Note critique

La Conquête racontée en 2009Stacey, C. P. Québec, 1759. Le siège et la bataille. Donald E. Graves, éd., Catherine Ego, trad. (Québec, Presses de l’Université Laval, 2009), xxix-330 p.Manning, Stephen, Quebec : The Story of Three Sieges (Montréal et Kingston, McGill-Queen’s University Press, 2009), xv-194 p.Fournier, Marcel, dir., Combattre pour la France en Amérique. Les soldats de la guerre de Sept Ans en Nouvelle-France 1755-1760 (Montréal, Société généalogique canadienne-française, 2009), 628 p.Deschênes, Gaston, L’année des Anglais. La Côte-du-Sud à l’heure de la Conquête (Québec, Septentrion, 2009, 3e édition), 158 p.Courtois, Charles-Philippe, dir., La Conquête. Une anthologie (Montréal, Éditions TYPO, 2009), 486 p.[Notice]

  • Thomas Wien

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  • Thomas Wien
    Département d’histoire, Université de Montréal

Curieux phénomène que l’anniversaire, dans sa tendance à s’agglomérer en décennies, ensiècles, en quarts de millénaire… La commémoration publique ne contribue pas peuà ce culte du chiffre rond en habillant de discours historique la date dont elletient à rappeler l’importance. Sur ce terrain, la signification del’anniversaire en cours de la Conquête britannique du Canada (1759-1763) estplutôt ambiguë. La percutante controverse d’il y a deux ans sur l’opportunité ounon de rejouer en costumes d’époque sur les « Plaines » d’Abraham, la batailleemblématique du 13 septembre 1759 a vite démontré qu’au Québec, la Conquêterésonne encore. Et pas que dans les médias :l’indignation bien diffusée des uns, choqués de voir rappelée ainsi la Défaite,faisait sûrement écho au malaise de beaucoup d’autres devant l’idée de cettere-création – et récréation – insitu. C’était aussi l’occasionde mesurer combien d’eau avait coulé sous les ponts depuis que Champlain, Wolfeet Montcalm avaient partagé la vedette du spectacle bon-ententiste tenu sur cesmêmes lieux en 1908. Si sous cette forme elle s’est avérée « incommémorable », du moins au Québec, la Conquête a malgré tout connu un regain d’intérêt, ici et ailleurs, à la faveur de l’anniversaire. Les colloques bien fréquentés qu’on a consacrés à l’événement, sont un premier signe de cette curiosité accrue. Les assez nombreuses publications en sont un autre. La recherche fondamentale étant rarement tributaire du calendrier commémoratif, les nouvelles monographies ne sont pas nombreuses. Ce qui n’a pas empêché des auteurs, historiens « patentés » ou non, et des (ré)éditeurs de marquer le coup. Les livres recensés ici ne forment qu’un échantillon de cette production circonstancielle. La sélection semble assez représentative – comme quoi le hasard des envois pour recension à la Revue d’histoire de l’Amérique française fait bien les choses. Les cinq ouvrages ont tous paru comme il se doit en 2009, à quelques semaines tout au plus du 13 septembre. Vue la nature de l’événement rappelé et de son mythe, il n’est pas étonnant de constater que l’histoire des combats et l’histoire-combat sont toutes deux bien représentées. Dans le lot, il y a la traduction « augmentée » d’une étude classique de la bataille de 1759 (Stacey), une histoire militaire s’adressant au grand public anglophone (Manning), un volumineux répertoire biographique des troupes de Terre françaises (Fournier), l’édition révisée d’une étude sur les ravages de la guerre sur la Côte-du-Sud, en aval de Québec (Deschênes) ainsi qu’une anthologie de textes portant de près ou de loin sur la Conquête (Courtois). On cherchera donc en vain un véritable renouvellement des perspectives sur l’événement dans ces livres, même s’il y a de l’inédit à signaler. D’où l’intérêt de considérer ces publications sous un autre angle, comme faisant partie d’une sorte de happening commémoratif qui fait converger des récits sur la fin du Régime français au Canada. Convergence qui mérite peut-être qu’on s’y attarde, le temps d’une petite expérience. Le moment commémoratif est souvent étudié en tant qu’occasion saisie par des formateurs d’opinion – ou qui se veulent tels – de diffuser un discours historique aussi cohérent qu’intéressé. Mais il peut aussi être perçu comme une sorte de noeud où s’enchevêtrent différents récits, récents ou moins récents et souvent discordants, cherchant à attirer l’attention de publics variés. Ces récits font partie d’une circulation plus vaste qui fait passer des notions historiques des romans aux ouvrages d’histoire, de l’audiovisuel à l’imprimé, de l’histoire à la mémoire… et vice-versa. Instables et médiatisés, comme l’écrit la littéraire Ann Rigney, ces éléments en mouvement forment tous ensemble la mémoire culturelle d’une collectivité. Dans cette optique, l’anniversaire dûment observé d’un événement majeur représente une sorte… d’embouteillage. Les livres qu’on publie alors permettent …

Parties annexes