Comptes rendus

David Woodruff Smith et Amy L. Thomasson (dir.), Phenomenology and Philosophy of Mind, Oxford, Oxford University Press, 2005, 322 pages[Notice]

  • Raphael Van Riel

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  • Raphael Van Riel
    Universität bochum

La phénoménologie traverse présentement une renaissance dans le domaine de la philosophie de l’esprit. Des philosophes comme Alva Noë, Shaun Gallagher et Dan Zahavi interprètent les résultats neuroscientifiques en ayant recours aux concepts et méthodes de la tradition phénoménologique. Toutefois, l’adaptation de la méthode phénoménologique en philosophie de l’esprit consiste souvent simplement à copier la façon de parler phénoménologique, ce qui ne contribue pas nécessairement à l’éclaircissement de l’objet d’étude. Les textes réunis dans le présent volume, et rédigés précisément pour celui-ci, sont libérés de tendances semblables : les auteurs résistent à la tentation d’envelopper leurs pensées dans le brouillard phénoménologique avec lequel d’ailleurs ils se confrontent systématiquement et, la plupart du temps, de manière extrêmement fructueuse. Une fois éclairée, dans la première partie, la relation entre la tradition phénoménologique et la philosophie de l’esprit à tendance « analytique » — à travers une contribution en première ligne historique de Paul Livingston (« Functionalism and logical analysis »), un texte de Galen Strawson sur la structure conceptuelle de la philosophie de l’esprit (« Intentionality and Experience : Terminological Preliminaries ») et une critique d’inspiration merleau-pontyienne à la théorie de la conscience de Dennett par Carmen Taylor (« On the Incapability of Phenomenology »), les quatre autres sections abordent différents complexes thématiques de la phénoménologie : la conscience et la connaissance de soi (2e partie), l’intentionnalité (3e partie), l’unité de la conscience (4e partie) et finalement la perception, la sensation et l’action (5e partie). Il faut tout particulièrement souligner ici que dans cet ouvrage des thèmes sont abordés qui, dans la philosophie de l’esprit de tendance naturaliste-analytique, mènent depuis longtemps une existence marginale, lorsqu’ils ne sont tout simplement pas abordés, comme c’est le cas de la question de savoir si les hommes sont capables d’avoir conscience des objets abstraits (consciousness of abstract objects) ou celle de savoir s’il y a quelque chose de tel qu’une conscience collective (collective consciousness). En débattant de telles questions qui ont suscité un intérêt dans la tradition phénoménologique, on peut élargir considérablement l’éventail de la philosophie de l’esprit. C’est d’ailleurs précisément ce que les directeurs de la publication désignent comme leur but : l’objectif de ce volume, nous disent-ils, consiste à « intégrer les résultats et les méthodes des deux disciplines dans l’intérêt de la philosophie dans son ensemble » (p. 1). Ils précisent ensuite l’orientation primaire de cette fécondation « réciproque » : il s’agit dans ces essais d’exposer la pertinence de la phénoménologie pour la philosophie de l’esprit (p. 2). Il semble toutefois que l’ouvrage fasse ici face à une difficulté insurmontable, symptomatique des tentatives de laisser les phénoménologues soigner la philosophie de l’esprit — cette dernière étant souvent qualifiée ici d’« analytique » : cette difficulté est celle de la détermination exacte de ce que doivent signifier les expressions « tradition phénoménologique » et « philosophie analytique » dans ce contexte. Les directeurs de la publication distinguent la tradition phénoménologique de la tradition analytique tant d’un point de vue historique que d’un point de vue systématique. Et, respectivement, les expressions « philosophie analytique » et « phénoménologie » sont alors à comprendre d’une part selon des critères systématiques et d’autre part selon des rapports historiques précis. Toutefois, cette distinction louable ne mène malheureusement pas au résultat souhaité. Les directeurs de publication tentent de nous donner dans l’introduction une idée globale des deux disciplines, d’un point de vue historique et systématique (p. 1). Mais cela tourne mal : dans la première partie de l’introduction (« A brief History of Philosophy of Mind », p. 2-4) la …