Corps de l’article

Une littérature de plus en plus foisonnante s’intéresse aux transformations que la globalisation a induites dans le processus d’intégration des immigrants (Castels, 2002). Les possibilités croissantes d’entretenir des réseaux familiaux et sociaux transnationaux sont une dimension importante de ces transformations. La plupart des travaux sur les réseaux transnationaux des immigrants ont porté sur le rôle du réseau social avant la migration ; on s’intéresse alors surtout à l’influence du réseau sur le choix de migrer et sur le choix de destination (Boyd, 1989 ; Curran et Rivero-Fuentes, 2003 ; Wilson, 1994), mais aussi sur la transmission d’information une fois la destination choisie (Bauder et Lusis, 2007). Les travaux qui portent sur les réseaux postmigratoires s’intéressent au rôle du capital social local du migrant, notamment pour son insertion en emploi (Mullan, 1989). Quant aux réseaux transnationaux postmigratoires, la littérature s’est intéressée entre autres à leurs effets sur l’entrepreneuriat (Mustafa et Chen, 2010) et l’intégration en emploi (Hagan, 1998), sur l’intégration sociale (Snel, Godfried et Leerkes, 2006), sur la santé (Menjívar, 2002), sur la participation civique (Østergaard-Nielsen, 2003 ; Wilkin et al., 2009), sur la migration secondaire (Vatz Laaroussi, 2009) et tout particulièrement sur le maintien de l’identité. En effet, plusieurs auteurs ont montré comment les liens transnationaux servent à maintenir des identités culturelles liées au lieu d’origine, y compris dans des contextes d’extrême pauvreté, où le coût d’entretien de ces liens est particulièrement important (Dominguez et Lubitow, 2008).

Comme la plupart des études sur les relations transnationales, tant empiriques (Voigt-Graf, 2005) que théoriques (Walton-Roberts, 2004), ces travaux sur le rôle des réseaux transnationaux dans le maintien d’une identité culturelle adoptent généralement une approche communautaire, au sens où ils étudient les migrants d’une même origine ethnoculturelle. C’est aussi le cas des travaux qui documentent le rôle des réseaux transnationaux virtuels sur le processus d’identification (Saunders, 2006 ; Van Den Bos et Nell, 2006 ; Brouwer, 2006 ; Mitropolitska, 2006). Par contraste, nous avons choisi de ne pas nous concentrer sur une communauté en particulier, mais plutôt de tenter de cerner des processus transversaux susceptibles d’être à l’oeuvre dans plusieurs types d’univers culturels.

Dans le présent article, nous allons dans un premier temps documenter le rôle que les moyens de communication dits « virtuels » jouent dans le maintien du réseau transnational après la migration. L’objectif sera d’examiner si et comment les jeunes immigrants utilisent Internet pour maintenir des liens avec leur famille et leur réseau social dans leur région d’origine. Dans un deuxième temps, nous chercherons à savoir si cela transforme les modalités de leur intégration locale, c’est-à-dire si le maintien d’un réseau transnational empêche ou non l’intégration dans leur société d’accueil. Cette intégration sera appréciée selon deux dimensions : d’une part, le développement d’un réseau social local et, d’autre part, la construction d’un sentiment d’appartenance envers le lieu d’accueil. Bref, nous nous sommes demandé si la possibilité de maintenir des relations fortes à distance – avec la famille mais aussi avec les amis – affectait la capacité et peut-être surtout la volonté des migrants de développer un réseau et une appartenance au niveau local de leur communauté d’accueil.

Pour nous, l’identité peut être définie comme un choix subjectif de groupes d’appartenance que l’individu considère les plus importants et caractéristiques. L’identité serait donc d’abord un sentiment d’appartenance (de l’individu envers un ou des groupes), une « articulation singulière de différentes sphères d’appartenance » (Julier Costes, 2011) ; ou « groupes identitaires » (Maalouf, 1998 ; Dubard, 2000 ; Kaufman, 2005), chacun plus ou moins mis en valeur selon les contextes (Lévi-Strauss, Izard et Aguessy, 1977). Une telle définition a l’avantage de récuser l’essentialisme en posant l’identité comme un choix, certes grandement influencé par des conditions objectives, mais sans qu’il y ait déterminisme. En outre, elle permet aisément de reconnaître la multiplicité des appartenances qui s’amalgament pour composer l’identité d’un individu donné.

En effet, la littérature semble aujourd’hui de moins en moins partagée sur la possibilité pour les individus de combiner plusieurs appartenances ethnoculturelles fortes au sein de leur identité. La démonstration n’est plus vraiment à faire que les sujets n’ont pas à abandonner ou à diminuer le sentiment d’appartenance envers leurs origines pour faire de la place à l’identification au pays d’accueil. Même chez les jeunes, dont l’identité est en pleine construction (Erikson, 1968), l’appartenance locale s’accommode bien d’un maintien de l’identification au pays des parents.

