Recensions

Stephen Finlan, The Background and Content of Paul’s Cultic Atonement Metaphors. Atlanta, Georgia, Society of Biblical Literature (coll. « Academia Biblica », 19), 2004, x-264 p.[Notice]

  • Alain Gignac

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  • Alain Gignac
    Université de Montréal

Cette étude, qui semble être le fruit d’une recherche doctorale mais ne le spécifie pas, entend réhabiliter la présence effective des métaphores christologiques sacrificielles chez Paul, en prenant nommément le contre-pied, entre autres, de Hudson McLean (p. 5, 123), Stanley Stowers (p. 123), Otfried Hofius (p. 179-186) et Sam Williams (p. 207) qui militent pour une interprétation non sacrificielle des écrits pauliniens. Deux questions gouvernent l’analyse, mais sont parfois perdues de vue en cours de route. Quelle est la logique « métaphysique » des métaphores de Paul ? Qu’est-ce que ces métaphores disent de Dieu ? Selon l’A., des indices sont donnés dans la manière dont Paul amalgame les métaphores et les hiérarchise : même si Paul emploie plus les métaphores sociales (dont la justification) pour parler de la mort de Jésus et de ses effets, il demeure que les métaphores cultuelles sont le fondement de sa sotériologie. De plus, ces métaphores sont cohérentes entre elles. D’emblée, ces postulats orientent l’analyse. Un parcours en cinq chapitres est proposé. Comme son titre l’indique, le premier chapitre vise à rendre compte de « la » logique du sacrifice, pour un lecteur moderne. On y trouve donc la revue de diverses théories anthropologiques concernant le sacrifice (Edward Tylor, William Robertson Smith, Henri Hubert et Marcel Mauss, Maurice Bloch, Mary Douglas, René Girard et Robert Hamerton-Kelly), puis une description rapide du système sacrificiel hébraïque, avec une insistance sur le Kippour, et enfin une modélisation en six étapes de l’évolution du sacrifice vers une spiritualisation toujours plus poussée : 1) transformation du rituel à travers la substitution ; 2) interprétation symbolique et moralisante ; 3) intériorisation ; 4) application métaphorique des termes cultuels à des expériences non cultuelles ; 5) répudiation du sacrifice ; 6) affirmation de la transformation spirituelle comme objectif de la piété. Ce modèle est présenté sans autre démonstration que des exemples très éclectiques tirés de la Bible, de l’hellénisme et même d’écrits védiques. Cette insistance sur la spiritualisation prépare la réhabilitation des métaphores sacrificielles chez Paul, dont il ne faut pas faire de lecture littérale. Les quatre autres chapitres étudient chacun une métaphore du salut chez Paul à partir de quelques textes clés : chap. 2, transmission cultuelle d’une malédiction (« scapegoat », 1 Co 4,13 ; 2 Co 5,21 ; Ga 3,13 ; Rm 8,3) ; chap. 3, sacrifice (Rm 3,25) ; chap. 4, rédemption (Rm 5-8 et Is 53) ; chap. 5, martyre. Quelques thèses émergent de l’ensemble. Premièrement, le cultuel est prioritaire dans la pensée paulinienne, du fait de sa puissance symbolique et intuitive. Deuxièmement, il ne faut pas confondre, ni en Lv 16 (Kippour) ni chez Paul, le rite du bouc émissaire et celui de l’expiation sacrificielle — même un auteur averti comme James Dunn interprète mal le geste de l’imposition des mains (qui diffère selon qu’il s’agit de sacrifice ou de transmission de la malédiction). Troisièmement, la métaphore n’est pas allégorie et possède toujours une part incongrue (ainsi, l’exposition publique de la croix ne concorde pas avec le rite sacré du Kippour dans le Saint des saints du Temple). Quatrièmement, 4 M 17,22 avait déjà pavé la voie à l’interprétation chrétienne de la mort de Jésus, en adaptant le motif hellénistique de la mort héroïque « pour les autres », justement par le recours aux métaphores sacrificielles. L’alternative « sacrificiel vs martyre » est donc un faux débat. Cinquièmement, une métaphore comme « Jésus est propitiatoire » (Rm 3,25) reçoit un décryptage différent chez les Grecs (apaisement par l’humain de la divinité) et les Juifs (effacement par Dieu du péché) du fait que l’expérience cultuelle païenne …