Comptes rendus

Cameron Duder, Awfully Devoted Women. Lesbian Lives in Canada, 1900-65, Vancouver, University of British Columbia Press, 2010, 313 p.Liz Millward, Making a Scene. Lesbians and Community across Canada, 1964-84, Vancouver, University of British Columbia Press, 2015, 316 p.[Notice]

  • Manon Tremblay

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  • Manon Tremblay
    Université d’Ottawa

Depuis quelques années, les Presses de l’University of British Columbia Press (UBC Press) ont développé une collection consacrée aux études sur les sexualités, certains des ouvrages qu’elle regroupe portant sur les lesbiennes. C’est là un événement heureux qui contribue à enrichir le rayon de la bibliothèque plutôt dégarni des livres sur les lesbiennes au Canada, jusqu’ici essentiellement occupé par Mémoires lesbiennes de Line Chamberland (1996) et The House that Jill Built de Becki Ross (1995). En un certain sens, l’ouvrage intitulé Awfully Devoted Women. Lesbian Lives in Canada, 1900-65 fait écho aux Mémoires lesbiennes en raison de l’approche et, en partie, de la période historique qu’il privilégie, soit celle qui précède la décriminalisation partielle de l’homosexualité en 1969, alors que Making a Scene. Lesbians and Community across Canada, 1964-84 poursuit l’analyse du militantisme lesbien féministe entreprise dans The House that Jill Built. Certes, la pauvreté des travaux sur les lesbiennes trouve plusieurs explications : traditionnellement, les femmes – y compris les lesbiennes – ont été discrètes dans l’espace public; moins que les gais, elles ont eu accès aux ressources (intellectuelles et matérielles) permettant de marquer l’histoire et de la raconter; et puis – nous le savons – les femmes ne s’intéressent pas au sexe… Et pourtant, les deux ouvrages sous la loupe de la présente recension – Awfully Devoted Women de Cameron Duder et Making a Scene de Liz Millward – obligent à un constat : non seulement les lesbiennes ont une sexualité, mais elles ont mis en place tout un ensemble de stratégies pour faire advenir à la réalité leur imaginaire et leur identité en tant que lesbiennes. Les deux ouvrages ont pour objectif de sortir de l’ombre, de décrire et d’offrir quelques explications à l’existence lesbienne au Canada, de 1900 à 1984. Toutefois, ils empruntent des voies distinctes pour explorer cette problématique. Duder s’intéresse d’abord et avant tout à des lesbiennes, alors que Millward privilégie les mouvements politiques qu’elles mettent en place durant les années 70 et 80. De manière plus précise, l’ouvrage Awfully Devoted Women a pour objectif de déterminer « how Canadian lesbians understood their desires between 1900 and 1965 » (p. 12), en décrivant, pour ce faire, les trajectoires de vie de ces lesbiennes d’avant la sortie partielle de l’homosexualité du Code criminel canadien à la fin des années 60, alors que les lesbiennes étaient fort peu visibles (à moins de savoir les reconnaître). Difficile, toutefois, de concevoir sous le même registre les vies lesbiennes en 1910 et en 1958. C’est pourquoi Duder divise son propos en deux parties, soit de 1900 à 1950, puis de 1950 à 1960. Les trois chapitres de la première partie sont particulièrement novateurs, en cela qu’ils privilégient des lesbiennes largement ignorées par les recherches universitaires, soit celles qui ont vécu entre l’époque des amitiés romantiques et l’après-Seconde Guerre mondiale, alors que le lesbianisme devient plus visible soit parce qu’il alimente les angoisses d’une société hétéronormative obsédée par la recherche d’ennemies, soit parce que des couples butch-femme se donnent à voir en public. Duder présente d’abord les couples (présumés lesbiens) qui ont alimenté cette période de son étude (chapitre 1), puis elle décrit les façons qu’avaient alors les lesbiennes de se repérer dans ce contexte d’anonymat (chapitre 2) et, enfin, elle examine leurs pratiques sexuelles (chapitre 3). La deuxième partie de l’ouvrage Awfully Devoted Women, qui porte sur la période d’après-guerre, compte cinq chapitres : l’enfance et les normes ayant encadré l’éducation des lesbiennes interviewées (chapitre 4), ce qu’elles savaient (ou non) de la sexualité en général et de l’homosexualité en particulier (chapitre 5), leurs pratiques sexuelles …

Parties annexes