Néanmoins, la construction des représentations de soi ne s’effectue évidemment pas en vase clos ; autrui joue un rôle important dans ce processus. Le jeune est entouré de diverses « offres identitaires », qui assignent des identités et qui en proposent un contenu substantiel. Les choix du jeune sujet sont donc façonnés par le discours ambiant, les médias, les élites, les lois, etc., qui construisent tous des communautés « imaginées » (Anderson, 1991). De manière plus particularisée, G.H. Mead (1963) a montré comment certains proches, les « autruis significatifs », agissent tout particulièrement sur la construction identitaire, dynamique que nous retrouvons dans la construction dialogique de soi proposée dans les suites de Bakhtine (Todorov, 1981).

Or, en se jouant de la distance géographique, Internet permet à de nouveaux acteurs d’intervenir dans le processus de construction identitaire. Deux dimensions retiendront particulièrement notre attention ici. Premièrement, Internet permet peut-être aux parents de continuer d’agir à distance sur ce processus. En effet, si les parents et la famille sont généralement des pivots du processus de construction identitaire du jeune, ce processus n’a pas à notre connaissance été documenté chez des jeunes dans des contextes où la famille immédiate (en particulier les parents) n’a pas migré avec le jeune et fait donc dorénavant partie du réseau transnational au lieu de proposer au jeune un modèle familial d’intégration quelconque.

Deuxièmement, en plaçant l’individu en présence accrue de son réseau social, sans égard à la distance géographique et au décalage horaire, Internet permet à ces Autres d’agir sur les représentations de soi à un point tel que la distinction entre réseau social et groupe d’appartenance semble s’estomper. « Les contemporains appartiennent toujours plus à une société inscrite dans des réseaux, beaucoup moins à une société définie par un territoire, enclose et attachée à celui-ci. » (Balandier, 2003). On en viendrait presque à se demander si les réseaux sociaux ne sont pas une nouvelle manifestation ou incarnation concrète de l’identité elle-même.

La littérature sur les réseaux sociaux développe d’ailleurs très peu la nature de son objet. On peut néanmoins définir le réseau social comme « un ensemble de relations entre un ensemble d’acteurs » (Forse, 2005 : 200). Cette forme de « sociabilité interindividuelle » (Bidart, 1988) est le plus souvent étudiée à partir d’un individu donné, dont le réseau serait un attribut. Ceci a conduit l’étude des réseaux sociaux à penser le réseau en termes de capital (en l’occurrence un capital social), mais il est possible de l’envisager dans des termes moins instrumentaux, notamment comme un tissu d’appartenance(s) qui agit sur les représentations de soi, voire comme une communauté.

En effet, Internet contribue à brouiller une distinction théorique que les sociologues et anthropologues des premières heures se sont évertués à établir entre communauté et société, Gemeinshaft et Gesellschaft, ou entre groupe primaire (constitué des gens que l’on côtoie et avec lesquels on entretient des interactions concrètes, comme la famille, le village ou l’école) et groupe secondaire (une communauté imaginée de gens abstraits, comme la nation). Or, le groupe primaire aujourd’hui n’est plus territorialisé ; Internet permet des relations concrètes avec les membres de la famille où qu’ils soient localisés, mais aussi avec des gens appartenant à des ensembles plus larges, naguère abstraits (comme des ensembles pan-autochtones ou une francophonie pancanadienne).

Si l’identité et le réseau sont ainsi étroitement liés, on devrait s’attendre à ce que le maintien du réseau familial transnational perpétue le lien avec les origines. Or, il y a lieu de se demander quelle en sera l’incidence sur l’intériorisation d’une nouvelle identité par le jeune migrant. En effet, comme le réseau familial n’est pas lui-même dans le pays d’accueil, en train de vivre un processus d’intégration identitaire en même temps que le jeune, son rôle dans le processus de construction identitaire en terre d’accueil est sans doute particulier.

Choix méthodologiques

En raison du peu de connaissances existantes sur le rôle des divers types de réseaux sociaux (en ligne, hors ligne, transnational, local) sur le développement des sentiments d’appartenance, a fortiori dans les cas où une partie du réseau familial est transnational, nous avons entrepris une étude qualitative exploratoire auprès d’une dizaine de jeunes migrants d’origines diverses vivant en région au Québec. Plus précisément, il s’agit de quatre jeunes femmes et six jeunes hommes entre 20 et 25 ans. Originaires d’Europe, d’Amérique latine ou du Maghreb, six sont établis dans la région de Québec et quatre en Chaudière-Appalaches. Ces répondants ont été recrutés par des contacts aux Carrefours jeunesse-emploi et une liste de courriel de l’Université Laval, ainsi que par les méthodes du carnet d’adresses (Duchesne, 2000) et de la boule de neige.

