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En octobre 2006, à Montréal, s’est tenu un colloque international intitulé Violences faites aux femmes : réponses sociales plurielles. Plus de 500 personnes en provenance d’une quarantaine de pays et de cinq continents ont participé à cet événement sans précédent. Elles ont profité de cette tribune pour partager leurs connaissances et leurs savoir-faire, parler de pratiques émergentes et dénoncer l’insuffisance des ressources de même que l’inaction de certains États en matière de défense des droits humains. Organisé par le consortium RÉSOVI[1] du CRI-VIFF[2], ce colloque s’était fixé comme objectifs, d’une part, de favoriser une compréhension plus fine des violences vécues en contexte de vulnérabilité (migration, perte ou limitation de l’autonomie, divorce, etc.) et, d’autre part, de mettre l’accent sur des contextes de vie et des réalités particulières vécues par des femmes qui n’appartiennent pas à la culture majoritaire. Le présent ouvrage, publié en 2008 dans la foulée de cette rencontre, n’a certes pas la prétention d’en tracer un bilan complet, mais il vise, tout au moins, à refléter la richesse et la diversité des analyses et des réflexions présentées lors de ce colloque.

Depuis les deux dernières décennies, les enquêtes nationales et internationales sur les violences faites aux femmes, de même que les études de type qualitatif, se sont multipliées contribuant ainsi à améliorer notre connaissance de la problématique et notre capacité à en mesurer l’ampleur et les conséquences. C’est en grande partie grâce au travail de réflexion, de mobilisation et de conscientisation des féministes que l’on a réussi à sortir cette problématique de l’ombre, à mieux la documenter et à en faire une question politique et sociale. Or, malgré ces acquis, les données sur les violences faites aux femmes restent partielles, fragmentées et inégales d’un pays à l’autre ; les explications sont parfois tributaires des préjugés véhiculés dans la culture populaire (perte de contrôle du mari, provocation de l’épouse, alcoolisme, folie, etc.), et la violence conjugale continue d’être traitée comme une affaire privée et non comme un problème social. En dépit des proclamations d’une majorité de pays dans le monde en faveur de l’égalité des hommes et des femmes, les cas de violation des droits des femmes et des jeunes filles sont encore banalisés, impunis ou tolérés de la part des États. Force est de constater, selon plusieurs auteurs, les limites méthodologiques des études réalisées sur le phénomène des violences faites aux femmes ou encore la faiblesse de leurs retombées politiques et sociales.

Cet ouvrage, auquel ont participé 44 auteurs et auteures de différents pays (Canada, États-Unis, Nigeria, Cameroun, Haïti, Inde, Tunisie, Ukraine) et d’horizons disciplinaires diversifiés (psychologie, psychiatrie, service social, sociologie, anthropologie, criminologie, psychoéducation), a le mérite de documenter des situations de violence encore méconnues, de proposer des pistes d’analyse novatrices et, enfin, d’ouvrir la voie à des comparaisons internationales. L’ouvrage est divisé en 6 parties distinctes et compte 23 chapitres dont 7 sont en langue anglaise. Dans son texte d’introduction, Damant rappelle trois conditions essentielles à la poursuite des travaux de recherche sur cette problématique : tout d’abord « la nécessité d’utiliser le concept de violence faite aux femmes » (Damant : 3) ; puis, l’engagement à faire en sorte que « la violence ne [soit pas] considérée comme un problème individuel, mais bien comme un problème social » (Damant : 7) ; et, enfin, la volonté d’« avoir une vision commune » (Damant : 9).

