Comptes rendus

BÉDARD, Éric, Les Réformistes. Une génération canadienne-française au milieu du XIXe siècle (Montréal, Boréal, 2009), 412 p.[Notice]

  • Charles-Philippe Courtois

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  • Charles-Philippe Courtois
    Collège militaire royal de Saint-Jean

Professeur à la TÉLUQ, Éric Bédard nous livre ici une version considérablement transformée de sa thèse. Notons d’emblée que ce travail de transformation est réussi. L’ouvrage se découpe en six chapitres : Prudence et modération ; Parler d’une seule voix ; S’occuper de ses affaires ; Assainir le corps social ; Rendre le peuple meilleur ; Conserver l’essentiel. Quelle était la pensée politique des Réformistes ? Étaient-ils simplement des arrivistes avides de participer au pouvoir, ou étaient-ils guidés par d’authentiques convictions ? Éric Bédard croit qu’ils avaient des convictions et dégage cette pensée avec habileté. Le premier chapitre, entièrement nouveau, se présente avec tout l’attrait que comporte le récit historique. On reconnaît ici le talent de l’auteur pour ce mode d’écriture. Bédard nous replonge dans les événements de 1837, pour aborder la destinée ultérieure des Réformistes. Il y insiste sur la nécessité d’étudier le passé comme un présent qui, en son temps, demeurait ouvert. Dans ce retour sur les événements, il dégage le point de rupture entre les futurs Rouges et Réformistes dès 1837, alors que leur appui aux 92 résolutions avait été unanime. Dans la région de Québec, à l’instar d’Étienne Parent, on se détache très tôt de la radicalisation du Parti canadien, devenu patriote. Dans le district de Montréal, de jeunes loups comme La Fontaine ne s’en détachent qu’après le début du mouvement insurrectionnel. Il n’aurait d’ailleurs pas été inutile pour le lecteur que la suite des événements, essentiellement leur organisation politique après 1840 et leur participation au pouvoir, l’évolution allant du groupe canadien-français au parti réformiste, soit présentée. Mais, en somme, tirant la leçon de l’échec et de la répression, les Réformistes choisissent d’agir au lendemain de la Rébellion pour représenter les intérêts nationaux dans le nouveau parlement uni et se définissent désormais comme des modérés qui se défient des propositions radicales. Les chapitres suivants présentent une analyse éclairante des Réformistes à travers leurs prises de position sur une série d’enjeux politiques significatifs de l’époque, ayant également retenu l’attention d’une volumineuse historiographie. Pour définir leurs positions, Bédard s’appuie sur une vaste série de sources : correspondances, comptes rendus des débats en Chambre, journaux et périodiques proches du parti ainsi que les diverses publications des Réformistes les plus en vue, comme le roman Charles Guérin de Pierre-J.-O. Chauveau. Le second chapitre examine leur approche de la politique après 1837. Les Réformistes seront désarçonnés par la constitution d’un parti Rouge lorsque Papineau rentre d’exil. Pour eux, la nation canadienne-française doit former un bloc politique uni et unanime. Réaction à la répression de 1837-1838 et à l’Union sans doute, avance Bédard, avec pertinence. C’est là un premier trait qui permet de nuancer leur libéralisme : ils sont libéraux et démocrates, défenseurs du principe du gouvernement responsable, mais le souci de l’intérêt national doit primer. Leur malaise avec le principe d’opposition incite Bédard à s’interroger sur la possible pertinence du concept d’apolitisme avancé par André-J. Bélanger. Dans le troisième chapitre, Bédard examine la pensée économique des Réformistes. Ici aussi, il dévoile des libéraux qui ne sont pas doctrinaires. Ils sont plutôt favorables au libre-échange avec les États-Unis, surtout lorsque Londres abolit les Corn Laws. Leur principal souci est de stimuler le développement économique de l’ancien Bas-Canada et pour les Canadiens français. La nation doit suivre le progrès. Cela implique notamment de développer des chemins de fer, essentiels au commerce. Pour les Réformistes, il faut développer « l’industrie », terme englobant, qui réfère aussi à la production agricole, un des secteurs principaux de l’économie. Du reste, le développement agricole, comme le développement économique en général, doivent permettre de maintenir et accroître …