Leur statut légal et la durée de leur établissement au Québec sont variables. Alors que certains étaient au Québec depuis plus de trois ans au moment des entretiens (trois répondants), à l’inverse d’autres n’y étaient que depuis quelques mois (deux répondants), voire quelques semaines (une répondante), ce qui a naturellement une incidence sur l’étendue de leurs réseaux sociaux locaux. En outre, alors que nous cherchions initialement des immigrants à proprement parler, ceux qui ont répondu à l’invitation (et se considèrent donc eux-mêmes comme des « immigrants ») n’ont pas tous comme projet de rester au Québec. En effet, seulement trois répondants ont déposé des demandes de résidence permanente (dont une l’avait obtenu) et deux autres projettent de le faire. Inversement, trois répondants nous ont explicitement indiqué qu’ils ne souhaitaient pas s’installer au Québec de manière définitive. En conséquence, notre échantillon est constitué tant de migrants de passage que d’immigrants, dont la caractéristique commune est donc d’avoir quitté leur pays d’origine pour s’établir au moins temporairement au Québec, et ce, quelle que soit la géographie de leur projet d’avenir. Ceci nous apparaît compatible avec la mobilité accrue de la jeunesse d’aujourd’hui.

Nous avons ciblé des jeunes, d’une part, parce qu’il s’agit d’un âge crucial de la construction identitaire (Erikson, 1968) et, d’autre part, parce qu’ils étaient plus susceptibles d’être familiers et compétents avec les nouvelles technologies de la communication, quoique de grandes différences existent en la matière au sein de cette génération. Enfin, nous avons cherché des jeunes migrants en dehors de Montréal parce que cela nous permettait de mieux isoler le facteur du réseau (familial) transnational virtuel, alors que la métropole offre localement une multitude de communautés ethnoculturelles.

Les entrevues, d’une durée d’une heure à une heure et demie, portaient, d’une part, sur les réseaux familiaux et sociaux des répondants (avec un intérêt pour leur géographie et pour les moyens de communication employés) et, d’autre part, sur leurs sentiments d’appartenance à divers ensembles. Contrairement aux travaux sur les réseaux virtuels qui tendent à se focaliser uniquement sur les liens en ligne, nous nous sommes intéressées à l’ensemble du réseau de chaque répondant. Le fait que le contact soit maintenu ou non à l’aide d’Internet peut alors être analysé comme une caractéristique du lien. De même, la proximité ethnoculturelle ainsi que le caractère familial ou transnational de la relation peuvent être traités comme des caractéristiques des liens dans le réseau global de l’individu.

Géographie des réseaux sociaux 

On peut distinguer trois types de réseaux sociaux chez les répondants :

  • un réseau uniquement transnational, composé de personnes dans le pays d’origine (un répondant) ;

  • un réseau mixte, composé de personnes dans le pays d’origine ainsi qu’au Québec (six répondants) ;

  • un réseau cosmopolite, composé de personnes d’origines diverses, autant dans le pays d’origine et au Québec que dans d’autres pays (trois répondants)[2].

La seule répondante à se situer dans le premier type est une migrante récente (en échange universitaire de surcroît), ce qui ne lui permet pas d’avoir un réseau local développé, bien qu’elle ait quand même des connaissances au Québec. Au moment de l’entrevue, la majorité de son réseau se situe donc en Europe, dans son pays d’origine. Bien qu’elle ait aussi de la famille éloignée au Moyen-Orient (d’où est originaire sa famille immédiate), elle n’entretient pas de contacts étroits avec ces personnes en dehors des moments qu’elle passe avec elles pendant les vacances.

Les six répondants qui ont un réseau social de type mixte, composé de personnes dans leur pays d’origine ainsi qu’au Québec, se répartissent en trois sous-groupes, selon la composition de leur réseau social au Québec. Celle-ci semble influencée par la durée de séjour. Premièrement, après un an au Québec, le réseau d’un répondant est mixte sur le plan de la géographie, mais pas sur le plan de l’ethnicité, c’est-à-dire que ses contacts locaux sont principalement de la même origine que lui. Le réseau social au Québec de deux autres répondants qui ont passé environ deux ans au Québec est, à l’inverse, principalement composé de « Québécois », au sens ethnoculturel du terme. Enfin, le troisième sous-groupe est constitué de trois répondants ayant passé deux ans et plus au Québec, et dont le réseau local est composé à la fois de Québécois et d’immigrants d’origines diverses.

Une certaine durée de séjour dans le pays d’accueil est également associée à un troisième type de géographie, à savoir un réseau cosmopolite, composé de personnes dans leur pays d’origine, de personnes d’origines diverses au Québec, mais aussi de personnes (famille ou amis) situées un peu partout dans le monde. Dans un des trois cas, il s’agit d’une répondante établie au Québec depuis plus de trois ans et souhaitant y rester puisque son mari est Québécois. Son réseau personnel comprend non seulement celui de son pays d’origine et les amis québécois de son mari, mais aussi de la famille immédiate dans un autre pays, des amis rencontrés alors qu’elle vivait dans l’Ouest canadien et de nouveaux amis immigrants connus grâce aux cours de francisation au Québec.

