Comptes rendus

Jan Woleński, L’École de Lvov-Varsovie. Philosophie et logique en Pologne (1895-1939), trad. du polonais par Anna. C. Zielinska, Paris, Vrin, coll. « Analyse et philosophie », 2011, 283 pages[Notice]

  • Sébastien Richard

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  • Sébastien Richard
    Université Libre de Bruxelles

Publié originellement en polonais en 1985 sous le titre Filozoficzna szkoła lwowsko-warszawska, le livre de Jan Woleński constitue encore aujourd’hui la principale référence sur l’École de Lvov-Varsovie. La présente traduction française fait suite à celles déjà parues en anglais (1989) et en russe (2004). L’acte de naissance de l’École de Lvov-Varsovie est la nomination de Kazimierz Twardowski en 1895 à la chaire de philosophie de l’Université de Lvov. Cet ancien élève de Brentano forma alors des philosophes de tout premier plan tels Jan Łukasiewicz, Stanisław Leśniewski, Kazimierz Ajdukiewicz, ou encore Tadeusz Kotarbiński, lesquels formèrent eux-mêmes d’autres philosophes aussi importants qu’Alfred Tarski ou Stanisław Jaśkowski, d’abord à l’Université de Varsovie et ensuite dans toutes les universités polonaises. Cet ensemble de philosophes formés ou réunis autour de Twardowski constitua une école philosophique et logique sans précédent dans l’histoire de la Pologne. Bien que son activité continuât après la Seconde Guerre mondiale, son âge d’or s’arrêta en 1939, nombre de ses principaux membres étant morts ou ayant fui la Pologne. L’ouvrage de Woleński multiplie les angles d’approche pour tenter de cerner cet extraordinaire foisonnement intellectuel qu’a pu être l’École de Lvov-Varsovie. Nous y trouvons, certes, une approche classique que nous pourrions qualifier de « figures et doctrines », mais aussi des recherches relevant de l’histoire institutionnelle et de la sociologie de la connaissance. Trois figures philosophiques particulières dominent l’ensemble de l’ouvrage. Il s’agit de celles du fondateur de l’École de Lvov-Varsovie, Twardowski, et de deux de ses plus illustres représentants, Ajdukiewicz et Kotarbiński. Ces deux derniers sont moins connus dans le domaine francophone que Łukasiewicz, Leśniewski ou Tarski, pourtant, philosophiquement, leur influence dans l’École de Lvov-Varsovie est au moins aussi grande. De plus, contrairement aux autres auteurs cités, Ajdukiewicz et Kotarbiński continuèrent à enseigner en Pologne après la Seconde Guerre mondiale. L’un des mérites de la traduction de l’ouvrage de Woleński est donc de proposer au lecteur francophone une première présentation synthétique de la pensée d’Ajdukiewicz et de Kotarbiński. En ce qui concerne le premier, Woleński expose avant tout son « épistémologie sémantique », c’est-à-dire une épistémologie qui tire ses conclusions d’une analyse des propriétés sémantiques du langage. Elle prit tout d’abord la forme d’un « conventionnalisme radical » pour évoluer ensuite vers un « empirisme extrême ». Nous regrettons dans cet exposé de la philosophie d’Ajdukiewicz l’absence de toute référence à ses contributions à la théorie des catégories sémantiques, issue des recherches de Leśniewski et des catégories de signification développées par Husserl dans son projet de grammaire pure a priori, et qui représente l’une des plus importantes contributions aux grammaires catégorielles. En ce qui concerne Kotarbiński, Woleński se concentre essentiellement sur son « réisme », lequel a constitué le seul « système philosophique » développé au sein de l’École de Lvov-Varsovie. Le réisme contient à la fois une composante sémantique et une composante ontologique. Du point de vue sémantique, il soutient que tous les noms qui désignent des entités abstraites (propriétés, relations, etc.) ne sont pas des noms au sens propre, mais ce que Kotarbiński appelle des « onomatoïdes », c’est-à-dire des abréviations dont les énoncés qui les contiennent sont dépourvus de sens et doivent être reformulés en des énoncés qui ne contiennent que des noms authentiques. Ce réisme sémantique se double d’un réisme ontologique selon lequel la seule catégorie ontologique est celle des choses. Twardowski est surtout connu dans le domaine francophone comme l’auteur de la distinction entre contenu et objet de la représentation. Cette distinction, si elle fut très importante pour la tradition brentanienne, semble avoir eu peu d’écho dans l’École de Lvov-Varsovie. Plus significatives dans le contexte …

Parties annexes