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En 2007, la revue Recherches amérindiennes au Québec publiait Métissitude (vol. XXXVII, nos 2-3), un numéro thématique dans lequel une vingtaine de chercheurs se questionnaient sur les différentes formes de métissages euro-autochtones dans la province et au-delà. Il s’agissait d’un moment particulier en études métisses partout au Canada, champ de recherche profondément bouleversé par l’arrêt Powley (R. c. Powley, 2003), premier et dernier jugement de la Cour suprême du Canada à avoir reconnu une protection constitutionnelle à une communauté métisse, celle de Sault-Sainte-Marie, en Ontario. Presque quinze ans plus tard, le comité éditorial de la Revue nous demande, à titre de codirecteurs de ce numéro, de revenir sur le cheminement qui a mené à sa conception, ainsi que sur son contenu et sur le développement subséquent des recherches sur les métissages et les identités métisses au Québec. Puisse la revue être remerciée pour cette invitation qui, au demeurant, reflète la pertinence de ce sujet de recherche, devenu aujourd’hui plus actuel que jamais. 

Les prémisses

Les codirecteurs : Pour apprécier le contexte dans lequel ce numéro a émergé, il importe dans un premier temps de rappeler l’état de la recherche sur la question métisse au Québec au tournant des années 2000. À cette époque, peu de travaux abordent cette question et ceux qui le font la traitent le plus souvent de manière secondaire à d’autres. Pour notre part, nous avons suivi l’un comme l’autre un cheminement de recherche oscillant entre le Québec et l’Ouest canadien, cette dernière région étant plus centrale aux problématiques métisses au Canada.

Étienne Rivard : La question métisse au Québec est au coeur de mes travaux depuis le début des années 2000. Je complétais alors mes recherches doctorales en géographie historique à l’Université de la Colombie-Britannique (1999-2004) avec une thèse comparant les réalités métisses des Prairies et celles du Québec. Au moment de la sortie publique de l’arrêt Powley, une bonne partie de la thèse est déjà écrite, et c’est un an presque jour pour jour après le jugement de la Cour suprême, en septembre 2004, qu’aura lieu la soutenance. La thèse aborde abondamment la question de l’ethnogenèse métisse, mais jamais n’a-t-elle cherché à en faire une démonstration empirique et documentée ; mon intérêt était ailleurs, dans la construction coloniale de l’idée du métissage – observée surtout sous l’angle de la cartographie critique – et dans le discours territorial et identitaire des groupes métis, passés et contemporains, à l’étude.

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C’est par la réalisation d’un stage postdoctoral à l’Université Laval (2004-2007) que s’orchestre mon retour au Québec dans ce qu’il est maintenant convenu d’appeler l’ère post-Powley. On sent déjà alors un foisonnement de l’identité et des revendications métisses, foisonnement en grande partie suscité par les espoirs de reconnaissance qu’aura fait naître la jurisprudence récente en matière de droits autochtones métis. C’est dans ce contexte que je fais la connaissance de Louis-Pascal (son directeur de thèse, Laurier Turgeon, ethnologue à l’Université Laval, est alors mon superviseur de stage postdoctoral) et que, doucement, germe l’idée d’un numéro thématique portant spécifiquement sur un champ nouveau mais qui s’annonce prometteur, celui des études métisses au Québec. Ce projet coïncide par ailleurs avec la mise en place d’une étude visant à vérifier l’existence de communautés métisses historiques au Saguenay–Lac-Saint-Jean et en Abitibi-Témiscamingue (2006-2007), étude financée par le Fonds de recherche du Québec – Société et culture (FRQSC) et d’autres partenaires institutionnels, et dirigée par Laurier Turgeon. Cette recherche reposait sur deux volets complémentaires et menés de front : un volet documentaire, dans lequel Louis-Pascal était concerné, et un volet ethnologique dans lequel j’agissais à titre de superviseur et de principal investigateur. 