Toutefois, les deux autres répondants à avoir un réseau cosmopolite sont plutôt des migrants de passage au Québec : l’un ne souhaite pas rester au Québec car il veut contribuer à l’avancement de divers pays, et l’autre n’est au Québec que pour une durée limitée dans le cadre d’un échange universitaire, et ses amis au Québec sont principalement des personnes dans la même situation qu’elle – c’est-à-dire en échange – mais d’origines diverses.

En somme, la durée de séjour et l’intention de rester au Québec influe considérablement sur la constitution d’un réseau social local qui inclut des Québécois d’origine. Néanmoins, le projet d’avenir ne semble pas être le principal déterminant. Les cinq répondants qui ont des Québécois d’origine dans leur réseau social personnel sont aussi des jeunes qui, dans un certain sens, n’ont pas vraiment eu le choix de se faire des amis québécois, soit parce qu’ils fréquentent des institutions éducatives dans des programmes avec peu sinon aucun autre immigrant, soit parce qu’ils vivent en Chaudière-Appalaches. Puisqu’il y avait peu d’immigrants autour d’eux, ils ont naturellement dû sympathiser avec des Québécois d’origine. Ce contexte n’est toutefois pas vécu comme une contrainte ; les répondants se disent au contraire très heureux d’avoir des amis québécois, et pour plusieurs il s’agit même là de la réussite de leur intégration :

Je me suis fait beaucoup d’amis québécois. Je me suis fait de bons amis aussi. […] Je n’ai pas beaucoup d’amis [maghrébins] ici, ça c’est quelque chose d’important. Parce qu’[en Chaudière-Appalaches] il n’y a pas beaucoup d’étrangers, et s’il y en a, on ne les voit pas beaucoup. […] Ça m’a poussé à connaître plus de Québécois. Ici il n’y a presque que des Québécois. Et ça m’a donné la chance de découvrir c’est quoi un Québécois et c’est quoi la vie québécoise, c’est quoi la famille québécoise. Je crois que je me suis bien intégré quand même.

La place d’Internet dans le maintien du réseau familial transnational

Avec ces amis québécois, nos répondants entretiennent surtout des liens en personne, en face à face, et ils utilisent Internet comme complément ou supplément. Inversement, et de façon non surprenante, Internet occupe une très grande place dans le maintien des relations sociales transnationales avec la famille et les amis dans le pays d’origine. Outre le cas d’un répondant ayant immigré avec ses parents, tous les autres répondants ont des réseaux familiaux transnationaux. Pour six d’entre eux, la famille est concentrée dans un seul pays, alors que trois autres ont de la famille éloignée dans d’autres pays. Divers instruments technologiques sont utilisés de façons différentes pour entretenir ces liens transnationaux. Nous nous intéresserons ici d’abord à la webcam, puis aux sites de réseau social et enfin au blogue. Ces trois outils remplissent des fonctions différentes dans l’entretien du réseau familial et social transnational.

La webcam comme imitation du face à face en famille

Nos travaux plus généraux sur l’utilisation des nouvelles technologies dans le maintien du lien social ont montré que, lorsque c’est possible, les jeunes Canadiens privilégient les rencontres en face à face et en personne à tout autre moyen de communication ; avec Internet, ils cherchent donc à se rapprocher le plus possible de ce type d’interaction. Les jeunes migrants que nous avons rencontrés pour ce projet ne font pas exception à cet effort. Dans leurs contacts transnationaux, la majorité les répondants essayent autant que possible de reproduire avec leur famille une situation proche du face à face, en utilisant webcam et micro, notamment avec le logiciel Skype. Les répondants utilisent aussi la webcam avec leurs amis les plus intimes. L’une organise même avec ses parents (dans deux villes différentes de son pays d’origine) et sa soeur (dans un autre pays) des vidéoconférences à plusieurs, afin qu’ils puissent parler tous les quatre comme s’ils étaient encore tous ensemble dans son pays d’origine. Souvent, leurs parents ne sont pas très au fait des nouvelles technologies, mais ils développent les compétences nécessaires grâce à la force de leur envie de rester proches de leur progéniture :

Oui, bien sûr, on met la caméra. [Mes parents] veulent me voir. On parle, on met la caméra et tout ça, comme n’importe quel immigrant qui commence sa vie un peu loin de sa famille.

En fait, même au sein de la génération dite des natifs du numérique, les compétences électroniques ne sont pas uniformément partagées. Lorsque les relations familiales deviennent transnationales, tant les jeunes migrants que ceux restés sur place développent de nouvelles compétences, qui permettent un contact plus riche. Par exemple, une répondante qui utilisait davantage les courriels pour contacter son frère et sa belle-soeur a transformé ses pratiques à la suite de la visite de celle-ci au Québec :

Vu […] qu’elle a deux enfants, elle essayait quand même de les voir sur Gmail, de les voir en vidéo. Puis finalement on s’est dit que ce n’était pas si compliqué, et je pense que je vais essayer de les voir plus souvent en vidéo. Parce que c’est quand même plus drôle, c’est plus marrant. Donc je pense que ça va changer. Avant c’était plus par mail, mais je pense que je vais essayer de chatter un peu plus avec eux en mettant la vidéo.

