La culture catholique[Notice]

  • Robert Gagnon et
  • Louise Bienvenue

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  • Robert Gagnon
    Directeur

  • Louise Bienvenue
    Membre du Comité de rédaction

Écrire l’histoire de l’Amérique française, n’est-ce pas toujours un peu écrire l’histoire du catholicisme, de sa présence et de son poids souvent immense dans les nombreux champs d’activité des hommes et des femmes du passé ? Même l’histoire très contemporaine – celle d’après 1960 – échappe peu à cette règle, se présentant souvent comme le récit d’une éternelle sortie de la religion. Une histoire saturée de catholicisme ? La référence religieuse semble, en tout cas, demeurer un principe organisateur puissant de la trame historique canadienne-française et québécoise. Si le travail des historiens s’arrache difficilement de cette toile d’araignée religieuse, il y a lieu de s’interroger sur la pertinence de consacrer un numéro double de la Revue d’histoire de l’Amérique française à la culture catholique. Le simple inventaire des dernières livraisons ne suffit-il pas à conclure que la religion est toujours bien présente au sein de la revue ? On l’aura compris, l’intention du comité de rédaction, en préparant la présente édition, n’était pas de réhabiliter un thème marginalisé ou négligé ni de mettre en valeur une orientation à la mode. Il s’agissait plutôt de réunir différentes contributions touchant au catholicisme pour prendre un instantané de la variété thématique et interprétative qui s’en dégage près d’un demi-siècle après les débuts de la Révolution tranquille et du Concile Vatican II. Plutôt que de conditionner les écrits par une problématique très orientée, nous avons laissé place à l’impulsion des auteurs afin de saisir le pouls véritable de l’histoire qui se fait. C’est ainsi qu’au gré des arrivages et par la sollicitation de certaines plumes aguerries dans ce champ d’étude, nous avons réuni un chapelet – on nous pardonnera le jeu de mots – de textes particulièrement intéressants et variés. Chacun de ces grains – filons la métaphore – réfracte à sa façon la lumière d’une « culture catholique » qui se vit et s’exprime à l’intérieur, mais aussi bien au-delà de l’institution ecclésiale proprement dite. Presque chacune des contributions qui figurent dans ce numéro se rattache aussi à d’autres champs de recherche – histoire du genre, de l’enfance, de la pensée politique, de la presse, des services sociaux et de l’éducation, etc. Les rassembler en un même espace narratif, consacré à la compréhension de la culture catholique, leur confère assurément un supplément d’âme : de leur voisinage fertile se dégage un certain nombre de traits, caractéristiques jusqu’à un certain point, des tendances de l’historiographie religieuse actuelle. Sur la base des sept textes qui constituent ce numéro, on ne peut manquer d’établir un premier constat : le xxe siècle est à l’honneur dans cette production qui réinterroge la culture catholique. Seul le texte de Marie-Aimé Cliche, sur les opinions théologiques et les croyances populaires relatives aux limbes, aborde une période plus large qui s’étend du xviie au xxe siècles. En s’appuyant principalement sur les catéchismes, l’auteure y montre que, contrairement à l’idée généralement admise, c’est tardivement au xixe siècle que la théorie des limbes des petits enfants morts se diffuse dans la société québécoise. Même si, dès le Moyen Âge, les écrits des théologiens traitent de cet « espace » où vont les petits enfants morts sans baptême, l’empressement à baptiser rapidement, observé dès la Nouvelle-France, n’aurait pas été motivé par la peur des limbes, mais plutôt par d’autres croyances populaires comme la crainte du démon. Le changement d’attitude des théologiens québécois et des fidèles au tournant du xxe siècle s’expliquerait, pour sa part, par une nouvelle sensibilité à l’égard du bien-être des enfants. Prenant, lui aussi, ancrage dans des considérations théologiques, le texte d’Yves Gingras prend pour point …