Gernot Böhme, Ethics in Context. The Art of Dealing with Serious Questions. Cambridge, United Kingdom, Polity Press ; Malden, Massachusetts, Blackwell, 2001, 189 p.[Notice]

  • Jacques Quintin

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  • Jacques Quintin
    Université de Sherbrooke

Avec Ethics in Context : The Art of Dealing with Serious Questions, Gernot Böhme continue une réflexion déjà commencée dans son livre précédent Einführung in die Philosophie. Weltweisheit, Lebensform, Wissenschaft. Pour Böhme l’éthique n’apporte pas une meilleure connaissance du monde ou davantage d’information. L’éthique est là pour guider ceux qui désirent changer. Ainsi l’éthique ne relève pas tant de la philosophie entendue comme science que d’un mode de vie et d’une sagesse du monde. D’une part, l’éthique se préoccupe de la formation de l’humanité dans l’être humain. L’éthique en ce sens concerne peu de gens dans la mesure où peu sont intéressés à poursuivre une vie philosophique. Et d’autre part, elle se préoccupe des arguments dans le processus d’une formation d’opinion sur des questions morales afin d’établir des normes sociales. Nous sommes tous concernés par cette forme d’éthique. Une question sérieuse pour la personne et la société est une question qui décide de la façon dont une personne et la société se perçoivent. Une question éthique devient une question qui questionne notre devenir. Que désirons-nous devenir en tant que personne et société ? Qu’est-ce que c’est qu’être humain ? C’est là une question d’anthropologie philosophique, qui concerne notre compréhension de soi, en faisant ressortir la manière dont nous nous percevons. Se comporter d’une manière éthique, ce n’est pas agir selon ce que l’on attend de nous, conformément à l’usage et à la coutume. Au contraire, l’éthique surgit à partir d’une déviation de la coutume en proposant des nouvelles pratiques qui mettent au défi les anciennes. Mais encore faut-il reconnaître dans quel contexte historique nous vivons. Dans le second chapitre, Böhme fait une analyse du contexte dans lequel s’insèrent la vie éthique et l’argumentation morale, en s’inspirant de Max Weber et son concept de rationalisation ainsi que de Norbert Elias et son concept de processus de civilisation. Puisque ce livre se préoccupe d’une éthique au sein d’une civilisation technique, la question du sens de l’être humain doit être élaborée à partir de l’horizon de la civilisation technique et la question des mécanismes de régulation qui doivent être justifiés moralement par un discours éthique est orientée par ce même horizon. Dans ce contexte, une éthique ne s’adresse pas à la personne humaine en général, mais à une personne située à l’intérieur de la civilisation technique, de sorte que cette personne apporte avec elle une forme spécifique d’organisation, un degré élevé de contrôle de soi et une grande capacité de travail, une séparation du corps et de l’âme ou, plus précisément, du cerveau et de la conscience. La vie sociale prend la forme d’un paquet de sous-systèmes d’action instrumentale qui ne font pas appel à la totalité de la personne, mais qui n’intègrent la personne que partiellement, c’est-à‑dire fonctionnellement, de sorte que la formation d’une identité personnelle devient impossible ou superflue. Ce contexte fait de cette éthique, une éthique après Auschwitz. La question devient celle-ci : comment puis-je me développer pour survivre éthiquement dans un monde dans lequel Auschwitz est possible ? Et, comment doit-on argumenter éthiquement dans un pays dans lequel Auschwitz a existé ? À la suite de la réflexion de Hannah Arendt sur le procès d’Eichmann à Jérusalem, qui est devenu le titre de son livre, Böhme pose la question de savoir quelles sont les aptitudes qu’une personne doit acquérir pour ne pas agir comme Eichmann ? Dans une autre section du même chapitre, Böhme retrace l’arrière-fond d’une connaissance morale fondamentale qui est transmise implicitement et qui forme l’horizon à l’intérieur duquel les orientations morales prennent place. Il s’agit ici des idées morales de base …