Disputatio

L’« empirisme transcendantal » de McDowell[Notice]

  • David Davies

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  • David Davies
    Université McGill

Traduit de l’anglais par Guillaume Fréchette

Dans l’introduction à la seconde édition de Mind and World, John McDowell identifie une idée cruciale de l’empirisme que ceux qui offrent une explication « post-empiriste » de la connaissance n’ont pas réussi à apprécier. Cette idée cruciale — que McDowell appelle l’empirisme minimal (EM) — établit la condition fondamentale qu’une pensée ait un contenu empirique : « Il faut constituer l’expérience en un tribunal fournissant une médiation pour que notre pensée réponde devant l’état des choses comme il se doit pour que nous puissions y voir une pensée » (McDowell 1996, p. xii. Sauf indication, toutes les références sont faites à cette édition). Le défi consiste alors à montrer comment l’expérience peut jouer un tel rôle si on tient compte des attaques de Sellars contre le mythe du donné. Comme McDowell l’a récemment affirmé (cf. McDowell, manuscrit), sa solution se trouve dans l’amorce, par Sellars lui-même dans les dernières sections d’Empirisme et philosophie de l’esprit, de ce qu’on peut appeler un « empirisme transcendantal » : c’est en raison du rôle joué par nos capacités conceptuelles dans l’expérience perceptuelle — rôle contesté par l’« atomisme » de l’empirisme traditionnel — que l’expérience peut jouer le rôle requis en rendant la pensée redevable de l’état dans lequel sont les choses. Selon McDowell, afin de respecter les exigences de EM, l’expérience doit être placée dans ce que Sellars appelle « l’espace logique des raisons, des justifications et des aptitudes à justifier ce qu’on affirme » (Sellars, 1956, p. 299 ; cité dans McDowell 1996, p. 5). De plus, McDowell soutient que l’espace des raisons est l’espace des concepts (7sq.), que l’espace des concepts est le domaine de la spontanéité kantienne (4-5) et que le domaine conceptuel doit être identifié avec le sens frégéen (106-107, 179-180). Essayons ici de décortiquer certains de ces énoncés et de les relier à la thèse originale selon laquelle l’expérience perceptuelle doit servir de médiation entre notre pensée et ce à quoi on pense. D’abord, l’espace des raisons comprend les activités qui impliquent une réactivité aux raisons (McDowell, 2002, 271) et donc des éléments qui peuvent être en relation justificative les uns avec les autres, qui peuvent être donnés comme des raisons pour croire, dire ou faire quelque chose et qui, en tant qu’affirmations ou intentions d’agir, peuvent être appuyés par des raisons. La relation épistémique est un type de relation justificative. Ici, l’espace des raisons est l’espace de la fixation de croyance rationnelle et de l’assertion raisonnée. De plus, l’espace des raisons est l’espace de l’action rationnelle et de l’explication rationnelle des actions en termes d’états intentionnels de l’agent. Les éléments qui peuvent entrer dans de telles activités et qui sont dans de telles relations justificatives sont individués par référence à leurs contenus propositionnels conceptualisés. Ce qui nous intéresse ici, c’est-à-dire la fixation rationnelle des croyances et l’action rationnelle, c’est la façon de caractériser le monde et les concepts auxquels il est ramené. Seuls les éléments qui véhiculent un contenu propositionnel déterminé en vertu de leurs constituants conceptualisés peuvent être dans des relations justificatives. C’est pourquoi l’espace des raisons est l’espace des concepts. Et la nature conceptualisée des éléments dans l’espace des raisons doit être comprise aux sens frégéens, étant donné que ces derniers sont des modes de présentation d’objets ou d’événements. C’est seulement sous de tels modes de présentation que les objets et les événements font leur entrée en tant que contenus dans nos croyances et nos désirs et peuvent du coup être engagés dans l’explication raisonnée de nos actions et dans la révision de nos …

Parties annexes