Lorsque les parents et, a fortiori, les grands-parents ne sont pas du tout « branchés », les échanges se font plutôt par téléphone. Les médias utilisés pour communiquer avec la famille sont donc fonction de la génération des membres de la famille avec lesquels le jeune immigrant souhaite garder contact ou, plus précisément, selon leur degré de compétence numérique. Toutefois, ces médias dépendent aussi du degré de proximité de l’immigrant avec les membres de sa famille. En effet, si des contacts sont entretenus avec des membres de la famille éloignée, ceux-ci se font par courriel dans le cas des oncles et tantes. Pour leur part, les frères et soeurs, de même que les cousins, sont joints plutôt par des sites de réseau social ou, parfois, de clavardage.

Les sites de réseau social comme continuité du réseau

Le clavardage est toutefois peu utilisé avec la famille ; généralement réservé aux amis, il est néanmoins inégalement utilisé par les répondants. En fait, c’est surtout Facebook qui est le moyen privilégié pour garder contact avec des amis géographiquement éloignés. Ce type de site permet au migrant non seulement de garder la trace des activités de ses amis, mais également de leur faire partager ses propres expériences. L’historique créé par les informations, constamment disponibles malgré le décalage horaire, crée un espace de rencontre qui permet des interactions différées et courtes.

En revanche, Facebook est moins utilisé pour communiquer avec les amis proches géographiquement. Lorsqu’ils ne sont pas rencontrés en personne, ceux-ci sont plutôt contactés par téléphone, moyen de communication que les répondants utilisent tous davantage depuis qu’ils sont au Québec, en raison de la gratuité des appels locaux. En effet, le téléphone cellulaire est quant à lui systématiquement moins utilisé au Québec que dans le pays d’origine (à une exception près). Pour plusieurs, c’est Facebook qui tient le rôle que jouait le cellulaire dans le pays d’origine, c’est-à-dire un rôle de communication rapide ; les jeunes rencontrés se servent par exemple du mur et du clavardage pour se donner rendez-vous[3].

Le blogue comme récit de voyage ou de l’expérience migratoire

Quatre répondants ont créé un blogue pour que les personnes restées dans le pays d’origine puissent suivre les « aventures » de leur proche au Québec. Ces blogues sont surtout destinés aux amis (deux répondants), mais la famille y a parfois aussi accès (un cas) ou bien deux versions distinctes sont créées, l’une pour la famille et l’autre pour les amis (un cas).

Loin d’être un simple journal intime en ligne, ce type de blogue relate les événements particuliers qui sont vécus du fait que la personne est au Québec (excursion qu’elle n’aurait pas faite dans son pays d’origine, découverte d’un nouveau mets, soirée déguisée entre colocataires, etc.). À cet effet, un répondant explique qu’il n’aurait pas vu l’intérêt d’avoir un blogue dans son pays d’origine, car sa vie n’est pas « si trépidante ». D’ailleurs, plusieurs arrêtent leur blogue au bout d’un an, la nouveauté de leur vie au Québec s’étant estompée à mesure qu’une certaine routine s’installait, même si celle-ci était différente de leur routine prémigratoire.

Internet n’a toutefois pas complètement évacué les formes antérieures de maintien du lien social et familial en contexte transnational. Par exemple, un répondant contacte sa famille immédiate par téléphone plutôt par Internet. De plus, il envoie aussi beaucoup de cartes et même de colis à ses proches, en particulier pour les occasions spéciales car il considère qu’une lettre, et par extension un colis, est plus chargé émotionnellement qu’un courriel.

En somme, la webcam offre la possibilité d’imiter la présence physique des intimes, alors que les sites de réseau social permettent le prolongement d’une certaine quotidienneté à la relation et que le blogue incite à un récit de voyage réflexif, raconté au fur et à mesure, presque en temps réel, et à plusieurs interlocuteurs simultanément.

En revanche, et quoi qu’en disent les essayistes, Internet transforme très peu les rapports dans des situations de proximité géographique. Ceci se voit tout particulièrement dans l’utilisation différenciée de Facebook selon que les amis sont dans un autre pays ou dans la même ville, auquel cas le site sert plutôt pour prendre des rendez-vous visant à se voir en personne. En effet, les jeunes continuent de chercher des rapports en personne. En ce sens, bien qu’Internet facilite le maintien du réseau social et familial transnational ainsi qu’une certaine présence des proches dans la vie quotidienne du migrant, il ne constitue pas un frein à la constitution d’un réseau social local, celui-ci répondant à un besoin qu’Internet ne semble pas pouvoir assouvir.

