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C’est à travers les conciles que J.M. Laboa se propose, dans cet Atlas historique, de présenter l’histoire du christianisme. Cette option originale et risquée (après tout, on pourrait arguer que l’Église romaine ne compte que 21 conciles oecuméniques ou généraux), nous apparaît toutefois foncièrement juste tant le fait conciliaire appartient à la nature même de l’Église comme le rappelait le P. Congar.

C’est donc le fait conciliaire, plus que les conciles oecuméniques eux-mêmes — le fait de venir en assemblée afin de parvenir, à travers une délibération commune, à un consensus en matière de foi et de discipline —, qui fait l’objet de cet Atlas dont le propos déborde largement les conciles oecuméniques et s’étend au-delà des frontières de l’Église catholique pour aborder les synodes confessants luthériens, les synodes et conciles de l’Église orthodoxe et les conférences de Lambeth. C’est cette manière proprement chrétienne d’exercer le gouvernement, de surmonter les divisions et les conflits, à travers laquelle s’expriment le caractère synodal de l’Église et sa nature conciliaire, qui est ici mise en valeur. L’ouvrage, qui rassemble des phénomènes divers par leur ampleur et leur statut canonique (conciles ou synodes oecuméniques ou généraux, provinciaux, nationaux, synodes romains des évêques, etc.) veut donc réunir ces différents phénomènes par le fait que tous se proposent, dans le cadre d’une assemblée (la plupart du temps une assemblée d’évêques), de protéger et de nourrir la communion ecclésiale (chapitre 1), sans cesse mise sous tension, et proclamer l’Évangile au monde.

Le rassemblement de ces divers phénomènes ne met pas simplement en valeur la nature conciliaire de l’Église — articulée à la forme primatiale de l’exercice du gouvernement ecclésial — mais fait également apparaître la continuité de cette figure ecclésiale qui déborde la tenue des conciles oecuméniques et subsiste même au cours des périodes de disette à ce chapitre. Ainsi, la longue traversée historique sans concile oecuménique qui va de Trente à Vatican I (près de 400 ans) n’en est pas moins marquée d’une activité synodale et conciliaire importante.

Ce parcours d’histoire de l’Église est réalisé en 47 tableaux, si je puis dire, correspondant à autant de chapitres. La trame du volume suit la chronologie, si l’on excepte le chapitre 1 sur la communion comme lien ecclésial et les chapitres 40, 44 et 46 qui sont davantage thématiques et portent sur l’activité synodale et conciliaire des Églises luthériennes, orthodoxes et anglicanes. Quant au chapitre 47, consacré à la rencontre d’Assise de 1986, il s’écarte du genre « assemblée conciliaire » qui caractérise l’ensemble des chapitres.

Chacun de ces chapitres forme une unité bien construite et, si l’iconographie est très riche et de grande qualité, on reste un peu sur sa faim au niveau de la cartographie qui n’arrive pas à égaler ce que l’on trouve actuellement dans les divers atlas historiques qui se publient. C’est du reste la dimension proprement spatiale qui est la moins bien approfondie dans cet ensemble qui honore beaucoup plus la dimension historique.

Toujours sur le plan spatial, si l’on fait largement droit à l’Europe, à l’Amérique du Nord (moins le Canada) et à l’Amérique du Sud, on ignore pratiquement l’Afrique, si ce n’est l’Afrique du Nord avec les conciles africains du troisième siècle, et l’Asie, sauf pour l’activité synodale de l’Antiquité. En ce qui a trait à la période moderne, alors que l’on fait abondamment référence aux diverses assemblées du CELAM (deux chapitres leur sont consacrés, les chapitres 42 et 43), on ne dit pas un mot sur les activités des regroupements des conférences épiscopales de l’Afrique et de l’Asie, le SCEAM (Symposium des conférences épiscopales d’Afrique et de Madagascar) et la FABC (Federation of Asian Bishops’ Conference) dont les activités sont pourtant importantes. Si l’on couvre assez bien, au cours de la période moderne l’Amérique hispanophone (les conciles de Lima et le concile plénier latino-américain de 1898, aux chapitres 34, 35 et 39) et les conciles de Baltimore (chapitre 37[1]), on laisse dans l’ombre les conciles nationaux d’Australie, de Chine (1924), du Japon (1926), du Vietnam (1934) et de l’Inde (1951) qui ont eu des fonctions similaires en leur temps, soit d’accompagner l’annonce de l’Évangile, la naissance de l’Église et l’inculturation du christianisme dans ces aires géographiques et qui préparaient, d’une certaine manière, ces épiscopats à Vatican II.

De même, il n’y a pas de place, pour ce qui est du deuxième millénaire chrétien, pour les Églises orientales catholiques qui ont pourtant une tradition conciliaire et synodale propre avec, notamment, l’institution du synode patriarcal. Cette tradition a pourtant la capacité de stimuler la tradition latine plus orientée vers un gouvernement personnel que synodal.

En somme, un ouvrage qui, malgré quelques lacunes, offre à un large public une vue d’ensemble de l’histoire du christianisme au moyen d’une entrée originale qui s’avère féconde. Cet Atlas a le mérite de mettre en avant un élément capital, souvent masqué, de la tradition chrétienne, soit sa vie conciliaire et synodale. J.M. Laboa, fin connaisseur de l’histoire du christianisme, tient le pari de présenter une synthèse accessible et nuancée de l’histoire du christianisme.