Comptes rendus

SANFILIPPO, Matteo, Il feudalesimo nella valle del San Lorenzo : un problema storiografico (Viterbe, Sette Città, 2008), 111 p.SANFILIPPO, Matteo, Dalla Francia al Nuovo Mondo : feudi e signorie nella valle del San Lorenzo (Viterbe, Sette Città, 2008), 300 p.[Notice]

  • Luca Lodignola

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  • Luca Lodignola
    Conseil National de la Recherche (Italie), Institut d’histoire de l’Europe de la Méditerranée

Vingt ans après sa soutenance, l’historien et canadianiste italien Matteo Sanfilippo a révisé sa thèse de doctorat (1989) pour en faire deux livres sur le système féodal implanté dans la vallée du Saint-Laurent. Selon M. Sanfilippo, le choix de publier deux livres au lieu d’un seul est motivé par la nécessité de simplifier le sujet pour un public italien qui ne le connaît pas, tout en attirant l’attention des spécialistes italiens de la féodalité sur l’importance du cas canadien qui leur est inconnu, d’autant plus que même leurs voisins français le connaissent très mal (FVSL, p. 13, 96). Les deux livres sont donc complémentaires. On ne saurait lire le premier qui aborde les faits, sans tenir compte du second consacré aux interprétations et aux débats historiographiques. Il faut aussi souligner, à la suite de l’auteur lui-même, que les deux ouvrages n’ont pas d’équivalent dans l’historiographie de langue française ou anglaise (FVSL, p. 16-17). Il convient donc d’évaluer cette contribution nouvelle dans le cadre du débat scientifique international, au lieu d’en limiter la portée au seul public italien. Le régime seigneurial fut introduit en Amérique du Nord par les premiers colonisateurs français qui ne pouvaient pas imaginer une autre façon de coloniser et d’aménager le territoire de la vallée du Saint-Laurent (FNM, p. 16). La répartition des terres en fiefs et la terminologie féodale qui l’accompagnait furent donc transposées dans un contexte colonial où ce système « n’avait aucun sens » (FNM, p. 46), d’autant moins que le seul élément qui comptait véritablement, selon M. Sanfilippo, était le rapport avec les Autochtones. La description de l’implantation et du développement du régime seigneurial en Nouvelle-France et dans le Bas-Canada par la suite, bien que très exhaustive et à la fine pointe des dernières contributions de l’historiographie internationale, n’ajoute pas aux connaissances des spécialistes. En effet, les deux livres ne s’appuient pas sur une nouvelle documentation archivistique (quelques documents, provenant des Archives nationales du Canada et des Archives de la Propagande à Rome, sont pourtant utilisés pour le xixe siècle) et se limitent à une analyse et à une synthèse de la production historiographique existante. La périodisation utilisée par M. Sanfilippo, qui consiste à considérer comme un tout le Régime français et le Régime anglais, n’est pourtant pas habituelle, surtout en ce qui concerne le régime seigneurial. Pourtant, selon l’auteur, ce nouveau découpage est essentiel, parce qu’on ne comprend pas autrement le développement du cadre interprétatif du régime seigneurial après la Conquête et jusqu’à nos jours. Selon M. Sanfilippo, ce débat historiographique trouverait ses origines dans « la discussion [très pratique] sur la sauvegarde ou l’abolition des fiefs » après la Conquête et serait directement lié au développement « du contexte politique et économique » (FVSL, p. 17). Remonter aux origines de la période 1763-1854 serait la seule façon de montrer comment le débat historiographique autour du régime seigneurial ne fut pas le résultat d’une opposition entre deux langues et deux nations, mais plutôt d’un clivage entre historiens dont les choix personnels ont été influencés par le climat politique canadien de leur époque (FVSL, p. 94). Ainsi, selon M. Sanfilippo les années caractérisées par les succès des politiques fédéralistes du premier ministre Pierre Elliott Trudeau ont valorisé une approche « socio-économique » du régime seigneurial, jusque-là expliqué surtout en termes d’opposition entre les écoles francophone et anglophone. Puis, l’absence presque totale de débat théorique concernant la pertinence du phénomène féodal au cours de la période post-Trudeau pourrait s’expliquer par « la séparation rigide entre le Canada anglophone et le Canada …