Louis-Pascal Rousseau : J’entre dans le champ d’études sur les Métis par la voie d’une recherche de maîtrise en ethnohistoire aux Territoires du Nord-Ouest, autour du Grand lac des Esclaves, de 1999 à 2001. Il s’agit de l’une des régions du Canada où le processus de sédentarisation des populations autochtones est le plus tardif, se prolongeant jusque dans les années 1960. Au tournant du millénaire, il est alors toujours possible d’observer dans cette région des dynamiques identitaires vécues par des personnes âgées ayant passé leur jeunesse à l’ère de la traite des fourrures, au sein de populations dans lesquelles prévalaient encore fortement les langues autochtones. À cette époque – et d’ailleurs encore aujourd’hui, quoique dans une bien moindre mesure – les personnes âgées d’identité métisse sont divisées en deux groupes, sur des bases linguistiques et sociologiques ayant marqué leur jeunesse. D’une part, on retrouve dans cette région un groupe composé de familles aux origines françaises et cries, provenant du nord de l’Alberta, qui se sont déplacées en terre nordique à partir du xixe siècle. La plupart des personnes âgées de ce groupe ont vécu l’essentiel de leurs jeunes années à parler le « français des Métis ». Ces familles métisses entretiennent longtemps un contraste linguistique net avec les familles des Premières Nations locales, lesquelles parlent des langues dénées, très différentes de la langue crie. D’autre part, on retrouve dans cette même région un autre groupe de gens se considérant comme « Métis » sur des bases complètement différentes. Ce second groupe est composé de gens associés aux familles dénées locales, qui ont perdu le statut indien depuis une, deux ou trois générations du fait de la Loi sur les Indiens. Chez les personnes âgées de ce groupe, le rattachement culturel aux Dénés demeure saillant, puisqu’elles partagent avec eux, pour la plupart, une ou plusieurs de leurs langues. Ce second groupe de gens se considérant comme « Métis » n’a ainsi ni la même assise linguistique, ni les mêmes racines historiques que le premier. À cette dynamique identitaire mettant en scène deux groupes de « Métis » âgés s’en juxtapose un troisième; il est formé de jeunes Métis qui ont pour leur part vécu dans un monde anglicisé et qui ne perçoivent pas nécessairement les mêmes distinctions linguistiques et culturelles que leurs aînés. Je reviens à l’Université Laval en 2001, me plongeant dans les études sur les multiples manières d’être Métis, non pas pour les confronter les unes aux autres, mais pour les comprendre et les expliquer chacune dans leur originalité et leurs paramètres propres. Et c’est dans ce cadre que mon chemin croise celui d’Étienne.

Le numéro

Les codirecteurs : À l’instar de nos cheminements de recherche respectifs, le numéro Métissitude prend ainsi forme à un moment charnière de l’histoire de la recherche sur les métissages au Québec, alors qu’il y est toujours facile d’aborder la question métisse dans ses fondements les plus ouverts, autant à l’intérieur qu’à l’extérieur du cadre jurisprudentiel établi par le jugement Powley. En préparant ce numéro, notre objectif n’était sûrement pas de passer pour des visionnaires en matière d’études autochtones ; toute personne travaillant en études métisses savait déjà à l’époque que l’arrêt Powley allait inévitablement dans les années à venir entraîner la question de l’historicité (et de la géographicité) métisse au Québec au coeur des préoccupations des études sur les Autochtones. Les indices de ces changements étaient déjà aisément perceptibles. C’est donc d’une manière délibérée que nous avons opté pour une réflexion ouverte sur l’identité métisse, le Québec « métis » ne s’annonçant pas, par ailleurs, nécessairement à l’identique des réalités métisses de l’Ouest canadien. Pour reprendre le phrasé de l’époque,

[e]n somme, les textes qui sont réunis dans ce numéro thématique traitent, chacun à leur façon et selon des degrés divers, du métissage comme processus, du sujet métis et des catégories par lesquelles ce sujet métis est compris et mis en relief. Ils sont tous, d’une manière ou d’une autre, les témoins des dynamiques historiques et contemporaines qui animent l’existence et l’expression des identités métisses, tout particulièrement dans l’est du Canada, où l’essentiel de la réflexion à ce sujet reste à bâtir »

