Comptes rendus

Denyse Baillargeon Naître, vivre, grandir. Sainte-Justine, 1907-2007. Montréal, Boréal, 2007, 383 p.[Notice]

  • François Rousseau

…plus d’informations

  • François Rousseau
    Monastère des Augustines de l’Hôtel-Dieu de Québec

Sainte-Justine, nul besoin d’en dire plus. L’auteure a raison de le souligner, peu d’établissements de santé jouissent d’une notoriété suffisante pour les désigner à la fois aussi concisément et aussi clairement. Cet hôpital vient d’atteindre l’âge vénérable où les bilans rétrospectifs prennent du sens et, disons-le d’emblée, celui que viennent de produire l’auteure et son éditeur est une réussite. Naître, vivre, grandir […] est un beau et bon livre. La reliure entoilée, le format paysage (23 x 27,5 cm) peu usité, la mise en pages soignée, les illustrations judicieusement choisies et exploitées en font un objet d’une agréable harmonie. Des encadrés présentent succinctement plusieurs des figures qui ont façonné la destinée de l’hôpital ou explicitent des éléments de la trame historique, toutes choses qui, autrement, encombreraient le fil d’un récit déjà passablement meublé. La perspective diachronique adoptée par l’auteure lui a paru la plus apte à faire ressortir la spécificité de Sainte-Justine et ce qui relève de processus plus globaux. Comme un parcours initiatique, le premier chapitre plante le décor et établit la trame générale, que viendront compléter les six chapitres suivants, où sont examinés le financement des soins, l’évolution de la clientèle et du séjour à l’hôpital, le rôle des bénévoles, l’apport des médecins au développement des soins, le travail des infirmières et des infirmiers au chevet des malades et, enfin, la contribution des autres groupes de travailleuses et de travailleurs hospitaliers, qu’ils soient à l’oeuvre sous les projecteurs ou derrière le décor. Il serait illusoire, et ce serait une injustice pour l’auteure, de prétendre résumer en quelques pages une étude aussi dense. Il s’en dégage toutefois un certain nombre d’idées maîtresses qu’il convient de mettre en évidence, parce qu’elles constituent l’originalité de l’établissement : la fondation à la fois laïque et féminine, l’ambition des administratrices d’inscrire leur hôpital dans la modernité et la volonté de faire participer un large contingent de bénévoles à son développement. Les origines du premier hôpital pédiatrique francophone du Québec constituent, en effet, un cas d’espèce à plus d’un titre, puisqu’il a été fondé par un groupe de femmes de la bourgeoisie montréalaise réunies autour de Justine Lacoste Beaubien et de la docteure Irma Levasseur. Un groupe de femmes et de mères qui s’inquiétaient d’une mortalité infantile classant Montréal au second rang mondial derrière Calcutta et des effets à long terme de cette ponction tragique sur l’avenir de la nation canadienne-française. Il est tout aussi exceptionnel que la principale animatrice du groupe, Justine Lacoste Beaubien, ait tenu les rênes de l’établissement et façonné son développement pendant près de 60 ans. Institution féminine et laïque dont les administratrices détiennent des prérogatives considérables, Sainte-Justine est aussi fille de son temps, qui prête aux femmes des vertus particulières de compassion et qui conçoit les soins comme une extension des responsabilités domestiques. Cette double filiation marquera pour longtemps la culture institutionnelle. L’hôpital voit aussi le jour à une époque où l’institution hospitalière amorce une mutation qui lui fera progressivement abandonner sa nature d’oeuvre de bienfaisance pour devenir un des instruments de gestion de la société. C’est cette conscience, sans doute encore confuse lorsqu’elles s’inquiètent de l’avenir de la nation canadienne-française, qui nourrira la volonté des fondatrices de faire de leur hôpital un établissement à la fine pointe de la science médicale. Une ambition qu’elles poursuivront sans désemparer et qu’elles transmettront aussi à leurs collaborateurs et collaboratrices, comme en témoigne la croissance peu commune réalisée au cours du premier demi-siècle d’existence de l’établissement, tant sur le plan physique, alors que l’hôpital passe de 17 à 800 lits, que sur celui de l’organisation médicale. En 1928, la décision d’unir le …