PrésentationFamilles immigrantes et réseaux transnationaux : des articulations théoriques aux stratégies politiques[Notice]

  • Michèle Vatz Laaroussi et
  • Claudio Bolzman

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  • Michèle Vatz Laaroussi
    Professeure titulaire, Département de service social, Université de Sherbrooke, Québec

  • Claudio Bolzman
    Professeur chercheur, HES-SO, Genève, Suisse

Quelles que soient les conditions d’immigration, les statuts à l’arrivée et les contextes d’accueil, la question des réseaux familiaux transnationaux des immigrants revient comme une constante dans les recherches internationales. Si on a longtemps opposé les cultures occidentales individualistes aux cultures traditionnelles communautaristes, les immigrants sont maintenant perçus comme porteurs d’une alternative, voire d’un syncrétisme qui annule cette bipolarisation. C’est au travers de leurs réseaux familiaux transnationaux que circulent transmission et changement, tradition et modernité. C’est grâce à ces réseaux aussi que se traversent des frontières non seulement géographiques mais aussi symboliques et culturelles, amenant des transformations dans la vie des familles tant dans les pays d’accueil que dans les pays d’origine. Finalement, ces réseaux permettent une recomposition originale des liens familiaux, des appartenances et des rapports intergénérationnels en les reconfigurant autrement dans le temps et dans l’espace. Plusieurs recherches ont été menées sur les familles immigrantes, d’une part, et sur le transnationalisme, d’autre part, mais il paraît pertinent et particulièrement fructueux de croiser aujourd’hui ces deux perspectives. C’est ce que nous proposons dans le présent numéro thématique. Dans ce texte introductif, nous poserons les éléments de contextualisation des articles qui suivent, en dégageant d’abord les perspectives actuelles concernant les champs des familles immigrantes et des réseaux transnationaux. Nous proposerons ensuite, à partir de nos diverses recherches, trois modèles d’articulation théorique des réseaux familiaux transnationaux en présentant les espaces et les temps en jeu, en réfléchissant à leur composition et en exposant quelques-unes des fonctions qu’ils remplissent. Au travers de ces fonctions, nous questionnerons leurs articulations avec les programmes et les politiques, locales, nationales et internationales. Finalement, nous poserons trois axes d’analyse qui traversent ces différentes configurations des réseaux familiaux transnationaux contemporains, l’un basé sur leur structuration dans l’espace, le second sur les liens intergénérationnels qu’ils permettent, suscitent et entretiennent, et le troisième sur les politiques sociales et publiques qui, dans le domaine de l’éducation ou de la santé, parfois les accompagnent, parfois les parasitent. C’est au travers de ces trois axes que nous présenterons les textes de ce numéro et en analyserons quelques dimensions transversales pour conclure sur les nouvelles pistes de savoirs et d’actions produites ici, qu’elles portent sur les stratégies de citoyenneté au coeur des réseaux transnationaux ou sur les orientations politiques qui les encourageraient. Après avoir été analysées comme porteuses de problèmes sociaux et psychologiques pour leurs membres durant les années 1980-1990, les familles immigrantes ont fait l’objet, en ce début de XXIe siècle, d’études qui les approchent au travers de leurs stratégies, dynamiques et compétences (Vatz Laaroussi, 2001 ; Bolzman, 2007). On est passé d’une perspective psychologisante voire pathologisante à un regard constructiviste et social qui permet de parler de leurs recompositions et transformations dans la migration. En ce sens, les recherches sur les familles migrantes ont suivi le mouvement des études sociologiques sur les familles. Après avoir longuement discouru sur la fin de la Famille, institution universelle et première cellule sociale, les sociologues de la famille l’abordent maintenant au travers de ses mouvances, de la diversité de ses configurations, de l’originalité des fonctions sociales que ces nouvelles cellules du champ familial remplissent désormais. De la même manière, les années 2000 ont vu fleurir de nombreuses études dans le champ des migrations, qui est devenu, tant en Europe qu’en Amérique, un nouveau terrain de recherche sociologique. Alors qu’en Europe on s’interrogeait sur les questions d’intégration et de circulation (Tarrius, 2002), en Amérique du Nord on sortait du domaine traditionnel des études ethniques ou des recherches psychologiques sur l’acculturation pour composer un nouveau paysage d’analyse des processus migratoires. D’un côté et de l’autre de l’Atlantique, …

Parties annexes