Comptes rendus

Baigorri Jalón, J. (2004) : Interpreters at the United Nations : A History, Salamanca, Ediciones Universidad de Salamanca, 181 p.[Notice]

  • Marjorie Agrifoglio

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  • Marjorie Agrifoglio
    Université de Montréal, Montréal, Canada

Les Nations Unies incarnent un des rêves les plus sublimes de l’humanité, celui de la recherche d’un consensus entre toutes les nations de la planète. C’est dans ce forum multilingue que le rêve des pionniers de la simultanée est devenue réalité : cette modalité s’est consolidée comme la reine de l’art de l’interprétation de conférence. Ce deuxième ouvrage de Jesús Baigorri Jalón, historien, ancien interprète aux Nations Unies et aujourd’hui professeur d’interprétation à l’Université de Salamanca, est la suite du premier. Toujours minutieux et pondéré, l’auteur continue de retracer l’histoire de la profession d’interprète de conférence en nous menant, cette fois, jusqu’à nos jours. Traduit d’un manuscrit espagnol (non publié) par Anne Barr et publié (en anglais !) à Salamanca, Interpreters of the United Nations : A History se veut une contribution à la biographie de la profession, axée sur celle des interprètes qui ont travaillé ou qui travaillent encore au sein de cette célèbre organisation internationale. Une histoire et non pas l’histoire, Baigorri tient à le souligner dès les premières pages. D’une part, cet « essai » ne vise pas à être un répertoire de tous les interprètes du passé des Nations Unies. D’autre part, comme dans toute histoire, le récit constitue une interprétation parmi d’autres, empreinte de la subjectivité de son auteur : « This book does not aim to be objective or neutral, among other reasons because history is never neutral » (p. 12). Un postulat précieux pour ceux qui s’aventurent dans la recherche historique en traductologie, d’autant plus qu’il est énoncé par un historien. Néanmoins, cette subjectivité n’exclut pas la rigueur, tel que l’illustrent les quatre chapitres de cet ouvrage clair et bien structuré, qui se fondent principalement sur des sources orales et des documents d’archives de l’ONU. Le premier chapitre donne un bref aperçu des débuts du multilinguisme aux Nations Unies. Les lecteurs y apprendront que, contrairement à ce que l’on pourrait croire, l’idée d’imposer d’autres langues de travail que l’anglais ne ralliait pas tous les suffrages lorsque l’organisation a été mise sur pied. Par ailleurs, si les pays victorieux de la Deuxième Guerre mondiale n’avaient pas été ceux qu’on connaît, les interprètes des Nations Unies traduiraient probablement aujourd’hui vers des langues autres que les six langues officielles. Baigorri raconte que c’est grâce aux pressions politiques des délégations de l’Amérique latine, de la Chine, de la France et de l’Union soviétique que l’espagnol, le chinois, le français et le russe sont devenus des langues officielles. De cette décision, plus politique que communicative, découlera l’instauration de l’interprétation simultanée, qui venait d’être couronnée de succès à Nuremberg. Cette modalité fut officiellement adoptée le 30 octobre 1947. La consécutive n’est toutefois pas éliminée. Plus fiable et exacte – aux dires des délégués – que la simultanée lorsqu’il s’agissait de traduire des discours lus, la consécutive vers l’anglais et vers le français continuera d’être utilisée au sein du Conseil de sécurité pendant les premières années de l’organisation (même si les discours sont interprétés en simultanée aussi). Au fil du temps, les délégués du Conseil de sécurité se contenteront de la simultanée et la consécutive perdra définitivement sa place aux Nations Unies. Pour Baigorri, l’existence de services de traduction et d’interprétation semble relever davantage des principes couchés dans les règlements que d’un vrai besoin de communication, surtout à l’ère de la mondialisation. Le deuxième chapitre est consacré aux interprètes de la première période définie par l’auteur, celle qui s’étend de 1945 à 1960. Cette période est marquée par un des épisodes les plus intéressants de l’histoire de l’interprétation contemporaine : la guerre entre les « vétérans » de la consécutive, …

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