Comptes rendus

Dummitt, Christopher et Michael Dawson, dir., Contesting Clio’s Craft : New Directions and Debates in Canadian History (Londres, Institute for the Study of the Americas, 2009), 186 p.[Notice]

  • Ollivier Hubert

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  • Ollivier Hubert
    Université de Montréal, Centre interuniversitaire d’études québécoises

Cet ouvrage collectif est le produit d’un colloque tenu à Londres en 2007 sous l’égide de l’Institute for the Study of the Americas de l’Université de Londres. Il regroupe huit textes de qualité, chapeautés par une introduction qui tente de donner une cohérence au projet. Elle constate la redondance et la pauvreté, au Canada anglais, des débats concernant l’histoire nationale : sa possibilité, sa nature, son intention, son écriture, l’écho qu’elle est susceptible de trouver dans l’espace public, etc. Trop souvent, prétendent les directeurs du volume, la discussion tourne à la guerre des tranchées, chaque parti campant sur ses positions théoriques et se contentant de dénigrer le travail de l’adversaire. À cette barbarie académique, Dummitt et Dawson aimeraient substituer « a healthy and dynamic exchange of ideas about the future of Canadian history ». C’est donc à dépasser par le haut les apories de l’opposition entre histoire sociale et histoire politique (pour aller vite) que les contributeurs ont été invités. Selon la pyramide des âges universitaires, il s’agit de « jeunes » historiennes et historiens (entre 35 et 45 ans environ), ce qui donne inévitablement, et indubitablement intentionnellement, à l’ensemble un caractère de manifeste générationnel, un genre qui impose de se démarquer de la pratique de la génération précédente. Un sociologue y relèverait des stratégies de positionnement usant du vieux ressort moderne de l’avant-garde (on verra plus loin que la réaction en est une forme), mais on me permettra de passer outre la critique facile des lieux communs de la contestation pour livrer un aperçu des propositions elles-mêmes : le sérieux avec lequel la majorité des auteur(e)s travaille à redessiner le chiton de Clio offre des perspectives d’une valeur authentique. D’autant qu’il serait injuste de prêter à tous les participants des prémisses qui appartiennent peut-être aux directeurs du projet seulement. Magda Fahrni, dans un texte intelligent, signale la progressive disparition du Québec dans le récit historique canadien, « as though Quebec had already left the federation », et rappelle que la recherche québécoise sur l’histoire du Québec est bien vivante. Elle cherche les raisons du manque d’intérêt manifesté par les collègues du Canada anglais pour nos travaux et se propose de leur montrer que le développement d’études qui tiendraient compte du Québec représenterait une bonne occasion d’inscrire l’historiographie canadienne, d’une manière originale, dans le concert international qui valorise l’examen des comparaisons, des réseaux et des circulations ; une proposition qui vaudrait du reste également pour notre propre solitude. Michel Ducharme recommande une relance de l’histoire intellectuelle du Québec et du Canada par l’usage de références et de cadres supranationaux. Sa contribution est l’occasion d’un rappel efficace des commencements de l’histoire atlantique, mais évoque les quelques figures canadiennes pionnières avant d’illustrer son propos à partir du cas de l’interprétation des idées politiques durant la période de l’Amérique du Nord britannique. La démarche atlantique posséda, dès son origine, deux versants. L’un permettait le dépassement des fixations nationalistes en signalant l’intensité des échanges et des hybridations et incluait l’ensemble des populations qui partagèrent cet espace (y compris donc les sociétés amérindiennes et africaines), mais l’autre conduisait à un néo-chauvinisme qui consistait à marquer l’excellence et la cohérence de la culture de l’Atlantique Nord issue de l’expansion des pays de l’Europe occidentale. Si le regard postcolonial d’Adele Perry, en faisant de l’Empire une idéologie transnationale qui forge les nationalismes mâles et blancs du Canada, contribue à entrevoir comment une nouvelle histoire culturelle de nos romans nationaux pourrait émerger en posant la nation elle-même comme un problème, le surprenant projet d’Andrew Smith, qui imagine un répertoire des bienfaits du colonialisme britannique, suggère un grand saut …