Dans la première partie consacrée à l’influence de la culture sur le phénomène de la violence faite aux femmes, on peut lire avec intérêt un article de Doherty et Hornosty, deux chercheures au Nouveau-Brunswick, traitant de la culture des armes à feu en milieu rural et de la banalisation du danger lié à la présence de ces armes dans la maison. Au chapitre suivant, l’auteure s’attache à démontrer « comment les représentations sociales à l’égard de la violence faite aux femmes contribuent à l’entretenir » (Labadi : 46). Après avoir fait un survol des plus récentes recherches réalisées en Tunisie et souligné leurs limites méthodologiques, Labadi questionne l’utilisation de concepts « neutres » tels que « violence entre époux » ou « violence liée au sexe » et y voit là un risque d’invisibiliser la violence à l’égard des femmes. Elle constate que la modernisation de la société tunisienne n’a pas fait disparaître les anciennes valeurs culturelles et religieuses au coeur des représentations sociales des gens. Dans l’article suivant, Bondarovskaia compare la situation des femmes au sein de la famille en Russie et en Ukraine, au moment du passage d’un régime communiste totalitaire vers une société aux fondements plus démocratiques. Elle observe qu’en dépit de son affranchissement de l’Union soviétique, la société ukrainienne, qui fut l’une des premières de cette région à adopter une loi préventive contre la violence faite aux femmes, est restée marquée par son expérience passée et n’a pas réussi à changer totalement les mentalités et les pratiques quotidiennes en regard de la violence faite aux femmes. Au chapitre suivant, Downe, chiffres à l’appui, rappelle « ce que l’on sait » de la violence et de l’oppression vécues par les jeunes autochtones au Canada et aux États-Unis. Évoquant la violence structurelle et interpersonnelle subie par les jeunes femmes autochtones – à travers une longue parenthèse historique sur les déplacements forcés -, l’auteure refuse toute explication de cette violence qui se limiterait à des facteurs individuels ou familiaux (drogue, prostitution, éclatement des familles, etc.). De plus, elle invite les intervenants à modifier leur regard sur ces jeunes en étant attentifs aux récits des survivantes et des battantes qui ont réussi à surmonter leurs difficultés et à « développer un sentiment d’appartenance à leur communauté qui, bien souvent, sert de tremplin à l’autodétermination personnelle et collective » (Downe : 101).

Dans la deuxième partie de l’ouvrage, plusieurs textes invitent à réfléchir sur les violences en contexte de guerre ou de conflit politique. Viols, tortures et mutilations, exil forcé vers des camps de réfugiés où sévissent d’autres formes de violences, tel est le sort réservé à des millions de femmes et d’enfants en temps de guerre. Écrit par des psychiatres et des psychologues, membres pour la plupart de l’organisation Médecins sans frontières, le chapitre intitulé « Violences sexuelles de guerre au Congo-Brazzaville », rappelle aux Occidentaux responsables des programmes de soins, l’importance de prendre en compte les croyances et les représentations culturelles des femmes victimes de viol. En reconnaissant que ces soins ne constituent qu’une étape dans l’itinéraire thérapeutique des patientes, le médecin ou le psychiatre aura plus de facilité à accepter que d’autres acteurs (famille, communauté, guérisseurs) puissent intervenir ou bénéficier du processus de soins. Dans le chapitre suivant, l’auteure, qui a séjourné dans un camp de réfugiés palestiniens au Liban alors qu’elle était étudiante à la maîtrise en service social, constate qu’au-delà de leur vulnérabilité et des traumatismes subis, les femmes font figure de « battantes, [elles se comportent] comme des actrices et des forces productives qui luttent pour leur survie et celle de leur famille » (Caron : 141). L’auteure recommande aux intervenants de s’intéresser « aux mécanismes de survie mis en place par ces femmes en contexte de crise » et de reconnaître les multiples « rôles qu’elles tiennent dans leur famille et leur communauté » (Caron : 144). L’article signé par Célia Rojas-Viger se démarque du reste de l’ouvrage par sa facture nettement plus théorique. L’auteure s’inspire de Foucault – ses écrits sur l’exercice du pouvoir – et de plusieurs anthropologues pour élaborer son schéma d’analyse « des violences guerrière, structurelle, institutionnelle, symbolique et quotidienne » (Rojas-Viger : 150). Ces formes de violence, constate-t-elle, « se rejoignent en vases communicants avec des répercussions spécifiques sur le corps des femmes » (Rojas-Viger : 153-154). Elle examine le parcours des femmes péruviennes qui ont immigré à Montréal, fuyant le contexte de violence structurelle et politico-militaire qui a marqué le Pérou entre les années 1980 et 2000, et déplore le fait que leur insertion dans la société d’accueil soit ponctuée de multiples frustrations et souffrances : discrimination, déqualification, racisme, etc. À souligner cette remarque fort intéressante de l’auteure qui affirme que la violence peut survenir en contexte de guerre, mais aussi « dans les périodes de paix sociale et en tout temps dans l’enceinte de la maisonnée […] » (Rojas-Viger : 155).

