Recensions

Bruno Forte, À l’écoute de l’autre. Philosophie et révélation. Traduit de l’italien par Anne-Béatrice Muller. Paris, Les Éditions du Cerf (coll. « Philosophie & Théologie »), 2003, 201 p.[Notice]

  • François Nault

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  • François Nault
    Université Laval, Québec

Le théologien et philosophe italien Bruno Forte propose ici une réflexion suggestive sur la double thématique de l’autre et de la révélation. L’auteur part d’une question très large, dont les contours restent passablement indéfinis tout au long du livre : « Où l’autre habite-t-il ? » (p. 10). Cette question constitue le fil conducteur d’un parcours qualifié de « philosophique et théologique », sans que l’apposition de ces deux approches soit l’objet d’un questionnement spécifique et systématique, considérant sans doute cette double appartenance comme allant de soi. La relative indétermination du point de départ contraste avec la forte structuration du parcours lui-même, qui s’organise suivant cinq « noeuds problématiques » ou « questions », qui sont traités en dix chapitres. Chacun des chapitres est consacré à un ou deux auteurs (théologien, philosophe, littéraire), à l’exception du chapitre IX, qui traite de la thématique de l’eschatologie. Le premier noeud est qualifié d’herméneutique : il y est question de « l’événement du langage […] par lequel l’autre se fait rencontre et se présente à l’esprit ». Ce premier « noeud problématique » est l’objet du chapitre initial, intitulé « triomphe et crise de l’“Offenbarung” », qui est consacré à l’examen de la pensée de Hegel et de Schelling (p. 17-35). La seconde question abordée par Bruno Forte relève plutôt du théo-logique. Ce théo-logique se décline suivant deux modalités, abordées successivement dans les chapitres III et IV. L’auteur présente d’abord la perspective théologique de Karl Barth, « où l’autre est compris dans la figure de l’événement comme le pur et simple être-autre qui vient s’offrir à nous » (p. 37-54). La seconde modalité théo-logique est celle de Karl Jaspers, où l’autre est perçu cette fois de manière « chiffrée » (p. 55-65). Le troisième « noeud problématique » s’organise autour d’un enjeu anthropologique. Cette section est au coeur de l’ouvrage et s’étend sur trois chapitres : le chapitre IV traite des perspectives de Bultmann et de Rahner (p. 67-86), le chapitre V est consacré au personnalisme d’Emmanuel Mounier (p. 87-101), tandis que le chapitre VI propose un face-à-face entre un « avocat de l’homme » (Dostoïevski) et un « théologien de la Grâce » (Henri de Lubac) (p. 103-119). Le quatrième « noeud problématique » est qualifié de métaphysique : dans ce champ de questionnement, l’auteur a choisi d’explorer plus à fond, dans un premier temps, le face-à-face entre Heidegger et Lévinas (p. 121-137) puis, dans un second temps, le problème de la temporalité chez Nietzsche (p. 139-154). Le cinquième et dernier « noeud problématique » touche l’eschatologie. Après une évocation de la « querelle eschatologique » ayant marqué la théologie contemporaine (p. 155-172), l’auteur présente la pensée de Dietrich Bonhoeffer (p. 173-191), sans que l’appartenance de celle-ci au questionnement « eschatologique » ne soit justifiée. En guise de conclusion, Bruno Forte propose un poème, reprenant le titre du livre : « À l’écoute de l’autre » (p. 193-194). Notons enfin que l’ouvrage comporte un index onomastique. Ce livre propose une réflexion intéressante et stimulante sur les thématiques, évidemment proches, de la révélation et de l’autre. La collection « Philosophie & Théologie », dirigée par Philippe Capelle, accueille un livre qui avait d’abord été publié en italien en 1995, et dont la base est constituée des textes d’un cours donné par Bruno Forte à l’Université de Vérone en 1994. Cela explique certains raccourcis dans la présentation des penseurs et le caractère parfois un peu artificiel des enchaînements. Par ailleurs, le délai entre la parution du livre original et sa traduction permet de comprendre pourquoi certaines « …