Rousseau et Rivard 2007 : 4

Étienne Rivard : Le choix des articles fut conséquent. Pour ne citer que quelques exemples, le numéro comprend un texte de l’anthropologue Claude Gélinas sur le métissage et la manière dont il est considéré au sein des populations des réserves des Premières nations. L’article de l’anthropologue Paul Charest, pour sa part, expose le concept d’une communauté métisse en Basse-Côte-Nord et au Labrador, définie d’abord sur la base d’une aire culturelle. Gwen Reimer et Jean-Philippe Chartrand, consultants en ethnohistoire actifs dans les dossiers de revendications autochtones en Ontario, y présentent les résultats d’une étude plus classique en ethnogenèse, laquelle propose un argumentaire suggérant l’existence d’une communauté métisse historique du côté québécois de la Baie-James. L’historienne Jennifer Brown, pionnière de la recherche sur les Métis dans l’Ouest, alimente le numéro avec un article qui se veut une réflexion sur la manière d’aborder globalement le vocabulaire traitant des Métis dans les sources documentaires au Canada. D’autres, comme la spécialiste du droit autochtone Geneviève Motard et moi-même, présentent des textes critiques sur l’arrêt Powley et le poids des perspectives juridiques et étatiques dans la définition de l’identité métisse au Canada.

Louis-Pascal Rousseau : En bref, le contenu du numéro dialogue avec le contenu de l’arrêt Powley, tout en allant au-delà des simples critères d’identification jurisprudentielle des communautés métisses historiques au Canada qu’il a mis en place. Ainsi, si cet arrêt est crucial pour le contexte de production du numéro, celui-ci parcourt le champ de recherche en transcendant ses limites et en évitant le piège de le psalmodier de manière mécanique : 

Sans chercher à souscrire en tous points aux besoins de recherche considérables engendrés par le jugement, ce numéro propose des articles qui s’inscrivent dans le nouveau cadre contextuel que ce dernier impose à l’ensemble de la recherche sur les Métis au Canada. Qu’on y voit (sic) un obstacle ou plutôt une étape fondamentale dans le processus de reconnaissance du droit des Métis au pays, le jugement Powley amène pour tous une occasion de s’interroger sur la façon de concevoir ce qu’est une communauté métisse, sur son processus de formation et sur la pérennité de sa cohésion culturelle identitaire auprès des populations parentes (euro-canadiennes, amérindiennes et parfois inuites) dont elle est issue. La création d’un nouvel espace de reconnaissance pour les Métis amène les organismes autochtones, les institutions gouvernementales, les milieux universitaires et, plus largement, la société canadienne dans son ensemble à se questionner sur les balises identitaires pouvant servir à délimiter les frontières d’une nouvelle nation à l’intérieur d’un état multinational comme le Canada.

Rousseau et Rivard 2007 : 4

Les codirecteurs : Par cette approche, mais surtout en raison des besoins de recherche qui se pointaient alors, le numéro prêchait également pour la conservation d’un juste équilibre entre la recherche appliquée – toujours socialement pertinente – et la recherche fondamentale, située davantage en « amont » des préoccupations sociales du moment.

Les développements scientifiques et juridiques ultérieurs au numéro

Étienne Rivard : Il s’agissait là de nobles intentions. Pourtant, elles n’auront pu résister très longtemps aux forces structurantes de la judiciarisation. La jurisprudence a en quelque sorte mis au monde les études directement consacrées aux questions métisses au Québec ; il y avait forcément un prix à payer, une contrepartie à fournir pour prendre part à leur développement. Il aura fallu accepter qu’une part substantielle des travaux à venir mettrait lourdement à mal l’équilibre entre la recherche fondamentale et la recherche appliquée, équilibre dont nous nous faisions les défenseurs. Peu après la publication du numéro, le Procureur général du Québec a procédé à un recrutement massif au sein des chercheurs ayant jusqu’alors montré de l’intérêt pour les études métisses au Québec, dont deux précieux collaborateurs au numéro thématique : l’anthropologue Claude Gélinas et mon collègue, codirecteur de Métissitude, Louis-Pascal. Ainsi prenait forme le procès Corneau, premier litige en droits métis à avoir été entendu par une cour au Québec. N’étant pas en reste, bien que plus tard (en 2012), je prendrai la même direction – celle de la recherche appliquée dans un contexte juridique –, mais suivant un chemin (une piste !) opposé, celui de la Défense dans la cause Corneau. Les lecteurs ne manqueront pas de noter le caractère plutôt ironique de cette situation : de partenaires que nous étions dans ce numéro thématique – lançant d’une seule et même voix un appel à précaution devant les dangers de la judiciarisation de la recherche –, nous devenions tous deux, chacun de notre côté, des acteurs de cette même judiciarisation. À notre décharge, nous sommes entrés dans ce processus avec l’idée qu’il s’agissait d’un chapitre seulement d’une oeuvre plus variée, avec la conviction de contribuer à un champ de connaissance qui, encore dans une large mesure, restait embryonnaire.