Sentiments d’appartenance

Nous avons vu jusqu’ici comment les réseaux familiaux et sociaux, devenus transnationaux et déterritorialisés sous l’impulsion de la globalisation, n’en demeurent pas moins des groupes de type primaire grâce à Internet. En ce sens, ils pourraient se substituer aux groupes secondaires. Pourtant, en entretien, les jeunes sont toujours tout à fait à même de reconnaître un sentiment d’appartenance envers des ensembles abstraits que sont les groupes secondaires de Weber, comme un pays, une culture ou une région du monde. Ceux-ci demeurent des catégories que de nombreux sujets considèrent pertinentes pour articuler leurs représentations de soi. Certes, nous verrons que certains répondants rejettent le concept même d’appartenances, mais ils ne le font pas davantage, ni selon des argumentaires différents de ceux des répondants d’une étude en partie similaire menée il y a plus de dix ans (Gallant 2002).

En fait, pour ce qui est des sentiments d’appartenance déclarés envers des ensembles ethnoculturels ou nationaux, certains contournent entièrement les appartenances (deux répondants), alors que tous les autres accordent de l’importance à leurs origines (huit répondants) ; parmi eux, nombreux sont ceux qui ont, en plus, un sentiment d’appartenance envers le Québec (six répondants). Dans cette section, nous nous intéresserons aux formes que prennent ces appartenances, avant d’établir un lien avec la structure du réseau social étudié plus haut.

Deux répondants accordent peu d’importance aux appartenances en général et à leurs origines en particulier. La première n’arrive pas à se définir selon des groupes d’appartenance. Ses parents n’étant pas nés dans le pays dans lequel elle-même a grandi, elle se sent tiraillée entre deux cultures. Cet entre-deux la pousse à se définir comme unique, individuelle. L’autre répondant reconnaît certes l’apport de sa culture d’origine à ce qu’il est, mais il préfère se définir comme universel, appartenant à l’humanité :

Tu vois, je suis libre. J’ai la libre décision, en fait, de rester universel, […] Je me sens humain, donc j’appartiens à l’humanité.

En outre, il désire habiter et travailler dans divers pays :

J’aimerais faire un peu le tour du monde. Connaître différentes mentalités et différentes cultures dans différentes régions puis être à la poursuite du savoir un peu partout à travers le monde. Ah ! J’aimerais bien aussi faire des formations aux États-Unis, au Japon, vivre quelques années en Espagne […], faire un peu le tour du monde, essayer de laisser mes traces un peu partout… Pouvoir contribuer à quelque chose dans différentes régions, différents pays.

Ces deux répondants rejettent nombre de groupes d’appartenance, comme la province, la région, la nationalité, la citoyenneté, le groupe linguistique ou la profession. Pour l’un d’eux, l’appartenance à des groupes est ce qui conduit aux guerres, car les groupes n’acceptent pas les différences des autres. Toutefois, d’autres répondants ont aussi hésité devant certaines questions portant sur les appartenances.

Ainsi, plusieurs répondants ont tenu des propos négatifs envers les termes de « nationalité » et de « citoyenneté ». Ce fut aussi le cas de certains autres registres d’appartenances, comme la classe sociale, le groupe religieux, le groupe sexuel, le groupe ethnique, et parfois même la communauté, mais pas des termes comme « province », « région », ou « profession ». La plupart du temps, les répondants expliquaient leur rejet de ces registres d’appartenance en évoquant leurs connotations négatives, qui pouvaient faire référence à des ségrégations, à du racisme, à de l’exclusion. Dans le cas de la citoyenneté, les hésitations venaient parfois aussi du fait qu’ils la voient comme un obstacle à ce qu’ils considèrent comme leurs droits, certains allant jusqu’à se percevoir comme des « sous-citoyens » au Canada. Ils déplorent de ne pas pouvoir travailler pour un organisme gouvernemental, de ne pas pouvoir voter alors que certaines lois peuvent avoir une incidence directe sur leur vie ou encore de ne pas pouvoir avoir un contrat pour leur cellulaire. Ces répondants demandent la résidence permanente ou la citoyenneté canadienne pour se « simplifier la vie » et perçoivent donc ce geste comme une démarche administrative plutôt que comme un symbole d’un sentiment d’appartenance au Québec ou au Canada. Cela n’est pas sans conséquences, comme nous le verrons plus loin.

Ces répondants étaient néanmoins à même de déclarer des sentiments d’appartenance envers certains ensembles. En fait, la plupart des répondants (huit sur les dix) accordent de l’importance à leurs origines. Ces appartenances peuvent être envers le pays d’origine, la région d’origine (particulièrement dans le cas de régions où il existe une certaine revendication identitaire, comme la Corse ou la Bretagne en France), la culture, la langue, la religion, etc. Elles sont toujours reliées à un lieu où ces jeunes ont vécu et où se trouve leur famille ainsi que leurs amis.

