Comptes rendus

Mario Bunge, Chasing Reality: Strife over Realism,Toronto, University of Toronto Press (coll. Toronto Studies in Philosophy), 2006, 342 p.[Notice]

  • Davy Mougenot

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  • Davy Mougenot
    UQAM

Le livre Chasing Reality (2007), de Mario Bunge, se présente comme la défense d’un réalisme scientifique qui prend l’envergure d’un véritable système du monde (à peu près tous les sujets imaginables y sont traités) et d’un pamphlet contre ceux qui s’y opposent (tous ceux qui soutiennent une forme d’idéalisme ou de phénoménisme, les anti-réalistes et les socio-constructivistes, essentiellement). L’expression « système du monde » rappelle l’oeuvre du baron d’Holbach, dont Bunge revendique la filiation, et trace une méthodologie philosophique à la fois simple et terriblement ambitieuse. En effet, dans son ouvrage, Bunge reconstruit littéralement le monde, de ses éléments les plus « simples » aux éléments les plus complexes : il pose d’abord les bases ontologiques de son système (réalisme matérialiste ou hyloréalisme), expose ensuite l’épistémologie qui s’y rapporte (scientisme : les sciences constituent notre meilleur moyen d’établir des connaissances), nous montre comment son système permet d’affronter efficacement les principaux problèmes intellectuels de divers domaines (évidemment en philosophie, mais la biologie, la médecine, la psychologie et les sciences sociales sont abordées). Finalement, Bunge envisage même une extension du système à la morale (quelques remarques sont également faites dans la sphère politique). Le livre se divise donc classiquement : les quatre premiers chapitres couvrent l’ontologie et la métaphysique, les cinq suivants l’épistémologie et la philosophie des sciences avec, en guise de conclusion, une ouverture sur le réalisme moral. Notre compte rendu ne sera donc pas structuré de façon plus originale et suivra les thèses essentielles de l’auteur (nous n’aborderons pas, cependant, les thèses morales qui constituent une partie très restreinte du livre). D’entrée de jeu, disons abruptement que Bunge défend un réalisme matérialiste (émergentiste), qu’il nomme hyloréalisme, selon lequel la réalité est constituée de choses matérielles que l’on peut connaître par l’entremise cognitive des sciences, plus particulièrement par la découverte des mécanismes qui sous-tendent les divers phénomènes que nous cherchons à comprendre. Autrement dit, Bunge propose de s’aventurer dans la triade fait-apparence-fiction, les faits constituant ce qui se produit indépendamment de l’esprit, les apparences étant les faits tels qu’ils nous apparaissent (phénomènes) et les fictions étant les constructions mentales chargées de rendre intelligible le monde et les phénomènes. Afin d’éclaircir ce que Bunge entend par fait et de défendre le réalisme, c’est-à-dire la thèse selon laquelle le monde existe indépendamment de l’esprit, il faut partir de la notion plus fondamentale de « chose » : « L’affirmation selon laquelle le monde est l’ensemble des choses est difficilement contestable » (p. 10). Assurément, les faits (le chat est sur le tapis) impliquent des choses (chat, tapis). Bunge s’oppose à la caractérisation cartésienne de « chose concrète » en tant que res extensa (puisqu’elle la limite aux choses solides, et les choses solides ne sont qu’une infime partie de notre univers), pour épouser celle de Platon : « Je propose que la mutabilité soit la propriété partagée par toutes les choses concrètes [...] » (p. 10). De plus, et, techniquement, la mutabilité est la propriété universelle conférée par l’énergie. Une chose est donc tout ce qui possède de l’énergie (sous toutes ses formes : mécanique, gravitationnelle, nucléaire, etc.) et est donc muable. Toutefois, cette caractérisation universaliste ne permet pas de différencier une chose d’une chose concrète et, pour cela, nous devons avoir recours aux propriétés saillantes de cette chose particulière ainsi qu’à la nature des changements qu’elles peuvent subir. Les propriétés des choses se divisent en plusieurs couples : 1) essentiel/accidentel; 2) fondamental/dérivé; 3) première/seconde; 4) invariant/relatif. Les changements peuvent être quantitatifs (ils n’affectent pas la nature de la propriété) ou qualitatifs (les changements affectent la nature de la propriété). …

Parties annexes