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Un nouveau concept explicatif de la pharmaco-dépendanceLe découplage des neurones sérotoninergiques et noradrénergiquesUncoupling between noradrenergic and serotonergic neuronsAs a mechanism for drug addiction[Notice]

  • Jean-Pol Tassin,
  • Christophe Lanteri et
  • Lucas Salomon

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  • Jean-Pol Tassin
    Inserm U114,
    CNRS UMR 7148,
    Collège de France,
    11, place Marcelin Berthelot,
    75005 Paris,
    France.
    jean-pol.tassin@college-de-france.fr

  • Christophe Lanteri
    Inserm U114,
    CNRS UMR 7148,
    Collège de France,
    11, place Marcelin Berthelot,
    75005 Paris,
    France.

  • Lucas Salomon
    Inserm U114,
    CNRS UMR 7148,
    Collège de France,
    11, place Marcelin Berthelot,
    75005 Paris,
    France.

Le cerveau constitue un ensemble complexe de circuits neuronaux qui s’organisent en réseaux pour traiter les entrées sensorielles, les relayer jusqu’au cortex, puis les traduire en sorties comportementales ou psychiques. La grande variété des réponses comportementales nécessite que certains réseaux, et par conséquent certaines structures cérébrales, soient sélectionnés en fonction de chaque situation vécue par le sujet. Cette sélection est réalisée par un autre ensemble de neurones, modulateurs, superposé au premier circuit. Ces neurones modulateurs, minoritaires dans le système nerveux central puisqu’ils représentent moins de un pour cent des cent milliards de cellules présentes dans le cerveau, comprennent les neurones sérotoninergiques, noradrénergiques et dopaminergiques. Dans cet ensemble, la dopamine tiendrait le rôle de modulateur final de l’essentiel des sorties motrices ou psychiques. C’est pourquoi une atteinte du système dopaminergique peut se traduire aussi bien par des troubles moteurs, comme dans le cas de la maladie de Parkinson, que psychiques, comme dans certaines psychoses telle que la schizophrénie. Dans les mécanismes de dépendance, le système dopaminergique est aussi déterminant dans la mesure où il modifie le fonctionnement d’un ensemble neuronal particulier, le « circuit de la récompense » qui relaie toutes les informations externes et internes de l’organisme et permet au sujet de reconnaître, par l’intermédiaire de perceptions extérieures, l’existence de satisfactions potentielles de toutes sortes : nourriture, chaleur, plaisir sexuel… Ce circuit de la récompense est, en quelque sorte, un « baromètre » qui indique à l’individu l’état physique et psychique dans lequel il se trouve ou va se trouver. Les neurones dopaminergiques ne font pas partie à proprement parler du circuit de la récompense, mais leur activation stimule ce circuit et provoque une sensation de satisfaction. Le concept d’addiction à une substance est sans doute né avec l’héroïne, la morphine et les autres opiacés. Dans les années 70, les neurobiologistes considéraient ces produits comme les archétypes des substances toxicomanogènes. Les psychostimulants, comme l’amphétamine et la cocaïne, paraissaient appartenir à une autre classe, d’autant plus que leur mécanisme d’action, l’augmentation de la libération des catécholamines, était connu et considéré comme différent de celui des opiacés. Ce n’est qu’en 1988 que Di Chiara et Imperato montrèrent que tous les produits qui déclenchent de la dépendance chez l’homme, comme l’amphétamine et la cocaïne, mais aussi comme l’héroïne, la morphine, le cannabis, la nicotine et l’alcool augmentent la libération de dopamine dans une structure sous-corticale, le noyau accumbens [1]. Toutes stimulent donc, par ce biais, le « circuit de la récompense ». Chez les rongeurs, l’augmentation des taux de dopamine dans le noyau accumbens s’accompagne d’une hyperactivité locomotrice qu’il est facile de mesurer. L’injection de produits toxicomanogènes donne effectivement lieu à une hyperactivité locomotrice, même lorsqu’il s’agit de produits qui entraînent une sédation chez l’homme, comme la morphine. La dépendance correspond chez l’homme à un besoin irrépressible de reprendre du produit malgré toutes les conséquences négatives et connues que cette consommation entraîne. Nous nous sommes demandés quelle pouvait être la modification à long terme du système nerveux central qui pouvait expliquer cette attitude compulsive que certains produits déclenchent. Chez les rongeurs, l’hyperactivité locomotrice due à l’administration de produits toxicomanogènes augmente avec la répétition des prises et se maintient ensuite plusieurs mois après le sevrage. Ce phénomène s’appelle la sensibilisation comportementale et semble correspondre à l’hypersensibilité à l’environnement que ressent le toxicomane, même après plusieurs mois d’abstinence. Nous avons donc recherché quel était le substrat neurobiologique de cette sensibilisation comportementale. Dans un premier temps, avec Laurent Darracq [2] puis Candice Drouin [3], nous avons montré que l’hyperactivité locomotrice induite par les drogues provenait initialement de l’activation des neurones noradrénergiques et de la stimulation d’un …

Parties annexes