Étude critique

Sur l’« argument du vague » en faveur du quadri-dimensionnalismeÉtude critique de Sider, Theodore, Four-Dimensionalism. An Ontology of Persistence and Time, Oxford, Clarendon Press, 2003(2001), 255 pages.[Notice]

  • Fabrice Correia

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  • Fabrice Correia
    Programme de recherche Ramon y Cajal, Université Rovira i Virgili (Tarragone, Espagne), et Groupe de recherche LOGOS, Université de Barcelone (Barcelone, Espagne)
    fabrice.correia@lettres.unige.ch

Nécessairement, tout objet spatio-temporel non-persistant — c’est-à-dire n’existant qu’à un seul instant — est une partie temporelle instantanée « impropre » de lui-même. C’est trivialement vrai. Et donc il est trivialement nécessaire que tout objet non persistant possède une partie temporelle instantanée à chaque moment de son existence. Le quadri-dimensionnalisme se distingue à propos des objets persistants. Il nous dit qu’un objet de ce type doit être doté d’une structure méréologique non triviale, qu’il doit être composé de parties temporelles instantanées « propres ». Selon Sider, le quadri-dimensionnalisme est une thèse métaphysique, qui reste muette sur la question sémantique de savoir si les objets concrets familiers, ceux dont nous parlons habituellement, sont persistants ou non (p. 60-61 et p. 209-210). La worm view, qui est la position de David Lewis, est la combinaison du quadri-dimensionnalisme et de la thèse selon laquelle les objets familiers sont persistants. La stage view, que Sider défend, est en accord avec la worm view sur la composante métaphysique mais pas sur la composante sémantique. Selon Lewis, chaque occurrence du nom « Socrate » désigne un « vers spatio-temporel » composé de multiples parties temporelles propres. Selon Sider, chaque occurrence du nom en question (ou du moins la plupart d’entre elles, cf. p. 197) dénote un objet fugace qui n’existe qu’à un seul instant et qui ne possède d’autre partie temporelle que lui-même. La notion de partie temporelle est familière au sens commun. Nous croyons en effet que nombre d’événements et de processus possèdent de telles parties. Nous croyons par exemple que les matchs de football sont composés de parties temporelles que l’on appelle « mi-temps », ou encore que la vie d’un être humain se subdivise en parties temporelles telles que l’enfance, l’adolescence, etc. La thèse quadri-dimensionnaliste minimale, selon laquelle tout objet persistant possède quelques parties temporelles propres (instantanées ou pas), si elle est restreinte aux événements et processus, possède même une certaine plausibilité aux yeux du sens commun. Et peut-être en va-t-il de même pour la position plus forte de Sider. Mais nos croyances pré-théoriques, semble-t-il, sont incompatibles avec le quadri-dimensionnalisme non restreint : nous sommes convaincus qu’une multitude d’objets (êtres humains, planètes, tables, etc.) persistent à travers le temps mais ne sont pas composés de parties temporelles (propres). Nous sommes, selon la terminologie de Sider, tri-dimensionnalistes. C’est du moins ce qu’il semble. La structure du livre est simple. Après avoir présenté « l’image quadri-dimensionnaliste du monde » (chap. 1), Sider consacre un chapitre à la philosophie du temps (chap. 2). Il y défend la « théorie-B du temps » (éternalisme), selon laquelle les objets et temps passés et futurs sont aussi réels que ceux qui existent actuellement, et le discours « tensé » (réductionnisme) possède des conditions de vérité non tensées. La théorie-B du temps est présupposée dans toute la suite du livre. Le reste de l’ouvrage est consacré à la métaphysique de la persistance proprement dite. L’important chapitre 3 s’occupe de formulation. Sider y donne une définition précise du quadri-dimensionnalisme et examine diverses formulations de la principale théorie adverse, le tri-dimensionnalisme. Les chapitres 4 et 5 proposent des arguments en faveur du quadri-dimensionnalisme, et le dernier chapitre présente un ensemble d’objections contre cette même doctrine et tente de les réfuter. Tandis que le chapitre 4 propose des arguments très variés — notamment le fameux argument from temporary intrinsics de Lewis et l’important argument from vagueness inspiré d’un (autre) argument de Lewis en faveur du principe de composition non restreinte — le chapitre 5 est tout entier consacré à monter que le quadri-dimensionnalisme est dans une bien meilleure posture …

Parties annexes