Comptes rendus

Louis Favreau, Entreprises collectives : les enjeux sociopolitiques et territoriaux de la coopération et de l’économie sociale, Québec, Presses de l’Université du Québec, 2008, 321 p.[Notice]

  • Nuah M. Makungu M.

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  • Nuah M. Makungu M.
    Chaire de recherche du Canada en développement des collectivités (CRDC), Université du Québec en Outaouais

Dans ce livre de synthèse des travaux sur le concept d’économie sociale au Québec et ailleurs, Louis Favreau tente de retracer les contours, les principales approches et les principaux champs de pratique dont la fondation remonte à 1844 en banlieue de Manchester (p. 22). Il rappelle que « l’économie sociale dans les pays industrialisés, notamment ses branches coopérative et mutualiste, s’est développée parmi des classes laborieuses exploitées et luttant pour améliorer leurs conditions de vie très précaires » (p. 24). En fait, le concept d’économie sociale au Québec est entré dans l’espace public en 1996, lors du Sommet sur l’économie et l’emploi du gouvernement du Québec. Mais le mouvement coopératif existe concrètement depuis plus d’un siècle. Dans les conditions de 1844, les classes populaires ont répondu de façon collective aux nécessités que l’économie dominante et l’État ne satisfaisaient pas. Au lancement de ces initiatives d’entreprises à propriété collective au Québec, il y avait l’idée d’appartenance à un peuple du Canada français et la volonté de vivre ensemble ainsi que le rêve d’instaurer une société socialement juste et équitable. La question centrale de ce livre est formulée comme suit (p. x) : les entreprises collectives et plus globalement le monde de la coopération et de l’économie sociale font-ils partie des réponses appropriées pour la relance des communautés et, le cas échéant, quelles sont les stratégies de développement (ou de relance) mises en place par l’économie sociale dans ces communautés ? Selon Favreau, « il existerait un espace inédit d’innovation sociale au coeur de la crise de la société salariale et des étatismes industriels, espace éclipsé pendant la période des “trente glorieuses”. Le marché et l’État demeurent insuffisants pour trouver des réponses aux problèmes actuels (montée de l’exclusion, bureaucratisation du service public…), pour repérer les nouveaux besoins sociaux et pour faire émerger de nouvelles formes d’organisation de l’entreprise répondant mieux aux aspirations de ses travailleurs et de nouvelles formes de gouvernance territoriale prenant mieux en compte les aspirations des populations » (p. 14). Louis Favreau soutient que l’économie sociale est un héritage des classes populaires. Elle est profondément liée aux mouvements sociaux. Il y a environ un siècle, le mouvement ouvrier s’était vu obligé de fournir des réponses inédites à l’offensive de l’économie capitaliste. L’intervention de l’État dans le développement économique et social ne suffisait pas à lui seul à développer une économie socialement responsable et équitable. Au Québec, l’économie sociale a des racines profondes sur l’ensemble du territoire. On la retrouve partout où ont été mis sur pied des coopératives agricoles, des mutuelles d’assurances, des caisses populaires, des entreprises d’insertion, des organismes sans but lucratif d’habitation, des centres de la petite enfance et des coopératives de santé. Cette dynamique fait en sorte que le Québec est la seule société où la principale institution financière, Desjardins, est une coopérative. Il faut rappeler que le mouvement coopératif tout comme le mouvement des agriculteurs et des travailleurs se sont construits sur une identité socioculturelle forte, soit celle du peuple canadien-français (la communauté de destin), ensuite du Québec. Mais la question socioculturelle n’est pas la seule à mettre en cause dans l’émergence et la structuration de l’économie sociale au Québec. Comme nous l’avons souligné précédemment, l’économie sociale est née également d’une nécessité économique, ainsi que d’une volonté de démocratiser les lieux de production (p. 24-26). Ainsi, au-delà de la dimension économique, l’économie sociale est depuis ses débuts porteuse d’un projet politique de changement social. C’est d’ailleurs là le premier fil conducteur de cet ouvrage. Le deuxième fil conducteur, c’est une analyse critique du concept d’économie sociale. Louis Favreau fait remarquer que cette économie a …