Comptes rendus

Yves Vaillancourt et Louise Tremblay (dirs), L’Économie sociale dans le domaine de la santé et du bien-être au Canada : une perspective interprovinciale, Montréal, Laboratoire de recherche sur les pratiques et les politiques sociales, Université du Québec à Montréal, 2001, 184 p.[Notice]

  • Simon Langlois

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  • Simon Langlois
    Département de sociologie et CEFAN,
    Université Laval.

L’économie sociale fait maintenant partie du modèle québécois au même titre que Québec inc. qui est issu d’une alliance entre la bureaucratie de l’État québécois et le monde francophone des affaires. Comme ce fut le cas pour l’économie marchande, c’est aussi la technocratie étatique québécoise qui a contribué à mettre sur pied – et surtout à développer dans les années 1990 – tout un réseau parallèle de prise en charge par le tiers secteur d’un certain nombre d’activités et de services en matière de santé et de bien-être principalement. La croissance de l’économie sociale a marqué le Québec dans la décennie des années mille neuf cent quatre-vingt-dix presque autant que l’extension de Québec inc. dans la décennie précédente. L’ouvrage édité sous la direction de Yves Vaillancourt et Louise Tremblay propose de faire le point sur cette nouvelle réalité au Québec en adoptant une approche comparative avec trois autres provinces canadiennes : l’Ontario, point de comparaison souvent privilégié pour le Québec, la Saskatchewan, qui a été le berceau de l’État providence canadien, et le Nouveau-Brunswick. Ce choix d’une analyse comparée est judicieux. Durkheim en faisait déjà un point de méthode pour faire ressortir certains traits originaux des sociétés et surtout, pour faciliter la compréhension et l’explication sociologiques. L’ouvrage de Vaillancourt et Tremblay en montre encore une fois le caractère fructueux. Les provinces canadiennes constituent par ailleurs un laboratoire privilégié pour la comparaison car un grand nombre de facteurs (ou de variables) susceptibles d’intervenir dans l’explication des phénomènes à l’étude sont ainsi maintenus constants à cause de l’appartenance au même univers sociopolitique qui permet de standardiser bien des mesures. Que faut-il entendre par économie sociale ? Aussi appelée tiers secteur ou économie solidaire – en anglais, non profit sector, voluntary sector, non-governmental organization, ou encore community organizations –, elle a d’abord été définie par la négative en désignant un secteur d’activité autre que celui de l’économie marchande et que le secteur public, mais autre aussi que le secteur informel formé par la famille ou le réseau social personnel. Pour Yves Vaillancourt (qui a beaucoup écrit sur cet objet d’étude), Louise Tremblay et leurs collaborateurs, l’économie sociale se caractérise, positivement cette fois, comme un secteur marqué par une culture qui lui est propre, par la solidarité entre les acteurs, l’organisation démocratique du travail et la participation des usagers. L’ouvrage ne dit cependant pas si ces traits spécifiques positifs se concrétisent dans la réalité quotidienne des entreprises du tiers secteur ni si, à la longue, ces dernières ne finissent pas par ressembler aux autres organisations marquées par des relations de pouvoir, l’autoritarisme et bien d’autres maux organisationnels connus des sociologues. La recherche sur le terrain là-dessus reste à faire, mais les travaux de Jacques T. Godbout donnent à penser que le portrait de ce secteur est sans doute moins idyllique que celui qui est dressé dans bien des discours idéologiques sur la question (ce qui n’est pas le cas dans cet ouvrage, notons-le au passage, qui garde une perspective critique malgré le capital de sympathie évident pour l’objet d’analyse). L’économie sociale recourt de façon significative au travail rémunéré – contrairement à la production domestique ou les soins prodigués par les aidants naturels par exemple – et elle est en lien avec des mouvements sociaux, qui se qualifient eux-mêmes de progressistes, qui en font la promotion. L’économie sociale se distingue donc du bénévolat anglo-saxon et elle apparaît pour les auteurs de l’ouvrage comme un élément de solution à la crise de l’État providence. Bref, l’économie sociale occupe un espace entre l’étatisation et la privatisation des services, les auteurs parlant …