Recensions

Jean Grondin, La philosophie de la religion. Paris, Presses Universitaires de France (coll. « Que sais-je ? », 3 839), 2009, 128 p.[Notice]

  • Nestor Turcotte

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  • Nestor Turcotte
    Matane

La religion est souvent présentée en opposition à la démarche philosophique. Jean Grondin tente de démontrer dans cet ouvrage qu’elles ont toujours maintenu un dialogue mutuellement fécond. La réflexion de l’une (la philosophie) n’a jamais été possible sans l’autre (la religion) qui, historiquement, l’a précédée. Il y a donc une dette de la philosophie envers la religion, comme il y a une dette de la religion envers la philosophie. Selon l’A., il y a trois types de réponses possibles à la question difficile, mais criante, du sens de l’existence : les réponses religieuses qui lient l’existence humaine à quelque puissance supérieure ; les réponses séculières plus récentes qui, sans contester l’existence d’une transcendance, misent davantage sur le bonheur humain ; les réponses multiples de ceux qui affirment que la vie n’a pas de sens et qu’elle est absurde. Si la vie n’a pas de sens, c’est que l’on conteste qu’elle ait un sens religieux ou transcendant, réellement crédible et vérifiable. Cette affirmation ne répond cependant pas à la question fondamentale : pourquoi vit-on si on n’a aucune raison de vivre ? La philosophie de la religion vise à répondre à l’énigme de l’existence, et forcément, à dire si l’homme peut trouver un sens à l’existence, si les réponses religieuses ont plus de sagesse que la philosophie elle-même. La philosophie de la religion porte donc avant tout sur l’essence de la religion afin de comprendre ce qu’elle est, quels sont ses éléments et ses raisons. L’approche de la fonction ou du pourquoi de la religion est plurielle : la religion sert à expliquer les phénomènes naturels ; elle sert à expliquer l’obligation morale ; elle est une réponse à l’angoisse devant la mort. L’approche essentialiste de la religion ramène celle-ci à deux dimensions : le culte et la croyance. Il y a autant de religions que de croyances. Les cultes sont multiples et variables. Le culte croyant qu’est la religion comporte une dimension symbolique. Le symbole exprime une fusion entre ce qui est donné et ce qu’il signifie. Le monde de la religion est d’emblée un monde qui veut dire quelque chose. Qui a du sens et qui donne du sens. De plus, l’universalité de la religion n’est pas à démontrer. Il y en a partout sur la planète, dans à peu près toutes les civilisations et de tout temps. Aucun homme n’existe vraiment sans quelque forme de religion. Chacune, à sa manière, propose un salut qui se veut en principe universel. Les premiers philosophes grecs posent les jalons d’une première pensée religieuse. Platon demeure celui qui a exercé la plus profonde influence sur la pensée du divin, de la religion et de la transcendance. Les dieux sont responsables de l’ordre, de la beauté et de la vertu, mais aussi de la transcendance puisqu’ils habitent l’Olympe. Son disciple, Aristote, affirme qu’il est nécessaire d’admettre la causalité d’un premier moteur si on veut expliquer le mouvement des corps célestes. Ce mouvement éternel doit avoir une cause qui elle-même doit être éternelle. Le philosophe de Stagire enseigne les grands principes métaphysiques où se trouvent les éléments fondamentaux de la philosophie de la religion. Les écoles postaristotéliciennes (scepticisme, stoïcisme, épicurisme) se tiennent dans l’ombre des grandes philosophies de la religion de Platon et d’Aristote. La philosophie de la religion change cependant de statut. Délaissant quelque peu les grands principes qui régissent le monde, ces philosophies se tournent davantage vers le salut personnel. Le monde religieux latin n’est pas en reste. La grande vertu de la religion se distingue de la superstition, vue comme un vice. La religion se caractérise par son rapport réfléchi, prudent …