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Parmi tous les ouvrages récents sur les mutations de la paroisse, celui de Luca Bressan se démarque nettement en raison de l’originalité de la perspective adoptée et de l’approche retenue. En s’intéressant en priorité aux formes et au lien sociaux, et en voulant penser l’Église en termes d’émergence plutôt que d’institution, l’ouvrage tente d’ouvrir un espace neuf pour réfléchir à l’identité de la paroisse et à sa fonction. On a bien affaire à une manière nouvelle d’approcher cette institution et l’option pour une compréhension en termes opérationnels de la paroisse nous permet un dépassement d’une analyse purement institutionnelle, interne ou ecclésiocentrée. La perspective adoptée (la paroisse comme système culturel, système de signification) et le point de vue retenu (l’étude du lien social et l’Église considérée comme événement) pour parler de la paroisse tiennent le pari de nous proposer un nouveau regard. En somme, l’auteur a trouvé le moyen, dans le véritable maquis que représente aujourd’hui la littérature sur la paroisse, non seulement de mettre de l’ordre dans les concepts et les perspectives, mais de trouver un biais original pour aborder cette question si importante aujourd’hui, qui justifie du coup la lecture de cet ouvrage.

La première partie a pour intention de construire les outils d’analyse mis en oeuvre dans la seconde partie. On y arrive à partir de trois approches complémentaires : un premier parcours nous montre les apories auxquelles conduisent les diverses approches élaborées pour comprendre la paroisse, ce qui conduit l’auteur à situer son propos parmi les approches possibles et à en dégager l’originalité ; le deuxième explore la figure de la paroisse à partir d’une approche « linguistique » (l’examen des divers concepts de paroisse) ; alors que le troisième privilégie une approche sociale (espace actif de production et de transformation des liens sociaux). La deuxième partie représente le coeur de l’ouvrage. À partir d’un regard sur l’évolution de la paroisse en France depuis le début des années 1940, l’auteur propose une compréhension synchronique et globale de la paroisse, une herméneutique du système culturel et du système de signification que représente la réalité paroissiale. Cette analyse nous permet de réexaminer les tentatives des soixante dernières années, depuis Michonneau et Daniel, de « réinventer » la paroisse.

En finale, L. Bressan préfère considérer la paroisse comme une réalité définie par les opérations qu’elle effectue : construire des relations, créer des liens, opérer une transformation dans les relations de telle sorte qu’elles travaillent les identités singulières et celles des groupes. La paroisse se présente alors comme un instrument dont le christianisme s’est doté pour la transmission de la mémoire chrétienne et pour habiter la culture.

Cet ouvrage veut renouveler le discours sur la paroisse. Les conclusions sont originales et constituent un apport réel à la recherche. Il est dommage que cette analyse de la paroisse à partir d’un cas français n’ait pas été publiée en français. On ne peut que souhaiter un article substantiel qui en donne les éléments fondamentaux.