Comptes rendus

Peter Singer, The President of Good and Evil. Questioning the Ethics of George W. Bush, New York, Plume Book, 2004, 280 pages.[Notice]

  • Jean Laberge

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  • Jean Laberge
    Cégep du Vieux Montréal

Pourquoi s’intéresserait-on à l’« éthique » de George W. Bush ? Pour bon nombre, la question paraît saugrenue. Des cyniques iront jusqu’à dire que l’expression même « éthique de Bush » est un oxymore (p. 5). En tout cas, beaucoup sont d’avis que l’« éthique du Bien et du Mal » du président des États-Unis n’est en réalité qu’un paravent lui permettant de gagner le pouvoir et de graisser la patte à ses amis, les magnats texans du pétrole. Pour ce faire, Bush flatte dans le bon sens du poil l’électorat de la droite religieuse. N’est-ce pas eux qui, selon les observateurs de la scène politique américaine, ont permis de remporter la victoire de novembre 2004 ? L’auteur appelle ce point de vue sur l’éthique de Bush, le point de vue « cynique ». Pour d’autres, au contraire, l’éthique de Bush prend sa source dans le fondamentalisme évangélique qui enseigne l’existence d’une lutte à finir entre les forces du Bien et les forces du Mal. Bush est également très sincère quand il parle de cet « Axe du Mal ». Pour lui, le Mal existe objectivement, réellement. Ce n’est pas de la poudre qu’il jette aux yeux de ses électeurs pour les tromper. D’après Bush, les événements du 11 septembre 2001 survenus sur le territoire américain sont la preuve manifeste du Mal. Saddam Hussein est « objectivement » mauvais, injuste ; l’Amérique, elle, est bonne, c’est-à-dire juste. Appelons cet autre point de vue sur l’éthique de Bush, le point de vue « religieux ». Qui a tort ? Qui a raison ? Le point de vue « cynique » ou le point de vue « religieux » ? La question interrogeant l’éthique de Bush semble moins saugrenue et insignifiante qu’elle ne paraît à première vue. Il vaut donc la peine de l’examiner avec soin. D’autant qu’il s’agit de ce qui guide l’action du maître du monde. C’est cette tâche que s’est donné le célèbre philosophe de l’éthique, Peter Singer, dans The President of Good and Evil. Singer comprend très bien que les partisans de la position « cynique » vont qualifier sa démarche de naïve, et les partisans de la thèse « religieuse » vont de même se rirent de lui tant il paraît clair que Bush est un croyant fondamentaliste. Singer ne nie pas que bon nombre des positions du président soient empruntées au fondamentalisme religieux. Mais la question est plus complexe qu’elle ne le semble, car sur d’autres questions Bush ne fait pas directement appel à la morale religieuse. Le président adhère par exemple au principe de la séparation de l’Église et de l’État, contrairement à ce que professe le fondamentalisme. Ainsi, dans une conférence à Philadelphie en décembre 2002, sur le thème de Faith-based and Community Initiatives, il déclarait : « Je reconnais que ce n’est pas l’affaire du gouvernement d’endosser des credo religieux, ou de subventionner directement des confessions religieuses, des cultes ou des enseignements. » (Évidemment, la question se pose de savoir dans quelle mesure Bush s’en tient effectivement au principe de non-ingérence.) Face aux diverses idées reçues qui circulent à l’heure actuelle sur ce que seraient les motivations profondes des décisions de George W. Bush, Singer entend « prendre au mot ce que dit Bush, et examiner la plausibilité des positions qu’il épouse » (p. 6) La démarche de Singer consiste donc, dans un premier temps, à examiner rigoureusement la légitimité des positions morales prises par Bush sur divers sujets, en citant de nombreux extraits des discours du président, pour dégager, dans un deuxième temps, une éthique d’ensemble qui serait « l’éthique …

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