Comptes rendus

SÉGUIN, Maurice K., Samuel de Champlain. L’entrepreneur et le rêveur (Sillery, Septentrion, 2008), 382 p.[Notice]

  • Mathieu d’Avignon

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  • Mathieu d’Avignon
    Groupe de recherche sur l’histoire, Université du Québec à Chicoutimi

Rédiger le compte rendu critique d’un livre paru à titre posthume peut être une entreprise délicate. Dans le cas de Samuel de Champlain. L’entrepreneur et le rêveur de Maurice K. Séguin, paru un an après le décès de l’auteur qui avait laissé un manuscrit inachevé, il s’agit davantage de critiquer le travail d’édition effectué par Septentrion que le travail de recherche et de rédaction de l’auteur. Visiblement, le processus de validation scientifique n’a pas été respecté. Le texte de la quatrième de couverture annonce pourtant un ouvrage d’une qualité exceptionnelle, bien que l’auteur ne soit pas un historien professionnel, mais un géologue passionné par le personnage. Cela n’empêche pas l’éditeur de laisser planer le doute : « Aussi étonnant que cela puisse paraître, aucun historien québécois n’a osé, depuis un siècle, entreprendre une biographie de Champlain. […] Séguin a relevé le défi ». Voilà une biographie en tout véridique : « Le vrai Champlain a constamment échappé aux chercheurs trop pressés », et tout à l’honneur du personnage : avec ce « chercheur d’une patience exemplaire, Samuel de Champlain a trouvé chaussure à son pied ». Dans sa « Préface », l’éditeur Denis Vaugeois apporte une nuance, mais laisse planer le doute en attribuant une fois de plus à Séguin le titre d’historien dans un sous-titre (« Préface », p. 11). Mais il doit admettre que l’auteur est un « historien […] autodidacte […] [qui] ne connaît pas les règles de ce métier » (ibid.). Il y va même d’un exemple qui l’amène à reconnaître que l’imaginaire côtoie la « vérité » dans cette biographie : Séguin « rédige un long chapitre pour expliquer l’éducation reçue par Champlain. Hélas, on n’en sait rien […]. Certains spécialistes pourront s’en inquiéter, mais le procédé est normal pour un biographe » (ibid.). Pour lui, l’« admiration sans bornes » de l’auteur pour Champlain ne pose pas problème, le fait qu’il ne cite que très rarement ses sources non plus (ibid.). Le problème, c’est que, de la même manière, il ne cite pas ses références. Ce qui équivaut à dire que nous pourrions être en face de plus d’un cas de plagiat dans un ouvrage dit « scientifique »… Voilà une autre raison pour laquelle les spécialistes pourront, à bon droit, s’inquiéter. L’ouvrage est truffé d’erreurs flagrantes et de suppositions, l’argumentation totalement absente. Ces erreurs induisent les lecteurs en erreur. Elles montrent la méconnaissance de l’auteur en certains domaines et, parfois, sa volonté de présenter un héros en tout irréprochable, quitte à déformer les faits, par exemple d’écrire que seul François Gravé du Pont est responsable de la pendaison et de la décapitation de Jean Duval (ibid., p. 97), à l’origine d’un complot contre Champlain qui fut démasqué en 1608, quand ce sont Champlain, Gravé, le capitaine du vaisseau, le chirurgien, le maître, le contremaître et autres mariniers qui ont rendu cette sentence. L’auteur ne maîtrise aucunement sa matière. Tirés de la description du voyage de 1603 de Champlain, les exemples suivants montrent à quel point une mauvaise lecture des sources d’époque peut déboucher sur la diffusion d’erreurs inacceptables. Après avoir exploré les rives du Saint-Laurent, Champlain serait parti de Gaspé pour explorer des territoires du Nouveau-Brunswick, de la Nouvelle-Écosse, du New Hampshire, du Vermont et de New York, avant de retourner à Gaspé (ibid., p. 65-66) ! Et tout cela, en quatre jours ! Autre erreur inexplicable : Aymar de Chaste, qui finance cette expédition, était un « huguenot » (ibid., p. 58). Or, Champlain le décrivait tel un « parfait …