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L’ouvrage Droit de l’arbitrage de grief des professeurs Rodrigue Blouin et Fernand Morin n’a pas à être présenté aux praticiens et universitaires oeuvrant dans le domaine du droit du travail. Dès sa première édition parue en 1975 sous le titre L’arbitrage des griefs au Québec, il s’est imposé dans le monde du travail. L’arbitrage des griefs n’est évidemment pas un sujet qui a été oublié par les auteurs québécois qui s’intéressent au droit des rapports collectifs de travail. Les articles portant sur des aspects particuliers de l’arbitrage abondent dans les revues universitaires et les publications des organisations professionnelles, dont les membres s’intéressent à cette juridiction ; cependant, le livre des auteurs Rodrigue Blouin et Fernand Morin demeure le seul ouvrage de référence québécois qui traite de ce sujet dans son intégralité et qui couvre un ensemble de questions pouvant se soulever lors de l’arbitrage d’un grief.

Écrire une recension d’un ouvrage de collègues universitaires peut s’avérer une entreprise périlleuse. L’auteur peut inconsciemment céder à la tentation de comparer l’oeuvre qui fait l’objet de son analyse au livre idéal qu’il n’a pas écrit ; ou l’amitié qu’il porte aux auteurs peut l’entraîner dans un long hymne de louanges qui compromettrait la valeur de son propos. Dans les quelques paragraphes qui suivent, on s’efforcera d’éviter de sombrer dans l’un ou l’autre de ces défauts.

L’ouvrage des professeurs Blouin et Morin en est maintenant à sa cinquième édition. Et, tout comme celles qui l’ont précédée, dont la qualité n’a cessé de croître, cette nouvelle parution est meilleure que celle qui a été publiée en 1994. Le plan suivi est demeuré inchangé pour l’essentiel ; l’ordre des diverses questions abordées est généralement le même. Rappelons que ce plan comporte dix titres, dont chacun comprend un certain nombre de chapitres selon la complexité des sujets abordés.

Cette édition comporte des développements nouveaux dont les auteurs font d’ailleurs état dans leur avant-propos. Certaines questions moins élaborées dans l’édition précédente ou à peine esquissées font désormais l’objet d’exposés plus importants. Parmi les sujets qui ont ainsi davantage retenu leur attention, mentionnons de nombreuses questions se rattachant à la compétence de l’arbitre ou qui ont une incidence sur son existence, divers moyens préalables dont la finalité est de mieux circonscrire le litige opposant les parties, la médiation des griefs ou leur arbitrage accéléré ou sommaire. De même, les auteurs exposent plus abondamment leurs vues sur la place et l’importance de la jurisprudence en arbitrage et son influence sur le processus décisionnel. Quelle autorité les décisions antérieures revêtent-elles aux yeux de l’arbitre saisi d’un litige ? Diffère-t-elle, suivant la position hiérarchique du tribunal qui s’est auparavant prononcé sur la question qui lui est soumise ? En outre, l’arbitre est-il assujetti à la règle du stare decisis ? Ces questions, qui ont peu ou prou retenu l’attention de la doctrine québécoise jusqu’à ce jour, sont abordées dans cette nouvelle édition.

Depuis plusieurs années, les praticiens du droit du travail, incluant bien sûr les arbitres, sont de plus en plus fréquemment confrontés à des questions diverses portant sur l’application de la Charte des droits et libertés de la personne et aussi, bien qu’à un degré moindre, à la Charte canadienne des droits et libertés. On aurait espéré que ces sujets tiennent davantage de place dans cette nouvelle édition. Or, force est de reconnaître que les auteurs sont demeurés plutôt discrets à cet égard. Leur ouvrage contient bien un titre nouveau consacré à l’obligation d’accommodement, question dont la Cour suprême a eu l’occasion de traiter une nouvelle fois dans une décision récente (Colombie-Britannique (Public Employee Relations Commission) c. B.C.G.S.E.U., [1999] 3 R.C.S. 3), cependant, on ne retrouve aucune étude systématique des retombées du domaine des droits et libertés en droit du travail, ces sujets n’étant abordés que de façon incidente en divers endroits de l’ouvrage. Qu’en est-il de la compétence de l’arbitre, du Tribunal des droits de la personne ou des tribunaux de droit commun dans les cas de litiges survenant dans un contexte de rapports collectifs de travail, et mettant en oeuvre des dispositions de ces textes constitutionnels ou quasi constitutionnels ? Ceux et celles que ces questions intéressent ne trouveront pas véritablement réponse à leurs interrogations dans ce volume.

Néanmoins, et malgré les remarques qui précèdent, qui ne se veulent aucunement négatives, cette nouvelle version de l’ouvrage des professeurs Blouin et Morin est indispensable pour les arbitres et les avocats ou conseillers syndicaux agissant devant eux, de même que pour les responsables des relations du travail dans les entreprises ou établissements dont les salariés sont assujettis à une convention collective. Aucune autre publication n’apporte un éclairage aussi vaste sur les divers problèmes qui peuvent se présenter à l’occasion de l’arbitrage d’un grief. Et, il importe de le souligner, les auteurs ont intégré à leur ouvrage les jugements prononcés récemment qui sont de nature à intéresser les arbitres et les praticiens de l’arbitrage.