Comptes rendus

Oeuvres de Charles De Koninck, tome I, Philosophie de la nature et des sciences, vol. 1, Québec, PUL, 2009, 475 p.[Notice]

  • Jean-Claude Simard

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  • Jean-Claude Simard
    Collège de Rimouski

Cette publication rend disponible une oeuvre majeure de l’histoire de la pensée québécoise au xxe siècle. En effet, en plus d’être le père de plusieurs chercheurs universitaires reconnus et d’avoir laissé son nom à un pavillon de l’Université Laval, Charles De Koninck fut un animateur important de la vie philosophique et intellectuelle du Québec. Les PUL comptent publier ses oeuvres complètes, dont voici l’ouvrage inaugural. On a ordonné les textes selon une logique thématique, et c’était justice d’ouvrir le tout par la philosophie des sciences et de la nature, champ de prédilection de l’auteur. Rappelons-le, c’est dans ce domaine qu’il enseigna ; d’ailleurs, sa thèse de doctorat en philosophie (Louvain, 1934) portait sur les travaux de l’astrophysicien Eddington. Ce volume regroupe neuf textes, échelonnés de 1936 à 1960. On y trouve d’abord deux ouvrages : Le cosmos (1936) et L’univers creux (1960, inédit en français), ainsi que l’« Introduction à l’étude de l’âme » de 1947, l’importante préface au Précis de psychologie thomiste de l’abbé Stanislas Cantin. On y a ajouté six articles : « Le problème de l’indéterminisme » (1937), « Mathématiques et philosophie » (1940), « Les sciences expérimentales sont-elles distinctes de la philosophie de la nature ? » (1947), « Un paradoxe du devenir par contradiction » (1954), ainsi que « Le problème de l’évolution » et « La responsabilité morale du scientifique » (inédit), tous deux de 1950. L’ensemble est précédé d’un avant-propos de Thomas De Koninck, ainsi que d’une présentation d’Yves Larochelle, maître d’oeuvre de ce premier volume, lequel a aussi traduit les deux textes anglais. Un index onomastique et une bibliographie des oeuvres du philosophe consacrées aux sciences viennent clore le tout. Moins étudié sans doute que Maritain et Gilson, De Koninck constitue pourtant un relais cardinal de la première moitié du dernier siècle. Évidemment, la facture de ces textes témoigne d’une époque révolue ; l’auteur y conjugue en effet trois niveaux distincts : les développements scientifiques, l’hylémorphisme aristotélicien et la théologie catholique. Comme le dit Larochelle dans sa présentation, ce style trouve encore des adeptes à l’Université Laval, mais il constitue « une exception québécoise, voire continentale » (XXIV). Cela dit, l’intérêt de ces textes se trouve ailleurs. D’une part, ils incitent à nuancer l’idée habituelle de Grande Noirceur. Au Québec, les années 30 constituent en effet une période d’ouverture internationale. À l’Université Laval, c’est la fondation de la Faculté des sciences (1937) et du Département de physique (1939). L’arrivée du philosophe d’origine belge s’inscrit dans le cadre de cette fenêtre ouverte sur le monde, que l’emprise duplessiste va ensuite chercher à refermer. D’ailleurs, De Koninck est sans doute le premier penseur francophone canadien (du moins d’adoption) qui ait ainsi rayonné hors de nos frontières. D’autre part, on prétend souvent que l’idée d’évolution biologique est alors rejetée au Québec, sauf par quelques esprits isolés, tel le frère Marie-Victorin. Il faut aussi tempérer cette perception. De Koninck est non seulement familier avec les travaux de Lamarck, Darwin, de Vries et von Bertalanffy, mais il soutient que « le philosophe qui nie la possibilité […] d’une théorie évolutionniste nie l’essence même de la méthode scientifique » (84). Abordons à présent le contenu lui-même. Le cosmos, texte le plus développé du recueil, veut offrir une philosophie de la nature en phase avec le siècle. La première partie, « Le point de vue scientifique » (3-25), installe le décor en rappelant quelques acquis majeurs de l’astrophysique, de la cosmologie et de l’évolutionnisme modernes. Plus étoffés, les quatorze chapitres de la deuxième partie (« Le point de vue philosophique », 26-117) dévoilent l’arrière-scène. On sait que, depuis …

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