Dans la troisième partie du livre, sous la rubrique Mères et pères en contexte de violence conjugale, est abordée une réalité encore peu documentée. Il s’agit notamment des situations de violence conjugale postséparation en contexte d’exercice d’un droit d’accès aux enfants. Pour pallier le manque d’informations sur le sujet, des chercheures associées au CRI-VIFF ont recueilli et analysé le récit d’une vingtaine de femmes vivant des épisodes de violence postséparation au moment de l’échange des enfants (chapitre 8). Prenant appui sur ces témoignages, les auteures proposent un ensemble de mesures de protection pour les mères et les enfants qui interpellent les intervenants judiciaires. Abordant le sujet d’un tout autre point de vue, Simon Lapierre, chercheur à l’Université Warwick (Royaume-Uni), a procédé à un examen critique des écrits sur les enfants exposés à la violence conjugale et constaté que la plupart d’entre eux mettent l’accent sur les « déficits » des mères et sur leur incapacité à protéger l’enfant ou à en prendre soin de manière satisfaisante. Cette tendance à blâmer les mères, inspirée d’une vision essentialiste de la maternité et largement dénoncée par les féministes depuis les années 1980, se retrouve dans l’attitude des services de protection de l’enfant dont Lapierre note l’empressement à accuser les mères de négligence ou de conduites « déraisonnables ».

Peut-on omettre de faire le lien entre violence conjugale et filicide ou familicide ? Il semble bien que la majorité des enquêtes sur la violence conjugale le font. Grave erreur déplore la psychologue Myriam Dubé puisque « Plus de 60 % des filicides commis par les pères ayant des antécédents connus de violence conjugale ont été […] commis dans un contexte de séparation où l’homme n’acceptait pas que sa conjointe mette fin à la relation […] » (Dubé : 246). L’auteure a consulté les rapports d’enquête concernant 64 pères d’origine québécoise coupables de filicide et comparé deux groupes de pères (ceux qui avaient des antécédents connus de violence conjugale et ceux qui n’en avaient pas) pour mieux comprendre les différents motifs à l’origine du délit commis.

Dans la quatrième partie de l’ouvrage, plusieurs textes invitent à réfléchir sur les pratiques en violence conjugale. J’ai parcouru avec intérêt le chapitre 11 qui analyse le fonctionnement d’une maison d’hébergement pour femmes victimes de violence conjugale à l’aune d’une perspective féministe, antiraciste et « culturallysensitive ». Krane et Carlton se demandent comment faire de l’oppression de genre une question centrale dans la pratique en violence sans pour autant occulter les autres rapports d’oppression (race, classe, ethnie, religion, orientation sexuelle, etc.) qui contribuent à singulariser l’expérience des femmes . Inspirées par les écrits de Crenshaw (1995) et de Collins (1990) sur l’approche intersectionnelle, les auteures reconnaissent que toutes les femmes ne sont pas opprimées de la même manière et que, compte tenu de la variabilité de leur position sociale (social location), elles n’ont pas les mêmes besoins. Les auteures terminent en invitant les intervenantes à réfléchir sur les privilèges qu’elles détiennent dans la relation à l’autre et sur le danger de véhiculer des conceptions rigides de victimisation et de survivance. L’article suivant, signé par quatre chercheures de l’Université de Miami, nous rappelle, de manière fort bien argumentée, que les premières manifestations de violence surviennent souvent à l’adolescence au moment des fréquentations amoureuses. Or, malgré la panoplie des programmes de prévention mis en place en milieu scolaire, les auteures s’interrogent sur leur efficacité dans la mesure où ceux-ci sont rarement aptes à prendre en compte la diversité des identités et des expériences vécues par les jeunes. La présentation du programme Expect Respect, établi depuis 1988, permet d’entrevoir les forces et faiblesses de cette approche et d’en apprendre à la fois sur le fonctionnement du programme (rôle des intervenants, composition des groupes, etc.) et sur ses efforts d’adaptation aux différents groupes de jeunes.