Louis-Pascal Rousseau : Nous n’avions pas entièrement tort de penser ainsi. Sur un plan strictement qualitatif, il serait faux d’affirmer que les études métisses au Québec se sont limitées à la production d’expertises en contexte juridique. Si l’arrêt Powley a animé – ou réanimé – l’intérêt pour les questions métisses, il n’aura pas imposé à tous les critères d’observation de ces réalités ou les outils conceptuels à développer pour y arriver. 

Étienne Rivard : Cela est évidemment vrai pour tous les travaux ayant pris une tangente résolument ethnologique et contemporaine sur l’identité et la territorialité métisses ; et ce l’est également pour certains travaux d’ethnogenèse métisse (Rivard 2015 : 192-193). Bien sûr, le portrait est tout autre lorsqu’on se penche sur l’aspect quantitatif de la question. C’est à ce niveau que le poids du juridique sur la production scientifique en études métisses se révèle dans toute son ampleur. En 2015, la part des expertises scientifiques juridiques dans la production en études métisses a été estimée à environ 75 % (ibid. : 193). C’est pour le moins énorme. Il est à penser que la situation n’a pas beaucoup changé depuis puisque d’autres travaux associés à des expertises ont été publiés depuis, soit en continuité avec la cause Corneau (Rivard 2020 et 2021), soit en lien avec la multiplication des causes entendues devant les tribunaux (Bouchard, Malette et Marcotte 2019). En revanche, la judiciarisation aura aussi permis de susciter des recherches qui autrement n’auraient peut-être jamais vu le jour. D’ailleurs, et sur un plan personnel, il n’est pas certain que ma participation à ce champ d’études aurait été aussi marquée sans l’avènement du contexte juridique. J’ai longtemps hésité à me lancer dans la vérification empirique de l’ethnogenèse métisse au Québec. La vérité c’est que je ne pensais pas que de telles recherches puissent être décisives dans ma quête d’obtenir un poste de professeur universitaire en géographie. Mes espoirs à cet égard me semblaient bien mieux nourris par mes travaux sur les relations autochtones-allochtones en contexte de développement territorial, ou même par ceux qui seraient centrés sur la francophonie des Amériques. Et c’est dans ces derniers champs de recherche que je comptais canaliser mes énergies. À contempler ma situation professionnelle actuelle, je suis presque entièrement convaincu d’avoir vu juste. Quoi qu’il en soit, les circonstances en ont voulu autrement ; j’ai cessé de résister et me suis pleinement engagé dans la cause Corneau, et cela jusqu’au bout, soit jusqu’à la requête en appel en Cour suprême du Canada, requête qui fut rejetée en mai 2019. Je dois donc au contexte juridique plus que des heures d’angoisse (il y a en eu, soyez-en assurés), mais aussi une part non négligeable de ma production scientifique des dernières années. 

Ainsi, s’il y a un souci dans le développement récent des études métisses au Québec, il ne tient pas tant au poids de la recherche appliquée en tant que telle – d’autant qu’il ne pourrait s’agir que d’un moment dans la vie des études métisses au Québec – ou même au fait que ces recherches appliquées soient réduites à une vision particulière (jurisprudentielle) de l’identité métisse. Non. Là où le bât blesse tient au fait que la scène juridique est devenue, tout compte fait, le principal lieu d’échange des chercheurs s’intéressant à ces questions. Le contexte juridique, parce qu’il se veut par nature polarisant – il fait place à des opinions opposées qui rivalisent pour convaincre une seule personne –, limite grandement les échanges constructifs, forçant même des collègues ayant travaillé ensemble à réduire au strict minimum leurs collaborations scientifiques. C’est un lourd tribut collectif à payer pour servir la Justice – et je parle en connaissance de cause. 

