Disputatio

Commentaire sur Delisle. Les philosophies du néo-darwinisme[Notice]

  • Barbara Continenza

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En 1969, l’embryologiste et généticien Conrad Hal Waddington, qu’il serait difficile de considérer comme un « orthodoxe » de la Synthèse, a publié un essai, « The Practical Consequences of Metaphysical Beliefs on a Biologist’s Work : an Autobiographical Note » (« Les conséquences pratiques des croyances métaphysiques sur le travail d’un biologiste. Note autobiographique »), essai qu’il a republié en 1975 en ouverture à son testament intellectuel. Dans cet essai, Waddington critique ceux pour qui les considérations métaphysiques sont « de l’écume qui s’agite », puis qui « s’atténue et disparaît ». S’opposant à eux, il développe une théorie du rôle fondateur et heuristique des croyances métaphysiques dans le travail de l’homme de science. En soutenant l’argument selon lequel « comme la poésie, la métaphysique peut être assimilée à travers des réseaux de communication autres que ceux d’une exposition rationnelle étendue » (ibidem), Waddington se réfère à la métaphysique de Whitehead, la philosophie du processus, des « occasions d’expérience », de la « concrescence », de la ligne de démarcation arbitraire, artificielle et conventionnelle entre le sujet menant l’expérience et celle-ci. D’après Waddington, s’ajouterait par la suite Waddington précise qu’il n’a pas développé ses perspectives théoriques dans le but de montrer l’exactitude et la précision de celles-ci. Il se déclare même disposé à admettre que ces perspectives n’ont pas été aussi fructueuses que celle qui répond tout simplement à la question « que fait un gène individuel ? » (ivi, p. 81). Il explique cependant que cela ne l’empêche pas de continuer à percevoir cette perspective comme « celle qui fait face à des problèmes plus importants, précisément parce que ces questions-là sont de large portée » (ibidem), ayant ainsi une influence décisive sur les directions prises par la connaissance scientifique. Le tabou sur les rapports de la métaphysique et de la science est tombé depuis longtemps ; l’hégémonie du néopositivisme aussi, avec son programme d’une conception scientifique du monde, programme édifié justement sur la référence polémique par rapport à l’inconsistance référentielle, vague sémantique et faiblesse logique de la métaphysique. Aujourd’hui, on reconnaît à la métaphysique un rôle considérable dans la théorie scientifique, l’idée étant aussi acceptée que la science ne peut se développer sans que des décisions rationnelles interviennent sur certaines questions qu’il n’est pas possible de résoudre seulement sur le terrain empirique (Boniolo, Vidali, 2003). Dans ce sens, le rôle attribué à la métaphysique peut de fait être plus ample. Si j’ai voulu commencer par rappeler, peut-être un peu longuement, les réflexions de Waddington sur la métaphysique, ce n’est pas pour entrer dans une discussion sur leurs contenus spécifiques, et pas seulement parce qu’il s’agit d’une nième ( ?) métaphysique gravitant autour du noyau originaire de la Théorie synthétique (donc, demeurant à l’extérieur de celui-ci). Waddington, comme je l’ai dit, n’a pas été un orthodoxe, mais sans aucun doute il fut — et il le déclara lui-même — un « darwinien » (non pas un « néo-darwinien », dirais-je un « post-néo-darwinien », comme il s’est défini lui-même ?). Mais j’ai effectué ce rappel parce qu’il me semble que cette sorte d’auto-analyse explicitement consciente, à travers laquelle il représente son enracinement métaphysique et le rôle que celui-ci a joué dans la recherche scientifique qu’il a menée avant l’apparition de la biologie moléculaire, a permis dans les derniers développements liés à ses théories une importante réévaluation qui pourrait se révéler apte à fournir des éléments de confrontation par rapport à l’analyse aiguë et approfondie de Delisle. Creusant à l’intérieur même du noyau du « paradigme » évolutionniste du xxe siècle, …

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