Le contexte étant important dans le processus d’identification et d’auto-désignation (Lévi-Strauss et al., 1977), au moins trois répondants ont affirmé qu’ils n’auraient pas eu les mêmes réponses si on les avait interrogés sur leurs sentiments d’appartenance avant leur migration. En effet, le fait d’être étranger au Québec les conduit à se définir en fonction de leurs différences. Ces sentiments peuvent donc parfois être relativement faibles, mais ils sont entretenus par le contexte migratoire :

C’est sûr que je citerais « je suis Français » ici au Québec. Tout ce qui est différent des autres, je vais le citer parce que quand les gens posent cette question, c’est ce qu’ils recherchent. Je vais assouvir leur requête.

Ici, si on me dit « Tu viens d’où ? », je dis « Je suis Française ». Mais je n’aurais pas ce sentiment-là si j’étais en France par exemple. Mais j’ai ce sentiment-là forcément parce que je ne suis pas en France justement et que je suis Française. Je fais forcément partie d’un groupe de gens [différents].

En revanche, plusieurs ont un sentiment d’appartenance envers leurs origines. Pour la plupart, il s’agit d’un mélange d’appartenances culturelles et géographiques. Le volet culturel peut inclure la langue et la religion, mais aussi des traits culturels plus spécifiques (nourriture, valeurs). Pour sa part, le volet géographique réfère tantôt au pays, tantôt à une région interne ou encore à une combinaison des deux, voire, plus étroitement, à la ville d’origine. Ainsi, les sentiments d’appartenance d’une répondante se rattachent aux lieux où elle a vécu. En conséquence, elle a des sentiments d’appartenance envers sa ville d’origine, mais aussi envers la ville de Québec, où elle réside actuellement.

En effet, six parmi ces huit répondants indiquent avoir également un sentiment d’appartenance envers le Québec, soit comme lieu (la province), soit comme culture, et parfois avec une volonté d’être « plus Québécois ». Certes, il faut signaler que la section des entretiens portant sur les sentiments d’appartenance débutait généralement avec une question sur la province, terme qui n’a pas de signification forte dans le pays d’origine de la plupart des répondants ; il est donc possible que cela les ait poussés à se référer au Québec afin de définir leur sentiment d’appartenance à une province. Ces réponses reflètent néanmoins un sentiment d’appartenance réel, d’une part parce que d’autres répondants n’ont pas hésité à dire qu’ils ne ressentaient pas d’appartenance envers le Québec, et d’autre part parce que plusieurs répondants ont évoqué une appartenance de type culturelle envers le Québec. Lorsqu’elle prend une forme plus civique que culturelle, l’appartenance au Québec repose sur le territoire et non la citoyenneté. En effet, outre le fait que celle-ci est plus fédérale que provinciale, nous avons vu que l’acquisition de la citoyenneté n’est pas vue comme un geste symbolique associé à un sentiment d’appartenance, mais plutôt comme une formalité administrative, liée à l’acquisition d’« un papier ».

Relation entre réseaux et appartenances

Notre questionnement de départ consistait à cerner les influences des réseaux transnationaux en ligne sur le développement d’un réseau et d’un sentiment d’appartenance locaux chez les jeunes migrants. Nous avons donc croisé le réseau social des répondants avec leurs sentiments d’appartenance. Le tableau 1 ci-dessous classe les répondants selon l’importance qu’ils accordent ou non à leurs origines, et selon la composition de leur réseau social.

Tableau 1

Sentiments d’appartenance ethnoculturelle et géographique des répondants selon la répartition géographique de leur réseau social

Sentiments d’appartenance ethnoculturelle et géographique des répondants selon la répartition géographique de leur réseau social

* Répondant en séjour d’échange universitaire d’une durée d’un an

-> Voir la liste des tableaux

Bien que l’échantillon soit exploratoire, ce tableau permet de rendre saillants certains processus. En particulier, on voit distinctement que ce sont les répondants qui ont des Québécois d’origine dans leur réseau social (et ce, peu importe le reste du réseau) qui développent des sentiments d’appartenance envers leur lieu d’accueil. Ceci réaffirme le rôle d’autrui dans la construction des représentations de soi, non pas par assignation d’une identité, mais parce que le sentiment d’appartenance repose généralement sur le fait de « se sentir bien » (Jamet, 2010 : 40). Il semble que chez les jeunes migrants, ce sentiment passe par l’amitié avec des locaux. Ainsi, les répondants concernés ont tous indiqué que le fait d’avoir des amis québécois aide à l’intégration. Ce processus n’est pas limité par le maintien de la relation sociale et de sentiments d’appartenance forts envers le pays d’origine. Au contraire, il semble que ce soit plutôt le refus des appartenances qui poserait un frein à l’intégration, puisque ceux qui rejettent les appartenances rejettent simultanément l’importance de l’ancrage dans une communauté.