Louis-Pascal Rousseau : Pour ma part, je m’intéressais à la recherche sur les métissages et leurs résultantes identitaires multiples bien avant Powley. Et même lorsque Powley a commencé à influencer le monde de la recherche universitaire au Québec, j’ai eu l’occasion d’aller étudier ces sujets dans un contexte doctoral en France, à l’École des hautes études en sciences sociales de Paris. Ce milieu était dépourvu des entraves à la réflexion – issues des pressions juridiques et politiques – se dressant parfois sur le parcours des chercheurs au Québec et au Canada. Revenu au pays après mon séjour doctoral, j’ai pu constater – et je rejoins ici le propos d’Étienne – que le contexte créé par la jurisprudence avait rapidement posé les bases d’un phénomène de polarisation du milieu universitaire, par lequel tout débat tend à s’essentialiser autour d’opinions « pour ou contre » la présence de communautés métisses historiques se conformant aux critères de l’arrêt Powley au Québec. C’est souvent le cas des publications qui ces dernières années ont plaidé la cause de l’existence de ces communautés. Ces publications tendent à éluder l’idée qu’il puisse y avoir – parallèlement aux communautés métisses historiques dont elles plaident l’existence – des personnes qui se sont approprié récemment l’identité métisse sans être associées à ces communautés. De la même manière, d’autres publications exposent des phénomènes récents d’appropriation de l’identité métisse par des individus non rattachés à des communautés métisses historiques dans l’est du Canada, incluant le Québec (Leroux et Gaudry 2017 ; Teillet 2019). Ce type d’études tend pour sa part à reléguer en arrière-plan l’idée qu’il puisse y avoir – parallèlement aux phénomènes d’appropriation identitaire souvent massifs qu’elles exposent – d’éventuelles petites communautés métisses historiques dans cette région du pays ayant jusqu’à maintenant échappé à l’attention des chercheurs. Pour moi, il n’y a jamais eu lieu d’être fondamentalement pour ou contre l’existence de communautés métisses historiques ou ni d’un phénomène récent d’appropriation de l’identité métisse au Québec. L’un comme l’autre peuvent coexister. À ce titre, certains travaux, comme ceux de Ens et Sawchuk proposent une approche tendant vers un équilibre conceptuel. Ces travaux portent notamment sur les phénomènes récents de « reformulation » de l’identité métisse en Ontario, pouvant englober des groupes variés composés à la fois de personnes issues de communautés métisses historiques locales et de personnes d’ascendance mixte ayant adopté récemment l’identité métisse (Ens et Sawchuk 2016). Les phénomènes sociaux en lien avec le métissage sont très variés et peuvent parfois se produire simultanément dans une même région pour éventuellement s’entrecroiser au fil du temps. Pour ma part, mes intérêts de recherche se sont multipliés au fil des ans, mais je demeure fasciné par l’étude des métissages et de leurs résultantes identitaires à l’échelle des Amériques. Peut-être en raison de ma formation américaniste en France, je suis convaincu que les perspectives historiques comparatives à l’échelle continentale contribuent à mieux comprendre ce qui s’est passé localement au Québec. L’influence de Powley n’est que circonstancielle au Canada dans la vaste histoire de la recherche sur le métissage à l’échelle des Amériques.

Les codirecteurs : Les études métisses ont peut-être pris une tangente trop appliquée pour certains, trop « Powley-risées » au goût de plusieurs autres, mais elles n’en demeurent pas moins aujourd’hui un champ légitime de recherche. Si les chercheurs demeurent partagés quant à l’existence ou non de communautés historiques métisses au Québec, tous se rejoignent sur la pertinence d’étudier la question, alors qu’une telle problématique était complètement sous les radars de la communauté scientifique il y a à peine vingt ans. Parions que cet appel d’équilibre entre recherches fondamentale et appliquée sera enfin entendu. Qui sait, peut-être aurons-nous raison cette fois-ci ! Que ce soit avant ou après l’arrêt Powley, il y a eu et il y aura toujours au Canada plusieurs manières d’être Métis, dont certaines ne cadrent pas dans les critères d’identification qu’il édicte. Et toutes ces manières vaudront toujours la peine d’être étudiées.