Disputatio

Réponse à mes critiques[Notice]

  • John H. McDowell

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  • John H. McDowell
    Université de Pittsburgh

Traduit de l’anglais par Guillaume Fréchette (traduction revue par l’auteur)

Davies introduit la question qui l’intéresse — en quoi ma conception de l’expérience contribue à rendre intelligible la redevabilité de notre pensée au monde — en rappelant à ses lecteurs les attaques, notamment celles de Robert Brandom et de Donald Davidson, contre l’idée même que l’expérience peut être pertinente pour la justification — en opposition à la simple étiologie — des jugements perceptuels. Il écrit dans ce contexte : « Placer l’expérience à l’intérieur de l’espace des raisons semble simplement être une façon de donner une nouvelle étiquette à nos jugements sensoriels plutôt que de caractériser l’engagement envers le monde, engagement à propos duquel sont émis de tels jugements. Insister sur le fait que l’expérience se trouve à l’intérieur de l’espace des raisons ne répond pas à la question de savoir comment elle peut impliquer le monde dans son contenu tel que l’exige [l’empirisme minimal]. » (p. 197) Je me demande à quel point il veut que nous prenions au sérieux cette introduction au sujet. Il est vrai qu’à quelqu’un qui ne peut voir comment autre chose que des jugements peut avoir le type de contenu pertinent, il semblera que dans l’explication que j’offre de l’expérience, je ne puisse qu’appliquer l’étiquette d’« expérience » à certains jugements. Mais, de mon point de vue, cette idée ne fait que refléter une simple tâche aveugle. Elle passe à côté de la possibilité sur laquelle j’insiste, à savoir que les mêmes capacités conceptuelles qui sont exercées dans des jugements peuvent également être actualisées dans la réceptivité sensorielle. Placer l’expérience dans l’espace des raisons n’est rien de plus qu’affirmer que cette possibilité est actuelle dans le cas de l’expérience perceptuelle des animaux rationnels. Dans le contexte qui nous intéresse ici, cela conduit à affirmer que les expériences perceptuelles des animaux rationnels ont le même type de contenu que les jugements. Et le rôle que joue l’idée de la réceptivité sensorielle dans l’explication de l’expérience que je propose fait en sorte que cette affirmation ne revient pas simplement à appliquer l’étiquette d’« expérience » à des objets qui sont véritablement des jugements. En fait, le rôle de la réceptivité sensorielle dans cette explication assure que les expériences peuvent être conçues comme des prises en charge de l’état des choses, ce qui est l’élément essentiel de mon explication de la manière par laquelle les expériences médiatisent la redevabilité au monde. Supposons que quelqu’un soit prêt à soutenir que les expériences sont à l’intérieur de l’espace des raisons puisqu’elles ont le même type de contenu que celui des jugements. Je ne vois pas pourquoi une telle personne ne trouverait pas de réponse à la question de savoir comment l’expérience en particulier peut impliquer le monde dans son contenu, contrairement à ce que suggère Davies dans la deuxième phrase que j’ai citée de lui. Après tout, l’effet produit par l’affirmation est de créditer l’expérience de la même orientation vers le monde qu’ont les jugements. Peut-être que Davies envisage ici quelqu’un qui trouve déroutante cette orientation vers le monde en général, et non l’orientation vers l’expérience en particulier. Mais ce que je propose, c’est précisément que nous pouvons améliorer notre compréhension de l’orientation vers le monde prise en général, possédée comme elle l’est également par les expériences et les jugements, en l’expliquant dans un cas comme dans l’autre en termes d’actualisation de capacités conceptuelles et en mettant l’accent sur le fait que, dans le cas des expériences, l’actualisation se produit dans la réceptivité sensorielle. D’une manière qui me semble étrange, Davies lui-même se distancie de l’idée que je vois le monde comme étant constitué de faits considérés …

Parties annexes