Note critique

Une évaluation critique du film The Lost Tomb of Jesus[Notice]

  • Tuomas Rasimus

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  • Tuomas Rasimus
    Faculté de théologie et de sciences religieuses
    Université Laval, Québec et Université d’Helsinki

Le 4 mars 2007, le canal Discovery diffusa un film de Simcha Jacobovici intitulé The Lost Tomb of Jesus. Les réalisateurs du film — le directeur, producteur et auteur Jacobovici, les producteurs Felix Golubev, Ric Esther Bienstock, James Cameron, et les consultants James Tabor et Charles Pellegrino — affirment qu’un tombeau découvert en 1980 sur un chantier de construction à Talpiot, près de Jérusalem, et les dix ossuaires qu’il contenait, appartenait autrefois à Jésus de Nazareth, la Vierge Marie, Marie Madeleine, José le frère de Jésus, Juda le fils de Jésus (!) et de Marie Madeleine, et à cinq autres proches de Jésus non identifiés, dont un portait le nom de Matthieu. La majorité des archéologues et des spécialistes des études bibliques ont déjà condamné le film et sa théorie du tombeau familial de Jésus comme une entreprise pécuniaire sensationnaliste, anti-scientifique et intellectuellement malhonnête, inspirée du Code Da Vinci. La découverte réelle des ossements de Jésus — ou d’un ossuaire où ils auraient été placés après la décomposition de son corps — impliquerait que la partie la plus importante de l’enseignement chrétien, à savoir la résurrection de Jésus, était en fait un mensonge. Conséquemment, l’Église n’aurait pas de véritable raison d’être et des millions de chrétiens perdraient espoir. Suivant cette logique, la thèse de la découverte d’un coffret qui aurait contenu les ossements de Jésus est donc lourde de conséquence. Qu’il nous soit permis d’examiner cette théorie de plus près. Dans cet article, je vais d’abord faire un examen critique de la théorie du tombeau familial de Jésus telle que la présente le film. Je vais ensuite discuter du contexte général du film, c’est-à-dire le phénomène moderne de la fiction biblique. Sur les dix ossuaires retrouvés dans le tombeau, il y en avait six sur lesquels était inscrit un nom : 1) Jésus, fils de Joseph (Jeshua bar Jehosef), 2) Juda le fils de Jésus (Jehuda bar Jeshua), 3) Matthieu (Matia), 4) José, 5) Maria, et 6) Marie et Marthe (Mariamè kai Mara), le dernier nom étant inscrit en lettres grecques. Bien que tous ces noms aient été répandus parmi la population juive de Palestine du premier siècle de notre ère, les réalisateurs du film affirment qu’il s’agit spécifiquement de Jésus et de ses proches, parce que les noms concordent avec les descriptions du Nouveau Testament. Pourtant, deux des six noms ne concordent pas. Aucune source ancienne ne mentionne que Jésus avait eu un fils ou qu’il avait un proche du nom de Matthieu. Selon les réalisateurs du film, la généalogie lucanienne de Jésus (Lc 3,23-38) nous montre que Matthieu devait être un nom répandu dans la famille de Jésus puisque la généalogie en dénombre plusieurs (avec des orthographes différentes). Par contre, les cinq Matthieu de la généalogie ont vécu de façon non concomitante et aucun d’entre eux n’a été un contemporain de Jésus. On doit également signaler que la généalogie lucanienne n’est pas seulement une construction théologique menant directement à Adam et à Dieu, mais qu’elle est également une version concurrente de celle que présente Matthieu en 1,1-17 (l’évangéliste est un autre Matthieu, et non pas un membre de la famille de Jésus). Ces deux généalogies passent par Joseph, mais elles présentent plusieurs contradictions l’une par rapport à l’autre, que certains théologiens tentent de résoudre en disant que Luc présente la lignée de Marie, en dépit de ce que l’évangéliste dit lui-même en 3,23. Mais même si nous prenons les généalogies au sérieux, les deux listes montrent que le Matthieu le plus proche de Jésus était son arrière-grand-père. Nous …

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