Comptes rendus

Antognazza, Maria Rosa. Leibniz : An Intellectual Biography, Cambridge, Cambridge University Press, 2009, 623 p.[Notice]

  • Cameron Brown

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  • Cameron Brown
    Université Concordia

Le livre de Maria Rosa Antognazza est une contribution accomplie non seulement aux études leibniziennes, mais également à l’histoire intellectuelle moderne en général. Son succès principal est à trouver dans sa manière de relever le défi le plus intimidant des études leibniziennes : l’immense diversité, parfois démesurée, des intérêts intellectuels de Leibniz qui, jusqu’à récemment, avait « disloqué et divisé » (p. 3) le corpus leibnizien aux yeux des spécialistes, sans compter qu’elle obscurcissait notre image de l’homme derrière l’oeuvre. En se basant sur le corpus toujours croissant d’études choisissant une cohérence à la fois temporelle et thématique dans l’oeuvre leibnizienne, et notamment sur l’ouvrage de Christia Mercer (Leibniz’s Metaphysics : Its Origins and Development, Cambridge, 2001), la combinaison adroite par Antognazza de récits historiques fluides et d’analyses textuelles pertinentes vient satisfaire le besoin d’une analyse globale — particulièrement nécessaire pour les lecteurs anglophones —, de la vie et de l’oeuvre du savant allemand itinérant. Dans son introduction, Antognazza souligne les quatre thèses méthodologiques qui guident son analyse. D’abord, loin d’être réduites à des préoccupations pratiques ou théoriques, la vie et l’oeuvre de Leibniz doivent être abordées comme un tout. Pour ce faire, Antognazza a esquissé avec soin les influences réciproques entre la pensée de Leibniz et ses circonstances concrètes. Ensuite, les divers intérêts, tant théoriques que pratiques, poursuivis par Leibniz sont tous traités heuristiquement en tant qu’ils sont unifiés par quelques principes de base, comme autant d’efforts contribuant à la gloire de Dieu et à l’amélioration de l’humanité. Les Demonstrationes Catholicae que projetait Leibniz, par exemple, « bien qu’elles n’aient jamais été réalisées dans leur entièreté et qu’elles changent de forme et de description selon différentes périodes, fournissent en quelque sorte un fil d’Ariane pour ceux qui souhaitent reconstruire l’unité sous-jacente à l’odyssée intellectuelle labyrinthique de Leibniz » (p. 90). Bien qu’elle semble parfois prendre grand soin d’affirmer cette unité programmatique, Antognazza s’efforce de s’en remettre à Leibniz lui-même qui a rarement manqué une occasion de promouvoir sa cause ou d’absorber un nouveau schème dans sa vision architectonique. En troisième lieu, on doit montrer que Leibniz s’était engagé envers ses principes de base à un stade très primitif de son développement intellectuel et qu’il n’y renoncera pas par la suite. Le premier chapitre de l’ouvrage offre un portrait fascinant d’un jeune précoce se familiarisant rapidement avec la topographie intellectuelle allant de la période classique à la période moderne en lisant insatiablement les ouvrages de la bibliothèque érudite de son père. C’est dès ces premières lectures que Leibniz conçut pour la première fois, entre autres, la possibilité de construire une encyclopédie des sciences en général. Quatrièmement, les intentions programmatiques de Leibniz — tout particulièrement eu égard à l’oecuménisme ecclésiastique et au fédéralisme paneuropéen — font de lui un produit net de son environnement : l’effritement intellectuel, politique et théologique du Saint Empire romain germanique de la fin du xviie siècle. Ce point de vue est considéré comme un correctif vis-à-vis de la tendance à faire de Leibniz un grand philosophe ayant eu le malheur de languir dans l’arrière-pays européen. Le fait que ces thèses se supportent mutuellement est un signe de leur aptitude à satisfaire la tâche leibnizienne de restaurer l’unité dans la multiplicité. Certains critiques de l’ouvrage discuté ici ont reproché aux thèses méthodologiques d’Antognazza de faire des « affirmations vagues et réservées », particulièrement ceux qui postulent des axiomes ou engagements de base à l’intérieur du projet intellectuel global de Leibniz. La critique consiste en ceci qu’en mettant trop d’emphase sur une continuité doctrinale robuste mais pourtant mal définie Antognazza sacrifie du coup une compréhension …

Parties annexes