L’intervention auprès des hommes aux comportements violents a passablement évolué depuis quelques années, constatent deux chercheurs de l’Université Laval. D’abord axée sur la responsabilisation des hommes face à leurs comportements – et sur la judiciarisation –, elle est maintenant plus orientée vers l’expression de leur vécu. Turcotte et Bernard évoquent le processus de socialisation de genre des hommes pour expliquer leur comportement violent et leurs difficultés à se départir d’un modèle de masculinité souvent problématique (chapitre 13). Intitulé « Assessing Safety, Managing Abuse. Routine Screening for Domestic Violence in the Family Law System », l’article de Hughes pose un regard critique sur l’attitude des avocats qui défendent la cause de femmes lors des jugements de séparation et soulève cette question fondamentale : Une meilleure reconnaissance de la violence faite aux femmes par les institutions publiques a-t-elle favorisé la mise en place de services adéquats pour leur venir en aide ? En réponse à son interrogation, l’auteure constate que les professionnels du système judiciaire au Canada minimisent les situations de violence au moment de décider des arrangements de garde des enfants. En d’autres mots, les informations recueillies sur les situations de violence vécues avant la séparation ont peu d’impact sur les négociations finales, exception faite des cas de violence physique ou lorsque l’enfant est témoin de la violence. Hughes suggère donc de modifier le système judiciaire afin que les notions d’intérêt de l’enfant ne puissent pas avoir préséance sur la recherche de sécurité pour le parent qui s’en occupe sur une base quotidienne.

La cinquième partie du livre, consacrée aux pratiques de lutte contre d’autres formes de violences, débute avec l’article de Mylène Bigaouette, conseillère pour Oxfam/Québec au Burkina Faso. Elle y soulève des questions fort judicieuses. Compte tenu du contexte bien particulier de l’Afrique de l’Ouest, les solutions envisagées au Nord peuvent-elles s’appliquer aux pays du Sud ? L’hébergement des femmes victimes de violence, une pratique répandue dans le Nord, est-elle la meilleure solution pour les femmes du Sud ? Ne devrions-nous pas favoriser les collaborations ou la circulation des informations entre pays du même hémisphère ? Dans l’article suivant « Walking the Tightrope » signé par trois chercheures de l’Université Windsor en Ontario, les auteures se demandent comment on peut encourager les étudiantes qui fréquentent les campus universitaires à se défendre dans des situations d’agressions sexuelles sans pour autant les rendre responsables de ces viols. Il s’agit bien de marcher sur une corde raide, car le risque est assez grand, en voulant outiller les filles pour qu’elles dominent leur peur de riposter, de les blâmer si elles ne réussissent pas à se défendre.

Au chapitre 17, Oxman-Martinez, Hanley et Lacroix se penchent sur l’épineuse question de la disponibilité des services de protection pour les victimes du trafic humain au Canada. Elles s’interrogent plus particulièrement sur le fossé qui sépare les demandes d’aide et l’offre de services par les ONG et identifient trois étapes essentielles dans toute démarche d’assistance à ces personnes. Phénomène en croissance dans le monde, le trafic humain – les femmes en sont les principales victimes – est un problème mal cerné, mais bien réel au Canada. D’où l’importance de lever les barrières qui retardent l’adoption de mesures de protection, la mise en place d’un environnement politique favorable aux victimes du trafic et l’allocation de fonds aux ONG.

La sixième et dernière partie du livre traite de pratiques variées, d’ici et d’ailleurs, et comprend six chapitres. Bouchard et Tremblay présentent un modèle d’intervention auprès des victimes de violence conjugale dont elles sont les coauteures : ce modèle interactif et évolutif – le processus de domination conjugale – est décrit sous différents angles (stratégies, objectifs, etc.) et mis en valeur dans sa spécificité par rapport à d’autres approches. Quant à l’article suivant, il nous rappelle combien la condition des femmes indiennes en milieu rural est pathétique : féticides des enfants filles, mariages forcés, violences physiques, travail exténuant, abus sexuels, etc. Depuis les années 1980, des groupes d’entraide ont été mis sur pied pour permettre à ces femmes pauvres et opprimées de reprendre du pouvoir sur leur vie. Sujit Khumar Paul décrit le fonctionnement de ces groupes (règles, objectifs, activités) et en souligne les nombreux avantages pour les participantes : développement d’une solidarité entre elles, obtention d’un microcrédit, participation au développement économique et social de la communauté, dépistage de la violence et éducation des femmes.

