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Henry, J. (2003) : La traduction des jeux de mots, Paris, Presses de la Sorbonne Nouvelle, 297 p.[Notice]

  • Hélène Buzelin

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  • Hélène Buzelin
    Université de Montréal, Montréal, Canada

Cet ouvrage, au titre explicite, explore une question sur laquelle la plupart des théoriciens de la traduction ou de la littérature se sont, un jour ou l’autre, prononcés mais qui, à ma connaissance, n’avait pourtant encore jamais fait l’objet d’une étude aussi approfondie. Ne serait-ce que pour cette raison, le travail de Jacqueline Henry est particulièrement bienvenu et offre une contribution importante aux études en traduction. Réfutant le parti pris théorique d’intraduisibilité des figures de style, et selon une perspective fonctionnaliste ancrée dans la théorie du sens de Lederer et Seleskovitch, l’auteure s’attache à démontrer les mécanismes des jeux de mots, leurs fonctions et effets ainsi que la variété de stratégies qui s’offrent à ceux et celles qui ont pour tâche de les restituer en traduction. L’ouvrage se divise en quatre chapitres. Les deux premiers, d’orientation théorique, délimitent l’objet d’étude et offrent un panorama des recherches qui s’y rattachent. Les deux derniers explorent consécutivement les enjeux que soulève la traduction de deux types de jeux de mots : ceux qui jouent un rôle ponctuel et secondaire dans le texte (chapitre 3) et ceux qui sont constitutifs de son système d’écriture (chapitre 4). La réflexion se nourrit des multiples exemples que l’auteure a puisés, entre autres, dans sa propre pratique de traduction des textes de D. R. Hofstadter (Gödel, Escher, Bach, Les Brins d’une Guirlande Eternelle et Vues de l’esprit), de Shepard (L’oeil qui pense), de Wolfe (Free Live Free) et de Campanile ainsi que dans diverses traductions de textes classiques, depuis The Bible jusqu’à Finnegans Wake, en passant par Alice’s Adventures in Wonderland. Les principales langues à l’étude sont le français, l’anglais et l’italien. Le premier chapitre énonce donc le cadre théorique adopté tant du point de vue des jeux de mots que de celui de la traduction. L’auteure y présente et commente les principales tentatives de classification des jeux de mots (Freud, Guiraud, le Goupe Mu, Landheer), relève les limites de chacune et adopte celle de Guiraud, laquelle repose non pas sur des critères morphologiques, mais sur le type d’opération effectué : substitution, enchaînement ou permutation. Les caractéristiques généralement associées au jeu de mots sont ensuite analysées en détail : les fonctions linguistiques, l’humour, la duplicité, la connotation, l’oralité, la connivence avec le destinataire. La discussion révèle, entre autres, les liens entre la traduction des jeux de mots et celle, plus générale, des connotations. L’auteure démontre les limites d’une conception qui ferait de ces manifestations textuelles des phénomènes de surface, donc seconds. Elle insiste au contraire sur la nécessité d’interpréter et de rendre les fonctions textuelles (didactique, ludique, mnémotechnique, subversive, poétique, etc.) du jeu de mots et la réaction qu’il cherche à susciter. Cette perspective débouche sur une nouvelle classification relative au poids des jeux en question dans le texte à traduire, classification dont la pertinence traductologique sera démontrée aux chapitres trois et quatre. On y distingue les jeux de mots ponctuels, ceux qui font partie du système d’écriture du texte, et ceux qui en constituent le fondement même. Si les frontières ne sont pas étanches, ces trois cas de figure soulèvent, selon l’auteure, des questions différentes et ne requièrent pas tout à fait la même approche traductionnelle. Le chapitre se conclut sur un rappel des fondements de la théorie de l’interprétation de Lederer et Seleskovitch dans laquelle s’inscrit cette étude. Le deuxième chapitre est une critique, nuancée mais solide, de la « prétendue intraduisibilité » des jeux de mots, et plus généralement de la forme signifiante. L’auteure rappelle les positions pour le moins défaitistes qu’entretiennent en la matière les traductologues, linguistes …

Parties annexes