Regards croisés France-QuébecConférences

La prévention précoce sans infantilisation des parents ?[Notice]

  • Pierre Asselin

…plus d’informations

  • Pierre Asselin
    Travailleur social et thérapeute conjugal et familial
    Codirecteur, Groupe d’étude des systèmes humains (GÉSH)

Je suis un intervenant qui travaille avec des familles, qui fait de la formation à l’approche systémique et qui supervise des intervenants qui travaillent eux-mêmes dans différents contextes, entre autres les programmes de Services intégrés en périnatalité et pour la petite enfance (SIPPE), jeunes en difficulté, en santé mentale et en toxicomanie. J’ai le parti pris de quelqu’un qui s’est frotté à beaucoup de domaines d’intervention auprès des familles. J’ai vu de près comment, sous prétexte d’aider les gens, on tente de les contrôler. Je suis devenu très critique de ces pratiques d’interventions sociales, psychologiques et médicales qui se développent pour le bien des autres. Mettre en oeuvre des pratiques pour le bien des autres m’apparaît une activité des plus louches. Et quand cela se fait au nom d’une connaissance approximative et au nom d’une science qui traite les êtres humains comme des objets – parce que la science est devenue synonyme d’objectivité –, ça peut devenir assez effrayant. Par mon propos, je souhaite dénoncer ces pratiques qui déconsidèrent les parents, autant dans le contexte de la prévention précoce que dans celui des jeunes en difficultés tout en faisant vivre aux intervenants des sentiments d’échec et de dévalorisation. Je vous parlerai d’abord d’un service que j’ai contribué à mettre sur pied et qui s’adresse à des jeunes et à leurs familles, des jeunes évalués comme étant multiproblématiques. Mais qui sont ces jeunes dits multiproblématiques ? Ce sont des jeunes, surtout des adolescents, qui cumulent plusieurs étiquettes, c’est-à-dire qui ont été évalués et diagnostiqués en pédopsychiatrie, en même temps suivis dans un Centre jeunesse parce qu’on a évalué qu’ils avaient des problèmes de comportements, et qui vivent avec une déficience intellectuelle légère, un trouble envahissant du développement, et sont traités dans un service d’un Centre de réadaptation en déficience intellectuelle (CRDI). En fait, ce sont des jeunes avec lesquels les intervenants, plus spécialisés les uns que les autres, ne savent plus comment agir et qu’ils s’adressent mutuellement, d’un service à l’autre, de telle manière que ces jeunes se retrouvent assis entre trois chaises. En fin de course, ils ne reçoivent donc pas une aide adaptée à leur situation. Lorsqu’un jeune est ainsi affublé de plusieurs diagnostics, on dit qu’il s’agit d’une situation complexe : les intervenants se découragent, les parents se sentent coupables et blâmés et le jeune se vit comme un être à part, réduit à n’être qu’un TED – Trouble envahissant du développement –, un TDAH – Trouble de déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité –, un Gilles de la Tourette, etc., et, de surcroît, comme « un cas intraitable ». Il y a de cela quelques années, des recherches ont montré qu’il existait un certain nombre de ces jeunes dits multiproblématiques, au Québec, qui ne recevaient pas les services qu’ils étaient en droit de recevoir. Et ce, dans chacune des 17 régions du Québec. Cette recherche a montré qu’un certain nombre de ces jeunes se retrouvent finalement placés : une intervention très coûteuse, tant financièrement qu’affectivement en confirmant l’exclusion de ces jeunes et en brisant les liens familiaux et sociaux essentiels au développement de chaque être humain. C’est à la suite de ce constat de la situation générale au Québec, et à Laval en particulier, que le service que j’ai contribué à créer a été inauguré. J’ai, dans un premier temps, assuré la formation cette équipe, composée essentiellement d’éducateurs. Ces éducateurs étaient appelés à intervenir auprès de ces familles dites difficiles qui s’avéraient, quand on les rencontrait, des familles en difficulté, isolées, discréditées : des parents accusés parfois très explicitement d’être à la source …

Parties annexes