Haïti est l’un des pays les plus pauvres de l’hémisphère ouest. La détérioration économique, de même que la crise politique qui secoue le pays depuis quelques années, va de pair avec la hausse des actes de violence envers les femmes. Noël et Thimothé présentent les différentes modalités de fonctionnement d’un Projet d’appui à la lutte contre les ITSS/VHS/sida en Haïti (2002-2007) financé par l’Agence canadienne de développement international (ACDI). À la demande de l’ACDI, ce projet s’inspire de l’approche Genre dont les auteures explicitent les différentes caractéristiques et en soulignent les avantages dans la lutte contre le sida. L’article de Doumara et de Sikè traite des mariages précoces et forcés, une pratique qui perdure dans l’Extrême-Nord du Cameroun, en dépit des conventions internationales signées par le pays. Après une mise en contexte et une analyse de la problématique (causes et conséquences des mariages précoces et forcés pour les survivantes), les auteures exposent de manière détaillée les objectifs et modalités des programmes d’aide aux survivantes, lesquels sont censés favoriser leur autonomie aux plans personnel, légal, social, politique et économique.

Dans un article consacré à la violence domestique au Nigeria, Olatubosun déplore l’absence de lois ou de politiques protégeant les femmes. Selon le Code civil de ce pays, un homme peut battre sa femme sans être puni pourvu qu’il ne mette pas sa vie en danger ; le viol conjugal ne figure pas dans la loi. Présentement, il existe seulement trois maisons d’hébergement, un chiffre bien inférieur à ce qu’on peut trouver dans les pays occidentaux. À partir de 10 études de cas illustrant la gravité et la complexité des expériences de violence, l’auteure examine les stratégies d’intervention de la première maison d’hébergement pour femmes victimes de violence au Nigeria. Elle conclut en rappelant l’importance de considérer la violence domestique et l’inceste comme des actes criminels qui méritent une condamnation en justice afin que les femmes obtiennent dédommagement et protection. De plus, elle insiste pour que la culture, l’ethnicité et la race soient prises en compte dans des situations de violence domestique.

Le chapitre qui clôt cette dernière partie du livre présente un guide d’intervention pour prévenir l’homicide conjugal. Cet outil de sensibilisation, développé par une équipe de chercheurs de l’Université de Montréal, vise à « soutenir les travailleuses en maison d’hébergement dans leur évaluation du risque d’homicide ainsi que dans leurs interventions » (Drouin : 483). Une évaluation de l’implantation de ce guide nous permet d’entrevoir les différents facteurs ayant plus ou moins contribué à son succès.

Que conclure au terme de la lecture de cet ouvrage ? Parmi les points d’intérêt importants, il y a lieu de souligner la diversité des thématiques abordées, la somme impressionnante de données sur les violences faites aux femmes, la qualité des réflexions et des analyses et, enfin, la précision avec laquelle sont présentées les démarches de recherche des auteurs (recension des écrits, objectifs, approche méthodologique, discussion des résultats). De plus, chaque chapitre contient une bibliographie détaillée et récente qui ne manquera pas d’intéresser les chercheurs en sciences sociales et politiques, de même que les praticiens qui oeuvrent en violence.

De toute évidence, un tel livre aura contribué à faire avancer les connaissances dans un domaine de recherche confronté à des défis majeurs : problèmes de définitions et de mesures, difficultés à recueillir les témoignages des victimes, nécessité de revoir les modèles d’analyse, etc. Bien sûr, l’ensemble de l’ouvrage est inégal, mais cela s’explique, en partie, par la complexité et la diversité des sujets abordés. La dernière section est, à mon avis, la moins intéressante, car les différents articles réfèrent dans le menu détail à des programmes et des politiques en matière de violence faite aux femmes, une approche qui se révèle trop pointue et spécifique.

Malgré ces quelques réserves, je recommande la lecture de ce livre et je suis convaincue qu’il marquera une étape significative dans la poursuite et l’approfondissement de la réflexion sur les violences faites aux femmes et aux enfants.