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Introduction[Notice]

  • Elitza Dulguerova

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  • Elitza Dulguerova
    Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne

Le verbe « exposer » se décline en champs sémantiques sinon contradictoires, du moins ambivalents : son emploi le plus répandu, « disposer en manière de mettre en vue » englobe tant le domaine artistique que celui du commerce ; lorsqu’il renvoie à des personnes, il connote tantôt l’arrogance (« se disposer de manière à être regardé, remarqué »), tantôt l’humilité (« se soumettre à l’action de ») ; changeant de mode, il oscille entre l’assurance d’une présentation claire et neutre (« faire connaître oralement ou par écrit en présentant de façon claire, suffisamment détaillée et sans prendre position, un sujet dans sa totalité »), et la rencontre d’un péril, d’un compromis, d’une limite (« mettre [quelqu’un] dans une situation où il est menacé de quelque chose, où il est en butte à quelque chose »). En tant qu’objet d’étude historique et théorique, l’acte d’exposer suscite depuis une trentaine d’années un intérêt aussi croissant que la prolifération des expositions elles-mêmes au sein de notre culture du spectacle omniprésent. De nombreux ouvrages abordent désormais la théorie et l’histoire de ces formes éphémères mais efficaces d’exercice de pouvoir que sont les expositions et décortiquent leurs discours, stéréotypes et idéologies, aussi bien au sein qu’en dehors des institutions muséales. Ce « display turn » participe des efforts déployés dans la même période par l’histoire de l’art pour réévaluer ses propres fondements épistémologiques : que ce soit en inscrivant les pratiques artistiques et leurs usages au sein des relations de pouvoir socioéconomiques et culturelles (histoire sociale, féministe, postcoloniale de l’art), en veillant aux modalités événementielles et discursives de présentation et de réception des oeuvres (analyse foucaldienne du discours, théories de la performativité), ou en accordant une importance aux artefacts et phénomènes de la culture visuelle non artistique. Le développement des pratiques artistiques conceptuelles, et en particulier de la « critique institutionnelle », a également joué un rôle très important dans l’insistance sur le contexte et les conditions d’énonciation inaugurales des productions artistiques. Un des effets de ce tournant réflexif est l’apparition d’un nouveau genre de récits historiques fondés sur l’exposition comme facteur significatif de l’histoire de l’art, voire comme condition de possibilité de certaines pratiques artistiques modernes et contemporaines. L’étude des expositions fait désormais l’objet de collections de publications monographiques (« Exhibition histories » amorcée par la maison d’édition Afterall) ainsi que de plusieurs revues spécialisées récentes : Displayer (Karlsruhe), The Exhibitionist (Berlin), Manifesta (Amsterdam). Les institutions ne demeurent pas en reste : en France, l’histoire de l’exposition devient un axe de recherche à la fois de l’Institut national d’histoire de l’art et du Centre national d’art et de culture Georges-Pompidou ; ailleurs, des établissements tels que la Tate Gallery ou le Van Abbesmuseum d’Eindhoven font de la réflexion sur le potentiel discursif de l’exposition une modalité de fonctionnement du musée. Face à la polysémie du terme et à l’abondance des publications existantes, ce numéro d’Intermédialités opte pour une cartographie non exhaustive du thème qui met en évidence aussi bien l’étendue des recherches actuelles que la pertinence heuristique de l’intermédialité. Par sa nature même, une exposition est a priori intermédiale : l’acte de disposer et d’ordonner génère, au sein d’un espace et durant un temps, une forme de discours ; il met en situation, en représentation et en contact plusieurs instances d’énonciation (les artefacts ou « expôts », l’institution, les commissaires, les visiteurs/consommateurs, les artistes…). En amont même de tout dispositif médiatique accompagnateur (cartels, films, vidéos, documentation photographique), l’exposition est déjà une mise en scène qui appâte et séduit nos différents sens par sa parenté non seulement avec le théâtre, mais également avec …

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