En somme, deux principaux constats se dégagent de ces analyses. Premièrement, les jeunes répondants qui ont un fort sentiment d’appartenance au pays d’origine et qui entretiennent en ligne leurs réseaux là-bas sont les plus susceptibles de développer un sentiment d’appartenance local. Ces résultats vont dans le même sens que ceux de Snel et al. (2006), qui avaient montré par une enquête quantitative auprès de 300 immigrants aux Pays-Bas que ceux qui sont les plus actifs sur le plan transnational et qui s’identifient fortement avec leurs compatriotes de la diaspora s’identifient aussi fortement avec leur pays d’accueil.

À l’inverse, il semble logique que des jeunes qui se voient comme citoyens du monde ou comme uniques aient de la difficulté à s’identifier non seulement à leurs origines, mais aussi à un quelconque pays d’accueil et de résidence. C’est en ce sens que certains types de représentations de soi avant la migration peuvent nuire au développement d’un sentiment d’appartenance après la migration.

Toutefois, les prédispositions de départ ne sont qu’une dimension du processus. Notre deuxième constat montre en effet que, peu importe leur intention de départ, si les circonstances font que les jeunes répondants développent un réseau local québécois, cela les amène à développer également un sentiment d’appartenance local.

Conclusion

Internet permet d’entretenir des réseaux et des appartenances préexistants. La webcam, qui se rapproche le plus du face à face en présence, est employée pour les relations qui étaient déjà très intimes avant la migration, et en particulier avec les parents et la famille immédiate, un peu moins avec les amis à distance et pour ainsi dire jamais avec les nouveaux amis situés tout près, dans le pays d’accueil. Facebook est l’outil technologique le plus employé pour interagir avec les amis, mais différemment selon la proximité géographique de ceux-ci : avec les amis dans le pays d’origine, le site de réseau social permet de conserver une impression de continuité dans la relation, alors qu’avec les amis au Québec, le site remplace les fonctions du cellulaire (ici trop coûteux), c’est-à-dire qu’il sert à des échanges brefs et à la prise de rendez-vous. Mais les jeunes préfèrent encore nettement se voir en personne si c’est possible. Enfin, le blog permet au migrant de raconter son expérience migratoire.

Ces outils permettent au jeune migrant d’entretenir à la fois les appartenances et les réseaux transnationaux et familiaux. Internet sert donc surtout, voire seulement, à entretenir le lien transnational préexistant et semble avoir peu d’incidence sur le développement d’un réseau social dans le milieu d’accueil, si ce n’est que pour colorer les rapports au quotidien. En effet, le réseau social local, lui, continue de se constituer en présence, mais, cette fois, loin de la famille. Le réseau familial transnational a donc peu de prise sur ces processus, et ce, non seulement en raison de l’âge des répondants, qui sont de jeunes adultes en train de se composer un cercle d’amis de manière autonome. En effet, l’absence physique des parents ne signifie pas seulement qu’ils ne rencontrent pas les nouveaux amis de leur progéniture, mais aussi qu’ils ne baignent pas eux-mêmes dans des processus d’intégration qui auraient pu servir de modèle (ou de repoussoir) aux jeunes. Ces derniers doivent donc en quelque sorte improviser leur intégration. Plusieurs se tournent alors vers d’autres migrants de la même origine. Or, en région au Québec, ces autres immigrants ne sont pas toujours présents. Dans ce contexte, la constitution d’un réseau social local est plutôt contingente des circonstances locales qui favorisent les rencontres en présence, que celles-ci aient ou non été délibérément recherchées par le jeune. C’est par l’existence de ce réseau local que le jeune migrant développe un sentiment d’appartenance envers la province. Celui-ci n’apparaît donc pas abstraitement, ni par injonction familiale à distance, ni par la simple présence sur le territoire, ni par la nécessité (administrative) des procédures administratives d’acquisition de la résidence permanente et de la citoyenneté, ni encore par un réseautage qui ne se ferait qu’en ligne (par la lecture de blogues ou la participation à des forums québécois). En somme, si Internet a transformé les possibilités de maintien des réseaux transnationaux solides à peu de frais, il ne semble pas avoir intrinsèquement transformé les processus d’acquisition du sentiment d’appartenance en terre d’accueil. Le rôle d’autrui est ici crucial, et ces autruis ne peuvent pas être simplement « virtuels ».

En d’autres termes, l’identification à un groupe secondaire abstrait continue de passer par l’identification à des autruis significatifs du groupe primaire. En conséquence, les transformations apportées par Internet influent sur le maintien de l’identité d’origine parce qu’elles favorisent l’entretien du réseau familial et social d’origine comme groupe primaire malgré la distance, mais elles n’influent pas vraiment sur le processus de construction d’une nouvelle appartenance parce que le réseau virtuel ne se substitue généralement pas à un groupe primaire susceptible de générer l’identification à un groupe secondaire à caractère national ou ethnoculturel.