Comptes rendus

BALVAY, Arnaud, La révolte des Natchez (Paris, Éditions du félin, coll. « Les marches du temps », 2008), 246 p.[Notice]

  • Jean-Pierre Le Glaunec

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  • Jean-Pierre Le Glaunec
    Département d’histoire, Université de Sherbrooke

Fort Rosalie. C’est autour de ce poste français fondé en 1716 à proximité des villages autochtones Natchez, dans la basse vallée du Mississippi, que se déroule l’intrigue du livre écrit par Arnaud Balvay. Auteur d’une thèse publiée aux Presses de l’Université Laval, intitulée L’épée et la plume : Amérindiens et soldats des troupes de la marine en Louisiane et au Pays d’en Haut (1683-1763), l’auteur signe ici son deuxième ouvrage. Le nom de ce fort français, situé à environ 150 kilomètres en amont de la Nouvelle-Orléans, dans la colonie du Mississippi, pourrait prêter à sourire. Après tout, le prénom Rosalie, choisi en l’honneur de la femme du secrétaire d’État français à la Marine, Louis de Pontchartrain, n’est pas sans évoquer une certaine légèreté, en tout cas, un décalage presque pastoral. Et pourtant l’histoire qui nous est contée dans La révolte des Natchez est tout sauf légère. Le 28 novembre 1729, le Fort Rosalie, et ses environs, furent le théâtre d’un drame particulièrement complexe qui allait sceller le sort de la Compagnie des Indes, cette compagnie commerciale alors en charge de la Louisiane. Drame complexe qui mit aux prises Amérindiens, Noirs (libres et esclaves) et Blancs et qui marqua un temps d’arrêt prolongé dans la poursuite du peuplement de cette lointaine colonie française. Le 28 novembre, plusieurs centaines de Natchez, guidés par leurs chefs, appelés Soleils, décidèrent d’en finir avec leurs voisins français. Plus de deux cents colons furent tués au terme d’une attaque parfaitement coordonnée, et autant à peu près de femmes et d’enfants furent pris en otages. Fin tragique pour les colons (rares furent ceux qui en réchappèrent) mais aussi prélude d’une fin annoncée pour les Natchez. Après plusieurs expéditions punitives en 1730 et 1731, ces derniers, dont les ancêtres appartenaient aux grandes civilisations Coles Creek et Plaquemine, furent soit exterminés, soit irrémédiablement dispersés. Certains iront jusqu’à trouver refuge sur la côte atlantique, d’autres seront plus tard les victimes du tristement célèbre Sentier des Larmes de 1838, qui mena des milliers d’Amérindiens du Sud-Est des États-Unis vers ce qui allait devenir plus tard l’Oklahoma. D’autres Natchez enfin, comme le dernier Grand Soleil, finirent leur vie à Saint-Domingue, dans l’enfer esclavagiste. Arnaud Balvay présente au lecteur les différentes étapes qui menèrent selon lui à la révolte. Après une très (trop) brève introduction, l’auteur nous présente « Les ancêtres des Natchez » et certains traits de leur culture (notamment la construction de tertres pyramidaux caractéristiques de la civilisation Plaquemines) (chapitre I). Il relate ensuite les « premiers contacts » entre Natchez et Français lors de l’expédition de René-Robert Cavelier de la Salle en 1682 et fait état des expéditions subséquentes menées sous la houlette de Pierre Lemoyne d’Iberville et des premiers efforts d’évangélisation (chapitre II). Il décrit, dans un troisième temps, les « débuts de la colonisation de la Louisiane » et les raisons qui menèrent à la construction d’un fort aux Natchez en 1716 (chapitre III). Un nombre grandissant de colons s’installèrent autour de ce fort au début des années 1720 ; ils y pratiquèrent une culture intensive (indigo et tabac surtout) grâce à l’exploitation d’esclaves africains (chapitre IV). Les années 1722 et 1723 sont marquées par les premières fortes tensions entre Natchez et colons français ; en cause, notamment, la pression démographique et sociale exercée par ces derniers (chapitre V) sur les modes de vie traditionnels autochtones. Ces tensions furent suivies par une période de calme relatif, calme qui masquait en vérité une cassure importante entre Français et Natchez à la suite de la « guerre » de 1723 (chapitre VI). La « révolte » proprement dite, qui …