Septentrion, 2008), 211 p.[Notice]

  • Arnaud Bessière

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  • Arnaud Bessière
    Chercheur postdoctoral, CIÉQ – Université Laval

Dans son premier ouvrage tiré de son mémoire de maîtrise, Josianne Paul nous propose de mieux connaître l’histoire des fils de familles et des faux-sauniers envoyés par lettres de cachet dans la vallée laurentienne entre 1723 et 1749. Le projet est ambitieux, car les sources concernant ces individus sont rares et disparates. Aussi, convient-il de saluer d’emblée l’audace de l’auteure qui parvient, malgré cette difficulté, à dresser un bon portrait de ces acteurs. La problématique est clairement présentée dès l’introduction. Plus qu’un simple relevé exhaustif des fils de famille et des faux-sauniers, l’objectif est de comprendre comment et pourquoi Maurepas « a utilisé la justice retenue pour mener à bien sa politique coloniale et mettre à profit le système des lettres de cachet pour favoriser l’immigration française vers la Nouvelle-France » (p. 12). Il s’agit aussi d’observer les répercussions de ce système sur la société coloniale (p. 17). Se basant principalement sur la correspondance officielle et quelques listes d’embarquement, l’historienne mène son enquête en adoptant un plan thématique en trois chapitres. Le premier consiste en une réflexion sur l’influence de Maurepas sur l’immigration forcée. L’auteur y rappelle le contexte et l’arrivée du comte à la tête du ministère de la Marine et des Colonies en 1723. Il souhaite poursuivre la politique coloniale de ses prédécesseurs et favoriser, suivant les préceptes mercantilistes, l’épanouissement des colonies françaises pour mieux servir les intérêts de la France (p. 29-30). Mais, mis à part les fourrures, le Canada n’offrait pas grand-chose à la métropole et les méthodes de peuplement n’avaient pas été très concluantes. Aussi, Maurepas délaissa-t-il le rêve de faire de la Nouvelle-France « une colonie de peuplement idéale pour en faire une colonie productive modèle » (p. 33). Pour atteindre son objectif, il met en place une nouvelle stratégie pour envoyer à peu de frais de nouveaux colons au Canada qui contribueraient au développement et à la diversification économique de la colonie. Cette stratégie repose sur les lettres de cachet, « instrument de contrôle social » qui permettait au roi d’imposer son arbitraire en matière de justice. Ces lettres répondaient ordinairement « aux besoins des familles qui voulaient éloigner ou interner un de leurs proches portant préjudice à l’honneur familial » (p. 15-16). Maurepas décide d’étendre leur usage. Dès 1720, il les utilise pour envoyer discrètement des prisonniers dans la colonie, et calmer du même souffle l’opinion publique qui s’opposait vigoureusement à la systématisation de l’immigration forcée observée entre 1717 et 1720. La mesure est toutefois abandonnée en 1726 à la suite des plaintes répétées de l’administration coloniale et des autorités religieuses : « les prisonniers n’étaient pas des colons convenables » (p. 49). Maurepas choisit donc de se tourner vers les fils de famille, sujet du second chapitre. Bien qu’il soit impossible de chiffrer les personnes venues par voie de justice retenue, Josianne Paul identifie 84 fils de familles exilés au Canada entre 1722 et 1749 (p. 70). La question du long processus emprunté par les parents désireux d’obtenir une lettre de cachet pour réprimer un fils déviant est abordée dans ce chapitre, mais c’est la difficile adaptation de ces jeunes hommes une fois transférés au Canada qui constitue la partie la plus intéressante. Puisqu’ils sont issus généralement de l’élite sociale, le rang de ces exilés ne les dispose pas au travail de la terre (p. 53). Privés du soutien de leur réseau social métropolitain et incapables, sauf exception, de trouver une occupation professionnelle ne dérogeant pas à leur condition, plusieurs se retrouvent sans rémunération et deviennent une charge pour la colonie. Finalement, rares sont ceux qui s’établissent au Canada. Quelques-uns désertent …