Comptes rendus

Manuel Rebuschi, Qu’est-ce que la signification ?, Paris, Vrin, coll. « Chemins philosophiques », 2008[Notice]

  • Delphine Chapuis-Schmitz

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  • Delphine Chapuis-Schmitz
    CNRS/IHPST (Paris)

Depuis le tournant linguistique qui a eu lieu à l’aube du vingtième siècle, le langage a occupé une place de premier choix dans les discussions en philosophie analytique. On a pu considérer, dans la perspective de la philosophie linguistique qui a dominé jusque dans les années 1960, qu’il était possible de soumettre les problèmes philosophiques traditionnels à une analyse rigoureuse grâce aux outils formels fournis par les développements les plus récents en logique. La question de la signification ne fait pas exception : elle a elle-même été soumise à un examen minutieux, ce qui a contribué à l’élaboration d’un champ de réflexion spécifique, la philosophie du langage. Au cours du vingtième siècle, l’analyse formelle et l’analyse philosophique ont ainsi été développées de façon parallèle pour tenter d’apporter une réponse satisfaisante à la question de savoir ce qu’est la signification. Ce sont les principales étapes de ce développement que Manuel Rebuschi présente dans un ouvrage récemment publié, intitulé : Qu’est-ce que la signification ? Plus précisément, l’auteur s’attache à reconstruire l’histoire des différentes conceptions de la signification qui ont été proposées à partir du cadre posé par Frege, en mettant en lumière leur articulation problématique et la manière dont chacune vise à proposer une solution des problèmes rencontrés ou laissés en suspens par les précédentes. Il retrace ainsi l’histoire du développement problématique de la sémantique, depuis sa mise en place par les acteurs du tournant linguistique, Frege et Russell, jusqu’aux développements contemporains qui visent à proposer une approche renouvelée de la signification. L’ouvrage est organisé, conformément à la maquette de la collection « chemins philosophiques », en deux parties : la première consiste en une exposition systématique ; dans la seconde, deux textes originaux sont reproduits et commentés. Ces deux parties sont complémentaires, non pas au sens où la seconde illustrerait des thèses présentées dans la première, mais au sens où elle permet à l’auteur de poursuivre son examen de l’évolution de la sémantique commencé dans la première. Ainsi, après avoir présenté : 1) la conception standard de la signification telle qu’elle a été mise en place dans les années 1940-1950 sur la base des apports fondamentaux de Frege et Russell ; 2) les possibilités nouvelles d’analyse offertes par les sémantiques formelles dans les décennies suivantes ; et 3) les nouvelles théories de la référence qui mettent en cause, dans les années 1970, le paradigme dominant hérité de Frege, Manuel Rebuschi s’appuie sur deux textes plus récents, l’un de David Chalmers (1996), l’autre de Jon Barwise et John Perry (1983), pour introduire respectivement la sémantique bi-dimensionnelle et la sémantique des situations, qui tentent toutes deux de pallier certains problèmes du paradigme dominant et des nouvelles théories de la référence — nous reviendrons sur ce point par la suite. Les différentes conceptions de la signification présentées par l’auteur partagent un cadre commun : elles prennent appui sur l’intuition première selon laquelle nos énoncés décrivent ou représentent certains états du monde, et elles appréhendent corrélativement la notion de signification à partir de la fonction représentative du langage. En d’autres termes, la signification est conçue comme étant essentiellement liée à la capacité qu’a le langage à décrire ou à représenter certains faits. Dans une telle perspective, on est conduit à placer la notion de vérité au centre de la théorie de la signification et à affirmer que la signification d’un énoncé est déterminée par les conditions dans lesquelles il est vrai. Sur cette base, différentes voies peuvent être suivies afin de spécifier les conditions de vérité d’un énoncé, et Manuel Rebuschi les présente en mettant en lumière les caractéristiques qui leur sont propres. D’un …